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Polémique autour du danger et de l’utilité de la biométrie

Publie le dimanche 26 février 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

Les premières applications de la biométrie en milieu scolaire ont connu un cuisant revers. Le " flicage électronique " ne semble pas apprécié des jeunes mais également des enseignants. Tous jugent le dispositif biométrique dangereux car soumettant les gens à un contrôle social excessif. De jeunes lycéens, ulcérés, se sont d’ailleurs attaqué aux machines et les ont détruites. Ils ont été condamnés par la justice mais, au delà de ce fait divers, c’est toute la biométrie à usage domestique qui est aujourd’hui remise en question.

Rappel des faits : le 17 novembre 2005, deux bornes d’identification par le contour de la main donnant accès à la cantine du lycée de la Vallée de Chevreuse, à Gif-sur-Yvette, étaient détruites par trois étudiants, militants anti-biométrie. Le proviseur porta plainte, estimant les dégâts à 15 000 euros. Comparaissant devant le tribunal correctionnel d’Evry en décembre dernier, le procureur réclama une peine de 105 heures de travaux d’ intérêt général. Vendredi dernier, c’est finalement à trois mois de prison avec sursis que les trois étudiants furent condamnés. Ils devront également verser des amendes de 500 euros chacun et 9 000 euros de dommages et intérêts. Cette condamnation fera l’objet d’un appel ces prochains jours.

Mais depuis les faits, c’est toute la question de la mise en place de la " biométrie humaine " dans notre société qui est remise en question. Beaucoup dénoncent " une technologie attentatoire à la vie privée et ouvrant la porte à de nombreuses dérives en terme de contrôle des individus ".
Le débat ne fait que s’amplifier et le monde enseignant comme les
associations de défense sont entrés dans la vague de la contestation.
On peut citer des organisations comme la Ligue des Droits de l"Homme,
le Syndicat de la Magistrature, la Fédération syndicale unitaire, Sud
Education, la FCPE ( parents d"élèves )...

Du côté de la CNIL, ( Commission nationale pour l’informatique et les libertés ) qui a donné son aval à l’installation d’un tel
système dans plusieurs établissements scolaires, on estime que toutes
les garanties sont prises pour éviter les malentendus... et les
dérives. Les autorisations sont distribuées au compte-goutte et
rigoureusement encadrées. La CNIL cite les dispositifs qui sont choisis
et dont le système ne permet pas de récupérer les données pour en faire
un usage dont l’ individu ne serait pas averti. Une garantie bien mince
pour les détracteurs de la biométrie à usage scolaire.

Il faut dire qu’ils sont largement confortés dans leurs inquiétudes. Car, le cas du lycée de la Vallée de Chevreuse vient quelquepeu contredire les certitudes de la CNIL. En effet, le lycée n’avait tout simplement pas fait de demande d’autorisation pour installer ce type d’appareil.

Une fausse et mauvaise note donc pour cet établissement. L’encadrement à l’installation de tels dispositifs devrait être plus rigoureux. D’autant qu’il semble évident que la biométrie en milieu scolaire ou autre devrait se développer pour des raisons de commodité mais également parce que c’est dans l’ère du temps de vouloir tout contrôler pour mieux " maîtriser ". Big Brother, toujours un mythe ?

 http://www.generation-nt.com/actual...

Messages

  • Au supermarché (je n’y vais que rarement), il ya des codes sur la marchandise (les emballages) pour rendre plus facile la comptabilisation des stocks.

    Autant je peux percevoir une "avancée" dans ce domaine (et même pas, je suis pour la suppression radicale des super et surtout hyper marchés), celui de la gestion des stocks, autant j’avoue une totale aversion pour les "stocks" humains contrôlés de la même manière, donc réduits à l’état de marchandise.

    Gérer une cantine, c’est d’une simplicité désarmante, et il n’est pas necessaire de passer par des méthodes policières pour savoir si un môme est venu manger ou pas.

    Tout doucement, "on" nous habitue au contact avec la machine, nettement moins fiable que l’humain.

    C’est un vrai problème qu’il ne faut pas négliger. Quand l’humain se trompe, il est possible de discuter.

    Quand la machine commet une erreur (et je ne devrais surtout pas attribuer à la machine des caractériqtiques humaines, car par définition la machine ne "commet" pas d’erreurs, elle tombe en panne ou dysfonctionne), je vous souhaite bien du plaisir, car nous avons hélas une tendance à considérer les machines comme sans failles. Voilà notre première erreur, et celle ci est très grave.

