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Procés AZF : les témoins ont-ils été torturés ?

Publie le jeudi 14 mai 2009 par Open-Publishing
8 commentaires

Convention contre la torture de 1984 (source wikipedia)

«  La Convention contre la torture autres peines et traitements cruels ou dégradants » définit la torture dans son article 1, comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne. » Elle exige de tout Etat partie qu’il prenne « des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction », indiquant « qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit ne justifie la torture », écartant toute invocation d’ordres supérieurs (art.2).

L’article 3 interdit le transfert de toute personne vers un lieu où elle risque la torture et l’article 4 stipule que tous les actes de torture sont définis comme un crime.

Les Etats ont obligation d’enquête lorsqu’une personne soupçonnée de torture se trouve sur leur territoire (art.6), ils doivent exercer leur compétence universelle sur ces personnes et si ces suspects ne sont pas extradés, les Etats doivent soumettre l’affaire à leur ministère public (art.7). Ils doivent ouvrir une enquête prompte et impartiale dès qu’il est soupçonné qu’un acte de torture s’est ou se serait produit sur un territoire relevant de leur compétence.

Les Etats doivent former tous les responsables de l’application des lois à ne pas torturer (art.10) ; ils doivent fournir des réparations aux victimes (art.14) et exclure de toute procédure judiciaire toute déclaration obtenue sous la torture, sauf pour prouver que la torture a été pratiquée (art.15). (fin d’extrait)

Cette définition de la torture s’applique-t-elle on non au traitement infligé à deux témoins, MM Panel et Paillas cités à la barre du tribunal le 13 Mai 2009 ?

M Panel était le responsable des expéditions. Il fut blessé le 21 Septembre. Evacué par les pompiers vers un hôpital, ses blessures furent recousues le soir même. Le lendemain, comme de nombreux personnels de l’usine et malgré la douleur, il se rendit sur le site dévasté d’AZF pour contribuer à la mise en sécurité des cuves de produits chimiques endommagées par l’explosion, cuves qui risquaient à tout moment de provoquer une nouvelle catastrophe. Sur place se trouvait déjà la police. Ecoutons le récit de M. Panel à la barre du tribunal (source : La Dépêche du Midi) :

« Puis le policier m’a dit de venir avec lui pour faire la déposition. Je l’ai accompagné en voiture et je me suis retrouvé au fond de l’hôpital Marchant, dans une maisonnette, isolé. Là, l’interrogatoire a commencé. Je n’étais pas en très bon état. Ce qui s’est passé ne m’a pas amélioré. Le policier s’est installé, il a posé son pistolet, il m’a interdit de téléphoner, il n’a pas été question de médecin. L’interrogatoire a commencé. Cela s’est envenimé. Je n’avais pas le droit de réfléchir avant de répondre, au prétexte que j’aurais pu dissimuler. J’ai répondu à toutes les questions. Pour certaines réponses, elles étaient irréfléchies, parfois aberrantes. L’interrogatoire s’est terminé à 23 heures ; il avait commencé à 11heures. J’ai eu l’impression d’avoir été libéré... ».

Voilà, on notera que l’hôpital marchand avait été déserté et se trouvait dans une sorte de no man’s land, on ne peut donc que s’étonner que le témoin n’ait pas été interrogé dans les locaux de la police de Toulouse comme c’est l’usage.

Autre témoignage à la barre du tribunal, celui de M. Paillas qui était contremaître chez AZF . Victime de l’explosion, il était sous morphine et 17 agrafes venaient d’être posées sur ses plaies. Sa famille ne put lui donner ses médicaments pour soulager sa souffrance. Il endura plus de 6 heures d’interrogatoire avec ses douleurs tout en répondant aux questions des policiers et des experts.

"Les policiers m’ont téléphoné. Je me suis rendu boulevard de l’Embouchure. Ils m’ont auditionné longuement. Vers 13h30 mes enfants sont venus me porter des médicaments. Les policiers ont refusé. C’est regrettable. Après, on m’a amené sur le site, où MM.Saby, Malon, Van Schendel, Mme Viaud m’attendaient » (source la Dépêche)

Lors de l’audience du tribunal du 13 Mai 2009, les déclarations arrachées aux témoins dans ces conditions leur furent opposées quand ils se présentèrent à la barre. N’est-ce pas en violation de l’article 15 de la Convention contre la torture de 1984 ratifiée par la France ? Pourquoi le Procureur de la République de Toulouse n’a -t-il pas ouvert une enquête conformément aux articles 6 et 7 de cette même convention ?

