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Pour une grève illimitée

Publie le mercredi 30 avril 2003 par Open-Publishing

Si je m’adresse à vous aujourd’hui, c’est parce qu’il me semble que nous
devons réfléchir au sujet de la poursuite de la grève. On nous dit :
"Travaillez trois jours avant les vacances pour ne pas perdre quinze jours
de salaire". Que sont quinze jours de salaire par rapport à quarante-cinq
ans de travail ? Que sont quinze jours de salaire par rapport à la mort de
notre fonction ? Que sont quinze jours de salaire par rapport à une
redéfinition de notre métier ? Nous sommes fonctionnaires de l’État ce qui
signifie que nous sommes pieds et poings liés à notre employeur puisque nous
n’avons jamais signé de contrat. Nous sommes tellement habitués à notre état
tranquille de fonctionnaire que nous n’imaginons pas le perdre. Or mercredi
prochain, en Conseil des ministres, cet état peut disparaître sur simple
décision. Et cela nous ne l’envisageons même pas. Voilà pourquoi nous nous
disons qu’il faut reprendre les cours trois jours avant les vacances.
Si le projet de réforme passe, nous sommes quasiment condamnés à aller
travailler dans le privé ; un professeur TZR d’arts plastiques a reçu
récemment une lettre lui expliquant qu’à présent il devenait attaché à la
Culture et qu’il ferait fonction d’intervenant. C’est ce qui attend les
professeurs de musique. Quand aux professeurs de philosophie, on leur a
gentiment expliqué qu’ils devaient enseigner une autre matière, enseigner à
la faculté ou démissionner. Hitler n’avait pas fait mieux quand il a
organisé ses autodafés. Aujourd’hui, les arts et la pensée sont jugés
inutiles parce que dangereux, parce que des citoyens cultivés et
intelligents réfléchiront au moment de voter, alors que les imbéciles
voteront pour n’importe qui.
Je suis personnellement dans une situation qui ne me permet pas de perdre
quinze jours de salaire, mais tant pis, je donnerai des cours particuliers
ou je ferai autre chose. En tout cas, j’estime que la situation actuelle le
mérite, et je ne me vois absolument pas reprendre les cours lundi (Ndlr :
hier) sans aucune conviction si ce n’est celle d’avoir quinze jours de
salaire.
Certains disent que cette grève peut durer jusqu’en juin. J’espère qu’elle
durera jusqu’à la réforme du projet. Si elle ne dure pas et que le projet
passe, nous ne devrons jamais nous plaindre de la situation de l’
enseignement en France, nous en serons responsables.

Céline