    L’autre point, c’est celui d’habituer nos jeunes, sous couvert de simplifier les accès à la cantine, à être contrôlés par empreintes. Comme si c’était important, l’empreinte alors qu’une simple carte suffit.

    Mieux, donner son nom à une vraie personne ! Voilà comment il faut procéder, les jeunes donnent leur noms à une vraie personne...

    Mais pourquoi donc est-il tout à coup si urgent de contrôler les accès aux cantines ? Et en passant par la biométrie, en plus ? Il y a donc des jeunes qui sont internes et demi-pensionnaires, et qui ne mangent pas ?

    Mais alors, soit on cherche seulement à constater qui ne mange pas, soit on cherche à comprendre pourquoi ? Et vu la programmation de la disparition des assistantEs sociales, des CPE et infirmières, vu la paupérisation en terme de médecins scolaires, et de tous les dispositifs de soutien dans les établissements scolaires, ce contrôle ne sert à rien, car il n’y aura bientôt plus personne pour s’entretenir avec le ou les jeunes qui ne mangent pas.

    Sauf le policier réferent mis en place par Sarkozy....

  • Ce système de reconnaissance par empreintes digitales se développe également au sein de certaines entreprise. Contôle des entrées, et bien évidemment pointage... etc...
    Encore trop peu nombreux sont ceux qui comprennent le danger à venir pour les libertés. Quand on a besoin de bosser il faut bien accepter...
    Bravo à ceux qui ont le courage de résister !

  • De la mailingliste d’une amie/ from the mailinglist of a friend

    In the French newspaper (sorry of the delay :)
    “Le monde”
    Article paru dans l’édition du 06.12.05
    http://www.lemonde.fr/web/article/0...

    Non à la biométrie
    par Gorgio Agamben*

    Quand, à la fin du XIXe siècle, Galion en Angleterre commença ses recherches sur les empreintes digitales et Bertillon en France inventa la photographie judiciaire "pour l’identification anthropométrique" (c’était le terme de l’époque), de tels procédés étaient exclusivement réservés aux criminels récidivistes.

    Aujourd’hui, une société se profile où on se propose d’appliquer à tous les citoyens des dispositifs qui étaient jusque-là destinés aux seuls délinquants. Selon un projet qui est déjà en voie de réalisation, le rapport normal de l’État à ce que Rousseau appelait les "membres du souverain" sera la biométrie, c’est-à-dire le soupçon généralisé.

    Au fur et à mesure que les citoyens, sous la pression de la dépolitisation croissante des sociétés postindustrielles, se retirent de toute participation politique, ils se voient traités de plus en plus comme des criminels virtuels. Le corps politique est ainsi devenu un corps criminel.

    Les dangers d’une telle situation sont évidents pour tous sauf pour ceux qui refusent tout simplement de voir. On ne sait pas assez que ce sont des photos tirées des cartes d’identité et des cartes professionnelles qui ont permis aux polices nazies des pays occupés de repérer et d’enregistrer les juifs et qui ont facilité ainsi leur déportation. Que va-t-il se passer le jour où un pouvoir despotique disposera de l’enregistrement biométrique de toute une population ?

    Or cela est d’autant plus inquiétant que les pays européens, après avoir imposé le contrôle biométrique aux immigrants, s’apprêtent à l’imposer à tous leurs citoyens. Les raisons de sécurité invoquées en faveur de ces pratiques odieuses ne sont pas convaincantes, car si elles peuvent contribuer à empêcher la récidive, elles sont bien sûr inutiles pour prévenir un premier délit ou un acte de terrorisme. En revanche, elles sont parfaitement efficaces pour le contrôle massif des individus. Le jour où le contrôle biométrique sera généralisé et où la surveillance par caméra sera établie dans toutes les rues, toute critique et tout dissentiment seront devenus impossibles.

    Les jeunes étudiants qui ont détruit le 17 novembre les bornes biométriques dans la cantine du lycée de Gif-sur-Yvette ont montré qu’ils se souciaient bien davantage des libertés individuelles et de la démocratie que ceux qui avaient décidé ou accepté sans broncher leur installation.

    J’exprime ma solidarité aux étudiants français et déclare publiquement que je refuserai de me prêter à tout contrôle biométrique et que je suis prêt pour cela à renoncer à mon passeport comme à toute pièce d’identité.

    *Giorgio Agamben est philosophe.