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Pour que le Congrès extraordinaire écrive un livre extrordinaire

Publie le mardi 18 décembre 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

A lire les compte-rendus de l’Assemblée du 8-9 Décembre (La Défense), il apparaît des divergences d’analyses, de fond, de stratégie, mais une grande convergence de style de parole ou d’écritures.

Tout le monde ne pense pas pareil, mais tous s’expriment pareil. Il est frappant d’entendre le même style, la même rhétorique, les mêmes ‘tics’ d’écritures et de dires, des choses différentes certes, mais identiques quant à la façon de dire, d’écrire.

C’est ici, à ce point aveugle, jamais énoncé, jamais dépassé, que se situe à mon avis le point nodal de la crise communiste. Oui à Paul Boccara quand il réclame une révolution culturelle dans le parti, oui à la formation réelle à tous les réels, oui à l’éducation populaire. Oui, mais comment ?

Qu’est-ce-ce que parler veut-dire ? Qui s’adresse à qui ? Comment penser des choses différentes si on les dit de la même manière. Cette homogénéisation du discours quant à la parole plombe le débat, de fait elle le dénature.

Cette remarque, est valide, quant à nos opposants, nos partenaires. Si nos propositions sont les plus révolutionnaires, les manières de les dire, de les énoncer, sont tout autant conformiste, dénuées de pêche, de révolte, de désir, de travail sur les mots.

Désir. Désir, n’est pas un gros mot, ni un mot dénué de valeur. Il dit la part du sujet dans sa parole, la part d’engagement subjectif, la part d’engagement entier, de l’être à lui-même et aux autres, dans les effets de langage.

A la lecture, à l’écoute, qui sont les miennes, je m’inquiète, d’une forme de ‘langue de bois’ rampante qui ne dit pas les mêmes choses de la même manière, ce qui revient au Même.

Le Même, est ici le faux-semblant du dire, qui donne l’illusion de son être, sans être dans le réel de la parole.

Ici, c’est une affaire de courage, d’invention, de prises de risques dans le champ de la pensée, du dire, et de l’action. S’arracher aux conformismes anticipe les révolutions à venir, s’y plier décourage, asservit, désespère.

Rien, n’est dit sur le désir des communistes à être communiste, chacun y va avec ses convictions, ses certitudes, ses croyances, ses analyses certes, mais à un moment donné « ça » bloque, « ça » bute sur le désir inconscient de tout engagement. Cette partie aveugle de soi, et de l’organisation a conduit, entre autres, à banaliser le stalinisme.

Le travail de mémoire, ou d’histoire, ne suffit pas quant à débusquer les racines inconscientes qui font de chacun de nous ‘un dogmatique en puissance’, pour ne pas dire ‘un stalinien en puissance’, ou ‘un Guy Mocquet en puissance’, voire les deux. C’est autour de cette fine ligne contradictoire de la subjectivité révolutionnaire que les communistes devraient s’interroger, individuellement et collectivement. La fin, ne justifie jamais les moyens.

Il n’y suffirait pas s’ils ne mettaient sur l’établi de la pensée, le rôle absolument central de la parole, de la dialectique entre penser-parler-agir-écrire. L’invention-libération de la pensée, passe obligatoirement par l’invention-libération de la parole, écrite.

On ne peut penser différemment, si l’on écrit pareil, c’est impossible, c’est impensable. On pense à travers les mots, ils nous tiennent, tout autant que nous les détenons, ils nous enferment tout autant que nous les inventons.

Je propose la généralisation des ateliers d’écritures dans le P.C.F, jusqu’au plus haut niveau. Si par exemple l’ensemble des contributions était ressaisi dans un vrai travail d’écritures destiné à être publié, chacun approfondissant beaucoup son rapport à l’expérience politique, alors nous aurions une trace individuelle et collective. Un vrai livre pour le futur Congrès. Un livre écrit, sommé des expériences individuelles, collectives, un livre d’espoir ouvert sur le monde à venir. Un livre. Voilà le signe, attendu.

Prendre en compte les désirs conscients et inconscients des militants écrivants, donnerait j’en suis sûr, beaucoup plus de profondeur à un débat qui – somme toute – demeure très conventionnel à l’intérieur, comme à l’extérieur. Le signe tant attendu, est ici, l’émergence d’une vraie parole de luttes et du livre de tous les réels.

La révolution se fait d’abord, et avant tout, dans la langue qui (inter)-dit la révolution.

Jacques Broda

Professeur de Sociologie

Messages

  • La révolution se fait d’abord, et avant tout, dans la langue qui (inter)-dit la révolution.

