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RENAULT : Les “barbouzeries” du service de sécurité

Publie le vendredi 25 février 2011 par Open-Publishing
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« Il va falloir un bouc émissaire », résume un syndicaliste, alors que l’hypothèse d’une gigantesque bourde du service de sécurité de Renault devient de plus en plus probable.

A priori, le patron du service est protégé par sa proximité avec Carlos Ghosn. Rémi Pagnié a connu Ghosn lorsqu’il était patron de Nissan. Pagnié était à l’époque… agent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), nom de code OT2927. En clair agent secret !

En revanche, les deux employés du service, Marc Tixador et Dominique Gevrey, auteurs du rapport incriminant les cadres licenciés, se retrouvent eux en première ligne.

Contacté sur son lieu de retraite, un ancien du service les défend. « S’il y en a deux à sauver, c’est bien eux. C’est dommage, c’étaient des gens très compétents. Il n’aurait jamais fallu que cette affaire soit rendue publique. »

Anciens officiers du renseignement

Le service de sécurité et ses correspondants, sur les sites de production, compte 36 hommes en France. Il est constitué d’anciens officiers du renseignement, d’ex-policiers mais aussi de simples salariés, « recrutés en interne parce qu’ils sont plus proches du personnel et plus pointus en matière d’automobile », confie un ancien des Renseignements généraux très introduit chez Renault. « C’est le royaume des barbouzes, des hommes de l’ombre », complète un syndicaliste. Avec des pratiques parfois très choquantes, allant jusqu’à enquêter sur la vie privée d’un délégué syndical, fouiller le bureau des ressources humaines ou encore celui d’un médecin du travail comme un autre ancien de la sécurité le révèle à France-Soir (lire en p. 3).

« Ces faits sont anciens mais cela continue. Il y a toujours des filatures, des barbouzeries, considère Patrick Monange responsable Force ouvrière. Certains chefs de sécurité font un peu de zèle. Ils sont bien aidés par Renault. Il est tout de même paradoxal que nous ayons un code de prétendue déontologie et que, dans ce document, les salariés soient incités à la délation de leurs collègues qu’ils soupçonneraient de corruption… »

C’est à cause d’un courrier anonyme qu’a démarré l’affaire d’espionnage industriel. Thibault de Montbrial, l’avocat d’un des cadres injustement accusés, s’étonne. « Une analyse précise des mots utilisés permet de conclure que l’auteur de la lettre a des accès privilégiés aux vérifications de sécurité au sein de Renault. Or ces vérifications sont confidentielles… Quand on ajoute à cela que les gens de la sécurité ont refusé de donner leurs sources aux policiers, qu’ils ont organisé un coupe-feu pour masquer leur méthode de travail… J’ai une vraie hésitation : agissent-ils avec une incroyable naïveté ou sont-ils complices de la manipulation ? Il appartiendra à l’enquête de police de trancher. »

Contactée, la direction de Renault tient à faire remarquer que « l’entreprise a beaucoup évolué en terme de sécurité. Nous avons le droit de regarder les mails sauf ceux qui sont marqués confidentiel ou personnel. Il y a un code et un comité de déontologie pour remettre des règles bien précises. Tout a été remis à plat. Après, nul n’est à l’abri d’initiative personnel. »

Quant à l’affaire actuelle d’espionnage, la direction « attend les résultats officiels du procureur ». « S’il y a eu des erreurs qui ont été faites, nous en tirerons nos propres conclusions. Mais, quel que soit le cas, Renault aura été victime. »

Carlos Ghosn n’en sortira pas indemne

« Jamais Carlos Ghosn n’aurait dû s’aventurer en première ligne », déplore un ministre concerné. A-t-il été mal conseillé où bien a-t-il trop fait confiance à Rémi Pagnié, son chef des services de sécurité, ex-membre de la DGSE, qu’il avait connu à Tokyo ? En tout cas, le flottement est aujourd’hui général chez Renault où le service de communication passe son temps à démentir des rumeurs les plus folles, comme celle de l’absence du grand patron au prochain Salon de l’auto de Genève. Membre du conseil d’administration, Philippe Lagayette, nous dément avoir été chargé de superviser un audit sur les services de sécurité et se refuse tout autre commentaire. La plupart des administrateurs se terrent. Les enquêteurs eux-mêmes se démarquent : ils ont affirmé aux policiers de la DCRI avoir été surpris de la décision de leur direction d’avoir engagé des procédures de licenciement et des plaintes pénales, sur la seule base de leurs renseignements, récoltés oralement, alors qu’ils cherchaient à les étayer.

De source syndicale, Renault s’apprêterait à provisionner des indemnités à verser aux trois cadres licenciés, à hauteur de plusieurs millions d’euros chacun. Une rumeur de plus, affirme la com.

L’atterrissage risque d’être sportif. Avocat de Michel Balthazard, Pierre-Olivier Sur appelle Renault à « se joindre à la plainte en dénonciation calomnieuse déposée contre le corbeau ». Mais il est trop tôt, selon lui, pour savoir si un arrangement pourra être trouvé – indemnités massives ou réintégration. Pour s’être mis en première ligne, Carlos Ghosn, lui non plus, n’en sortira pas indemne.

http://www.francesoir.fr/actualite/economie/%E2%80%9Cbarbouzeries%E2%80%9D-du-service-securite-76263.html

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