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Quand les démocraties européennes s’entêtent à soutenir une dictature mafieuse
Publie le jeudi 13 janvier 2011 par Open-Publishing1 commentaire
Dans les révélations de Wikileaks sur la Tunisie, on lit sous la plume des
diplomates américains en poste à Tunis que le régime est « quasi mafieux », la femme
du président détestée et corrompue, que le régime est policier, qu’il n’écoute
aucun conseil venu de l’intérieur ou de l’extérieur et que l’appui des gouvernements
français, italien et espagnol à ce régime est étonnant.
Pour les démocrates tunisiens, cet appui est surtout particulièrement incongru,
incompréhensible, pour ne pas dire scandaleux. Depuis 20 ans, le régime tunisien a
essayé de faire croire à deux mensonges. Le premier est celui d’un régime
prédémocratique qui engage le pays dans un processus démocratique, certes lent, mais
allant de l’avant pour faire de la Tunisie un partenaire digne et respectable de
l’Union Européenne. Or, Ben Ali a engagé, au vu et au su de tous, un processus
dictatorial qui a vu disparaître inexorablement le peu de libertés et de droits que
les tunisiens avaient acquis sous Bourguiba.
Le deuxième mensonge, à savoir le miracle économique, n’est pas moins grossier. Des
statistiques trafiquées, une corruption endémique sévissant au plus haut sommet de
l’Etat et impliquant la famille de Ben Ali, une répartition extrêmement inégalitaire
de la richesse nationale, l’effondrement de la classe moyenne, le chômage massif
parmi les jeunes diplômés, la plongée dans la misère de toutes les régions de
l’intérieur du pays : tel est le vrai tableau du soi-disant miracle économique
tunisien. Avec les événements qui ont lieu en Tunisie depuis deux semaines, c’est ce
dernier mensonge qui s’effondre, laissant le roi nu.
Il est cependant important de souligner que ces manifestations tunisiennes sont
spontanées et que les islamistes n’y jouent strictement aucun rôle, contrairement
aux fantasmes répandus par le régime et avalés par les occidentaux sur le soi-disant
danger islamiste au Maghreb et que les mots d’ordre de ces manifestations ont été et
restent des plus laïcs : revendication de dignité, de fin de la corruption, de
justice sociale et de plus de libertés.
Qu’est-ce qui explique que des démocraties occidentales, surtout européennes,
appuient un tel régime dont la nature mafieuse et corrompue et l’échec économique
sont patents ?
Cinq raisons peuvent être avancées :
1. le régime s’est présenté comme un rempart contre l’islamisme
2. il a joué le rôle de supplétif fidèle dans ce que l’Occident appelle « la
lutte contre le terrorisme »
3. il s’est soumis à toutes les règles et à tous les dogmes de la sainte église
néolibérale
4. il entretient avec l’état d’Israël les meilleures relations
5. il joue un rôle important dans la protection des frontières sud de l’Europe
en barrant la route à l’exode de la misère des africains subsahariens.
Il est évident que, dans ces conditions, les libertés et les droits des tunisiens ne
pèsent pas lourd dans le choix stratégique des états européens.
Le problème est que ces états, en faisant un tel choix, ne bafouent pas seulement
leurs valeurs mais aussi leurs intérêts à moyen et à long terme. Ce sont les
dictateurs du genre de Ben Ali qui, par leur corruption et leur brutalité, ont
toujours fait et feront encore plus le terreau de l’islamisme le plus radical et
seront responsables de l’accroissement du flot migratoire venu du sud de la
Méditerranée, dû à la misère économique et à la répression politique.
De toutes façons, les gains à court terme représentés par ce régime vont bientôt
prendre fin puisque ce régime lui-même, comme l’ensemble des dictatures arabes, est
sur le déclin. Dans le Guardian du 29 décembre 2010, le journaliste britannique
Brian Whitaker pose la question : « Ben Ali va-t-il connaître le sort de Ceausescu ?
». Espérons que non, qu’il pourra s’en aller vivre où il voudra, que le sang ne
coulera pas et que la transition vers la démocratie se fera de la façon la plus
pacifique possible.
Les états européens, qui ont fermé les yeux si longtemps sur les turpitudes de ce
régime, vont-ils prendre le train en marche, participer à la réalisation de cette
transition pacifique et accepter de travailler avec des hommes politiques qui seront
leurs partenaires pour une union méditerranéenne démocratique, pacifique et prospère
et non des clients douteux chargés de faire la police des frontières ?
Moncef MARZOUKI, médecin, écrivain, opposant tunisien. Auteur avec Vincent GEISSER
de « Dictateurs en sursis », éditions de l’atelier, 2009.
Cet article a été publié dans une forme abrégée par le journal Libération
http://www.liberation.fr/monde/01012311201-l-europe-ne-doit-plus-soutenir-ben-ali
Messages
1. Quand les démocraties européennes s’entêtent à soutenir une dictature mafieuse, 13 janvier 2011, 10:36
non seulement, les Etats mais aussi les syndicats, partis, associations de l’Europe au pied du mur de courage.
Sommes nous capables d’organiser le boycott /blocus des regimes de dictature, des B../Pinochets , plus d’armes, plus d’instructeurs du maintien de l’ordre, plus de capitaux,etc.
Pour une solidarité active ...avec les peuples insurgés.