    Santé ! Moi qui croyait que la révolution c’était le renversement d’une classe par une autre !

    Quand aux "ateliers" je le dis tout net, je n’irai pas !

    Un atelier pour moi c’est la fumée d’un mélange subtil d’eau et d’huile qui permet de tourner des pièces métalliques, c’est également une chaine (bien nommée) où des ouvrières, toujours, mettent des pots dans des boites, c’est le bruit insensé de soudures automatiques, c’est un truc intello de prendre ça pour une affaire vibrante alors que ça n’est, dans notre monde et notre histoire qu’un lieu de servitude.

    Un atelier c’est un lieu réel d’aliénation. Pour donner un peu de force aux travailleurs afin qu’ils aient courage de construire des lieux d’échange, appelez cela des plages de sable fin, parlez de la pente douce, des pommiers et de l’herbe tendre, pas de l’endroit de souffrance et du jivarisme bourgeois !

    Je n’ai pas connu d’ouvriers qui rêvaient d’ateliers pour échanger... Trop difficile d’appeler un endroit d’échange et de libération avec ce mot là encore !

    Attendez 100 ans après la révolution , que l’instrument coupant et tranchant se soit émoussé, civilisé, adouci , attendri avant de ne parler de l’amour envers une salle de torture moyenageuse ...

    mais après la révolution libératrice des humains et des cœurs, pas dans la virtualité du verbe !

    D’abord, "lèves toi et marches", à petit prix, comme un petit pas, mes 1500 euros nets mini pour tous, ma retraite quand je deviens fatigué et pas mourant , alléger un petit peu le pas du despotisme de l’entreprise, l’atelier, qui prive de toute citoyenneté le citoyen quand il franchit d’un pas le seuil pour occuper sa place de souffrance dans l’aliénation productive.

    Copas

    • "Tous des héros, et tous des staliniens", "tout le monde il est gentil, tout le monde il est méchant", l’évangile plutôt que le capital, pour faire plus cool, plus soft, plus in et, pourquoi pas, Jésus en cavale avec Marx.

      Et pendant ce temps les maladie tendino-osseuses, le stress, les suicides, les délinquants de 70 balais etc etc....

      Et moi, et moi, et moi.. j’écris dans l’Huma...des conneries.

      CN46400

  • La réflexion de M. Broda a un sens mais elle est largement infra révolutionnaire.

    Même si les mots ont , n’en disconvenons pas, une importance réelle dans nos luttes ( tout le monde ici le dit, sans être sociologique ,M. Broda, parce que tout le monde le sait, parce que tout le monde le VIT !!!....) ce n’est pas avec des mots qu’on fait une révolution qui, comme le souligne TRES justement le grand Copas, n’est pas un duel d’arguties , mais le renversement d’une classe par une autre !

    C’est avec de la volonté et de l’engagement physique, matériel (eh oui à un moment ou à un autre, à une stade ou à un autre, il faut bien y passer...) à un moment, du sang des larmes, des pertes humaines etc...

    Alors il faudrait se replonger un peu dans la réalité quand même parce que ce type de discours passe comme un pet de lapin sur une toile ciré sans cet ancrage concret.Et pusi il y a un petit côté non marxiste là-dedans quand même ?! C’est pas un crime en soi, (ne faites pas de nous des dogmatiques) mais une cause d’échec de votre analyse presque à coup sûr...

    Est-ce que M. Broda est pour ou contre "la dictature du prolétariat" ou le simple mot lui flanque -t- il la trouille ?

    Le Désir ?

    Oui on en a plein ici - virer Sarkozy, le MEDEF, la droite, le capitalisme, ne pas se faire exploiter, retrouver notre dignité, avoir des salaires qui permettent de vivre décemment, collectiviser les moyens de production, être propriétaire des fruits de son travail et même, pour un certain nombre d’entre nous, une société communiste, alors vous imaginez ? ....

    LL

  • En réponse à « CN 46400 » (Ca veut dire quoi, « CN » : « Comité National » ?)

    « Tous des bons, tous des salauds » ?

    Citation de la 4ème de couverture, mettant tout le monde communiste dans le même sac, du livre de Roland Leroy de 1995, « La quête du bonheur » :« ... chacun porte en son intimité, mêlés, les défauts du stalinisme et la volonté de s’en débarrasser... »

    Ce genre de confusion, c’est quand on se contente de faire d’une « Mutation » une affaire psychologique, culturelle, ce qui permet de diluer la Responsabilité Politique, où, de fait, « tout le monde n’est pas égaux »...

    Aubert Dulac.