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Pour un nouveau partenariat entre la gauche canadienne et le Québec
Publie le lundi 20 septembre 2004 par Open-Publishingpar : Buzz HARGROVE
Un dialogue hors de l’ordinaire est survenu récemment lors d’une conférence organisée par les TCA à Montréal. 800 militants syndicaux de toutes les régions du Canada ont rencontré Gilles Duceppe, leader du Bloc québécois à la chambre des communes et lui-même ancien militant syndical. Avant son allocution, je me demandais moi-même comment nos militants du Canada anglais réagiraient au fait qu’un leader souverainiste soit invité à notre congrès.
Mais rapidement, l’angoisse a été évacuée. Duceppe a été chaudement applaudi. C’est un homme que les syndicalistes canadiens respectent, parce qu’il a démontré ces dernières années qu’il est prêt à sa battre pour des causes progressistes et pour le mouvement syndical, notamment sur la question de l’assurance-chômage, la législation anti-scab, l’opposition à la guerre en Irak, etc.
Nos militants syndicaux sont des gens terre-à-terre, des Canadiens passionnés d’un bout à l’autre. Il faut se rappeler que les TCA ont été créés il y a 20 ans pour justement canadianiser le mouvement syndical. Le fait que nous soyons capables de dialoguer avec un leader souverainiste démontre qu’il y a une évolution importante dans la façon que la gauche canadienne perçoit le Québec.
De plusieurs manières, la gauche canadienne a elle-même vécu le phénomène des « deux solitudes ». Les progressistes dans le Canada anglais et au Québec n’ont pas bien travaillé ensemble depuis quelques années. La gauche au Québec estime majoritairement que l’indépendance est une précondition pour imposer des politiques sociales et économiques plus progressistes. Notre focus au Canada anglais a été de défendre la souveraineté canadienne contre le libre-échange et la mondialisation, ce qui est souvent mal compris au Québec. À mon avis, la gauche tant au Québec qu’au Canada anglais s’est affaiblie de cette incapacité de trouver un terrain commun.
Cela commence à changer toutefois, notamment depuis la dernière élection fédérale. Au Québec, la gauche cherche à parler plus fort au sein du mouvement pour l’indépendance, qui ne respecte pas toujours les principes chers au monde du travail.
Face au gouvernement libéral minoritaire, le NPD et le Bloc ont l’opportunité d’élargir leur influence, mais si et seulement s’ils peuvent travailler ensemble. Durant la dernière campagne électorale, la gauche a réussi à forcer le débat : même Stephen Harper a été obligé de défendre un programme d’appui aux garderies. Sur le plan des suffrages, le NPD a presque doublé son vote et le BQ a augmenté le sien de 10%, face aux Libéraux et aux Conservateurs qui ont chacun perdu des voix. Nous devons transformer ces avancées en victoires sur le plan de la législation et focusser sur des questions fondamentales comme l’assurance-santé, les garderies, le protocole de Kyoto et la paix dans le monde. Pour arriver à cela, il faut un nouveau partenariat entre la gauche du Québec et celle du Canada anglais.
Une première étape pourrait être franchie si Gilles Duceppe et Jack Layton (qui a aussi parlé lors de notre conférence et qui a été chaleureusement applaudi) s’entendent sur une certaine liste de priorités et pour déterminer une façon de promouvoir ces questions au Parlement. Sans doute, la gauche doit appuyer le principe que le Québec peut assumer ses propres programmes. Également, la revendication pour un plus grand rôle du gouvernement fédéral dans les programmes sociaux est légitime e ne devrait pas contredire l’aspiration québécoise à davantage d’autonomie. Ensemble, cette gauche peut imposer beaucoup de chose et démontrer à la face du monde que nous pouvons faire la différence.
Éventuellement, cette coopération stratégique pourrait être élargie à une perspective plus à long terme et dans un partenariat permanent. Le NPD pourrait décider de ne pas présenter de candidats au Québec. Certains affirment que le Bloc n’est pas assez à gauche (on se plaint quelquefois du NPD dans la même veine). Mais il faut être réaliste, un parti fédéraliste, sans base historique au Québec, ne pourra jamais faire sa marque au Québec Une certaine coopération électorale entre le NPD et le Bloc serait la meilleure solution pour renforcer leurs capacités d’influencer la Chambre des communes.
Un tel rapprochement avec la gauche souverainiste serait certes controversée, même au sein du NPD. Certains leaders du NPD ont même critiqué Jack Layton pour s’être démarqué de la loi dite sur la clarté. Et cela même si la position officielle du NPD était davantage celle de Layton et que la victoire électorale du Bloc a démontré l’absurdité de la loi sur la clarté. Il faut regarder la réalité en pleine face. L gauche a en fait remporté 74 sièges au Parlement (19 pour le NPD et 54 pour le Bloc). Séparément toutefois, ces deux partis demeurent largement impuissants.
Et ce n’est pas seulement le problème des deux partis. L’ensemble des mouvements progressistes doit lutter pour élaborer un nouveau partenariat entre le Québec et le reste du Canada. Nous avons travaillé sur cela, et jusqu’à un certain point nous avons réussi, au sein du mouvement syndical. Les TCA au Québec fonctionnent d’une manière autonome, ils ont même endossé le Bloc lors des dernières élections. Nos membres au Québec sont les maîtres dans leur propre maison. Mais tous ensemble, nous restons plus forts que si nos membres québécois nous quittent et forment leur propre syndicat.
Un Canada uni autour de la justice sociale et économique pour tous les citoyens pourrait renforcer l’engagement des peuples du Québec et du Canada.