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Près de 700 000 personnes : la Gay Pride pousse l’avantage après les avancées du gouvernement

Publie le samedi 26 juin 2004 par Open-Publishing

de Stéphanie Noblet

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Près de 700 000 personnes étaient attendues samedi 26 juin à Paris pour la Marche des fiertés lesbiennes, gaies, bi et trans, afin de réclamer "l’égalité maintenant". Le gouvernement a multiplié les gestes en direction des homosexuels, mais les organisateurs se méfient des "promesses abstraites".

Petit à petit, la droite rattrape son retard et marque des points. A l’approche de la Marche des fiertés lesbiennes, gaies, bi et trans (ex-Gay Pride), samedi 26 juin à Paris, le gouvernement a multiplié les signes de bonne volonté en direction des homosexuels : pour le pacs, un groupe de travail installé au début du mois ; contre l’homophobie, un projet de loi présenté en conseil des ministres le 23 juin ; sur le mariage et la parentalité, une commission de type Stasi sur le voile annoncée le 24.

.. Une forme d’accélération en fin de parcours, après plusieurs semaines de débats intensifs sur l’égalité des droits et l’expression d’une impatience grandissante face au gouvernement.

En l’espace de six mois, sous l’effet conjugué de l’émotion suscitée par l’agression de Sébastien Nouchet, un homosexuel brûlé vif en janvier, puis de l’annonce de la célébration du premier mariage gay par Noël Mamère, le débat sur toutes les questions liées à l’homosexualité s’est imposé sur la scène politique. Au point d’échapper en partie aux associations qui l’ont longtemps porté seules et d’éclipser en partie d’autres sujets concomitants - élections européennes notamment. L’idée d’ouvrir le mariage aux personnes de même sexe s’est trouvée "boostée" par la conjonction de trois facteurs : un contexte international favorable (l’exemple des pays d’Europe du Nord et bientôt de l’Espagne, et l’initiative du maire de San Francisco, qui a marié 4 000 couples). Ensuite une opinion publique évoluant plus vite que ses élus : 64 % des Français (contre 55 % un an plus tôt) pensent que les couples homosexuels devraient avoir le droit de se marier, selon un sondage IFOP pour Elle réalisé en avril. Enfin, le constat des insuffisances du pacs, un contrat qui n’est par exemple d’aucun secours pour le partage de l’autorité parentale.

QUELQUES TROUBLE-FÊTE

Le débat a sensiblement brouillé les lignes de fracture traditionnelles : partisans et adversaires du mariage gay ne se superposent pas au clivage droite/gauche. Pressé par la longueur d’avance prise par les Verts, le Parti socialiste a adopté, début mai, malgré quelques réticences, le principe de la reconnaissance de l’union entre homosexuels. La droite, qui rejette encore massivement cette hypothèse et a sanctionné l’entorse à la loi de Noël Mamère, compte désormais quelques trouble-fête.

Gaylib, mouvement associé à l’UMP, bouscule la majorité en affichant la "tranquille certitude que, tôt ou tard, l’ouverture du mariage civil au couple de même sexe se fera". Pionnier de la cause, Jean-Luc Romero, secrétaire national de l’UMP chargé de la prévention du sida, se félicite que "l’époque où on se sentait bien seuls sur ces questions au sein du RPR soit révolue". Selon lui, "ce serait une vraie injustice que de ne pas reconnaître que rarement gouvernement aura pris autant à bras-le-corps ces questions".

Jean-Pierre Raffarin, qui fut le premier chef de gouvernement à avoir convié les associations homosexuelles à Matignon, en juillet 2003, après la précédente Marche, les a de nouveau réunies jeudi 24 juin. Il s’est montré favorable à la création d’une commission sur le mariage, la parentalité et la famille, inspirée de celle sur la laïcité qu’avait présidée Bernard Stasi. "Le premier ministre s’est engagé à en parler au président de la République", a assuré Alain Piriou, porte-parole de l’Inter-LGBT, à l’issue de la rencontre.

Cette annonce donne un début de concrétisation à la promesse de "débat national"faite par Jacques Chirac le 29 avril, en réponse à l’initiative de Noël Mamère.

S’il se confirme que le débat s’inscrit dans le cadre d’une commission institutionnelle - ardemment souhaitée par l’Inter-LGBT et qualifiée par elle de "Rolls du débat public" en raison de ses méthodes (auditions filmées, etc.) -, celle-ci pourrait rassembler parlementaires, intellectuels, experts et acteurs de la société civile. Compte tenu des fortes divergences sur le point central du débat - accès au mariage et à adoption -, la composition du groupe sera examinée à la loupe. Mais pour l’heure, ni la forme du débat ni le calendrier ne sont précisément établis.

MOT D’ORDRE INCISIF

Se méfiant des "promesses abstraites" et des "engagements sans calendrier", l’Inter-LGBT, organisatrice de la Marche de samedi, a donc maintenu un mot d’ordre incisif : "Assez d’hypocrisie, l’égalité maintenant !". La réelle traduction en actes des promesses gouvernementales est érigée cette année en priorité : "La Marche sera très exigeante", résume M. Piriou, qui entend pousser l’avantage.

Malgré les récentes avancées, nombre de points restent encore à améliorer, selon les associations. Elles réclament notamment que le projet de loi contre les propos homophobes ou sexistes, qui devrait être voté au Parlement avant la fin de la session extraordinaire, inclue les discriminations liées à "l’identité de genre" (pour les transsexuels) ou à "l’état de santé" (pour les séropositifs), et qu’il permette l’exercice du droit de réponse. Elles s’inquiètent aussi du "blocage" constaté au niveau du ministère de l’éducation nationale face au travail de prévention de l’homophobie à l’école.

Dans le défilé prévu entre Denfert-Rochereau et Bastille à partir de 14 heures, les représentants des partis de gauche devaient, sans surprise, occuper les premiers rangs.

M. Mamère a toutes les chances d’être accueilli en héros. L’UMP devait être représentée par M. Romero, Jeannette Bougrab, porte-parole chargée des questions régaliennes, et via Gaylib, qui "approuve le mot d’ordre d’égalité et estime avoir toute sa place à la Gay Pride".

En 2003, la fête avait rassemblé près de 700 000 personnes - un record. Comptant sur un coup de pouce de la météo, les organisateurs espèrent vérifier l’adage de M. Piriou selon qui "lorsque l’on progresse, il y a foule sur le trottoir".

Enfin, les organisations de lutte contre les sida devaient affirmer leur place dans le cortège, pour rappeler la nécessité d’une remobilisation. Les derniers chiffres sur la diffusion de l’épidémie sont "catastrophiques", rappelle M. Piriou. "Il ne faut pas oublier ce combat. Plus de 30 % des dernières séropositivités constatées l’ont été chez les homosexuels", a répété Jean-Luc Romero, lors d’une réunion organisée mercredi 23 juin au siège de l’UMP. A cette occasion, Jeannette Bougrab a indiqué qu’Alain Juppé, président du parti, avait demandé au premier ministre que la lutte contre le sida soit considérée comme une cause nationale en 2005.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-370562,0.html