Messages

  • Pour la prochaine catastrophe nucléaire, il faudra juste changer la date, les noms et lieux.

  • flics dignes et droits dans leurs bottes hein, comme un... comment dis-t’on déjà un colla.. ?

  • Jean s’étonne que le procureur de la République n’ait pas ouvert une information sur le comportement des policiers. La réponse se trouve peut être dans son texte quand il cite Georges Paillas :
    "...Après, on m’a amené sur le site, où MM.Saby, Malon, Van Schendel, Mme Viaud m’attendaient "
    Mme Viaud ? serait-ce Claudie Viaud, celle là même qui représente le ministère public au procès ?

  • Et ça continue. Hier, 14 Mai 2009, avec le témoignage de M. Mole :

    source La Dépêche :
    Le procureur Patrice Michel intervient : "Il y a eu 30 morts, vous comprendrez que nous pouvons chercher à savoir comment les choses se sont passées".
    Richard Mole, réagit, et laisse échapper ce qu’il a sur le coeur : "J’ai été mis en examen, et je ne sais pas pourquoi. Ne me mettez pas les morts en face, ce n’est pas le moment ! On a été accusé d’assassin ! Au lieu de nous avoir craché dessus, on aurait dû nous donner une médaille ! On a sauvé des milliers de gens. Le 21 septembre, ça a explosé, dix minutes après, dans mon atelier, on était dehors, on a fermé des vannes, on a isolé des choses. Et croyez-bien, il y en a beaucoup qui ne l’aurait pas fait. Après, on nous met en examen et on nous dit : vous avez tué des gens. Non. On a sauvé des gens. Alors ce procès : est-ce-qu’on va savoir ce qui s’est passé ? Quand on a vu la procédure, qu’on a été traité ? Je suis allé deux fois à la police, je suis désolé, M. Le procureur, j’ai collaboré . Un jour, on m’a appelé, on m’a dit que j’étais convoqué. J’y suis allé. Le commissaire Saby m’a dit : il m’a crié dessus. Il m’a dit : "Dites-le que c’est Total !" Il m’a dit des choses que je ne répèterai pas. Voilà comment a commencé la procédure. Après, on m’a mis en bas. On m’a laissé 26 heures dans une cellule. On m’a pris en photo. On m’a mis une bouteille d’eau déguelasse, on a enlevé mes chaussures... Au bout de 26 heures, on m’a fait sortir le dernier. Et on m’a fait rentrer dans une voiture d’inspecteur. La police, encore, a roulé à une vitesse inimaginable. On est allé voir le juge qui m’a traité comme un moins que rien, que j’avais fait un homicide involontaire. Vous croyez que je n’ai pas souffert ? Je n’ai pas de leçon à recevoir. Je suis persuadé que la catastrophe n’est pas due à un mélange de chlore et de nitrate. J’ai travaillé pendant 25 ans, là-dedans. J’ai monté tous les échelons. Il n’y a jamais eu de mélange de nitrate et de chlore. Ce n’est pas possible, parce que nous étions tous des professionnels. A la fin de ce procès, il n’y aura rien de plus qu’aujourd’hui. Si on avait voulu savoir, on aurait dû s’y prendre autrement... Je vous assure que ce n’est pas ce mélange qui a fait péter l’usine".
    Un silence de plomb s’est instauré salle Mermoz... (fin d’extrait)

    Nous en sommes en France en 2009, pas en 1943.

  • Le 20 Mai 2009, nouveau témoignage de torture dans cette affaire AZF décidément bien sombre. Ajouté à tous les autres, il traduit une grave dérive de l’institution judiciaire.
    Monsieur Motte, témoin, souffrait d’une grave maladie , il est resté sans soin bouclé en cellule par quelquechose qui ressemble à la Gestapo mais pas à une police républicaine.

    JC. Motte. : "Dans la nuit. J’ai du attendre 7h30 le matin pour avoir une assistance médicale. J’ai souffert le martyr dans ma cellule. L’aide n’est venue que le matin. Ce n’était pas des conditions idéales pour répondre aux questions" (source La dépêche du Midi).

    A l’audience du 20 Mai 2009, le Tribunal siègeant sous une figure en plâtre de Marianne n’exprime ni surprise , ni réprobation

    On ne peut plus vraiment parler de bavure ou d’écart tant l’utilisation de la torture est systématique, ce qui appelle une question de nature politique. Bien que l’institution politique soit restée globalement démocratique, ne sommes-nous pas en train d’assister à un glissement de l’institution judiciaire, du fait de l’autonomie que lui donne son indépendance, vers un fonctionnement de type fasciste au sein même de la République ?