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Réponse à Marc Benaïche, directeur de publication à la revue de musique Mondomix
Publie le samedi 7 mai 2005 par Open-Publishing1 commentaire

Mondomix est une revue de musique que l’on trouve gratuitement dans certains lieux (bars, magasin Harmonia Mundi, salle de spectacle...) http://www.mondomix.com
Le directeur de publication prend directement défense pour le Oui dans son édito du n°10, mai/juin 2005. Son argument tourne autours de l’Utopie... c’est donc avec empréssement que je lui ai répondu, et que d’autres peuvent en faire de même. Voilà donc ma réponse :
de Quentin Dulieu
Cher Mondomix et Marc Benaïche,
Tout d’abord je me présente, je m’appelle Quentin, je suis étudiant en sciences politiques à Paris et je sui un passionné de toute sorte de musique. Je suis un grand lecteur de votre revue que je trouve de très bonne qualité. En revanche, j’ai lu avec beaucoup de regret et d’indignation l’édito de votre n°10 concernant le référendum du 29 mai.
J’ai d’abord était surpris que vous preniez position, mais au fond en tant que militant politique et associatif je vois la politique partout, je m’y suis donc fait... Pour autant je ne comprends pas vos arguments, l’Utopie et ces 448 articles ne sont pas compatibles. Votre argumentation ne tient pas la route, je me demande même si vous avez lu le texte ! Personnellement je voterais NON à ce traité constitutionnel, sorte d’ovni juridique sur la scène internationale.
L’utopie est en quelque sorte un projet imaginaire d’une réalité autre, on est tenté de dire : d’une société autre, car les utopies sociales semblent dominantes. Cela suppose donc un changement concernant la société dans de nombreux domaines . Or ce traité constitutionnel ne permet pas un véritable changement. Il valide l’ensemble des politiques européennes qui ont été élaborées depuis une trentaine d’année c’est-à-dire une Europe financière et monétaire, sorte de grand marché. L’élargissement à 25 ne permettait plus à l’Europe de fonctionner, il fallait donc trouver une réponse en adoptant un processus constitutionnel. C’est à Nice que le processus a commencé et le résultat a finalement été calamiteux . Chaque Etat souhaitait repousser au plus tard les concessions de façon à tirer "sa part du gâteau". La déclaration de Laken en décembre 2001 va finalement poser l’idée de lancer une convention pour rédiger un texte de façon à répondre aux carences. Ce sont 105 membres sous la présidence de VGE qui se sont réunis. Le débat était "transparent" mais les 105 conventionnels n’étaient pas représentatifs, il n’y avait donc pas de vote mais la mise en place d’une sorte de consensus... Pendant toute cette élaboration les citoyens européens ont été évincés du processus constitutionnel, ce qui n’est pas très orignal quand on observe le fonctionnement des institutions européennes depuis sa création, sorte de "sodocratie" où le citoyen n’est appelé qu’à valider les décisions prisent plus haut .
L’objectif de ce traité constitutionnel n’est donc pas de créer une Europe " en tant qu’espace politique, social et culturel commun" mais bien de valider et d’étendre l’Europe économique. D’ailleurs il faut noter que l’Europe social et politique nous a déjà été promise en 1992 par Jacques Delors... Depuis les sociaux démocrates ont eu la majorité mais rien n’a malheureusement été réalisé... "Bien sûr, dès l’article I-3 sur "les objectifs de l’Union", le texte affiche des buts ¬ justice sociale, plein-emploi... ¬, qui, en eux-mêmes, ne peuvent que susciter l’adhésion générale, tout comme l’encouragement au dialogue entre partenaires sociaux (III-211). Mais les problèmes commencent avec la mise en œuvre. Ainsi la Constitution évoque une "stratégie coordonnée pour l’emploi" (III-203), mais ajoute immédiatement que cette stratégie doit être "compatible avec les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres et de l’Union" (III-204). Le deuxième article restreint beaucoup la portée du premier. La principale orientation des politiques économiques des Etats est décidée à Bruxelles et consiste, malgré les entorses au pacte de stabilité puis son assouplissement, à réduire les déficits publics. Le III-204 semble donc exclure, par exemple, toute politique budgétaire nationale un peu massive pour l’emploi. La tonalité aurait été tout autre si le texte avait indiqué que ce sont les "grandes orientations" de l’UE et des Etats qui doivent être "compatibles" avec une stratégie pour l’emploi...
La Constitution explique aussi que l’Union "contribue à la réalisation d’un niveau d’emploi élevé", mais "respecte pleinement les compétences des Etats membres dans la matière" (III-205). Autrement dit, il n’y aura pas de réelle politique de l’emploi au niveau de l’Union. Le texte précise même que "la loi ou loi-cadre européenne ne comporte pas d’harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres" (III-207). Alors que la Constitution indique, par ailleurs, que "l’Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur" (III-130)."
La même logique prône malheureusement pour la Charte des droits fondamentaux de l’Union (Partie II) : "Toutes limitations de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévu par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. [...] des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. Les droits reconnus par la présente Charte qui font l’objet de dispositions dans d’autres parties de la Constitution s’exercent dans les conditions et limites définies." L’homme n’est pas au centre de ce texte, c’est toujours le système économique qui prime, la valeur...
Vous écrivez aussi qu’une "constitution est un cadre juridique, elle n’a pas "d’odeur" et peut tout aussi bien faire exister les meilleures idées sociales et généreuses que le pire libéralisme" or ceci n’est pas vrai face à ce texte. C’est d’ailleurs en voyant cet argument que je me demande si vous l’avez lu car la partie III qui est la plus importante du traité (pas moins de 322 articles sur 438 !!!) mêle des articles concernant l’organisation de l’UE et d’autres élaborant des politiques publiques tel que l’organisation du marché intérieur, la coopération douanière, les capitaux et paiements, la liberté de prestation de services (merci Bolkenstein !), les aides accordées par les Etats membres, les dispositions fiscales, les politiques économiques et monétaires, l’industrie, l’énergie, les politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration, la politique étrangère et de sécurité commune etc. L’ensemble de cette partie définie clairement des politiques et le fonctionnement de l’Union. Le volet social envisage d’améliorer de nombreux points tout en évitant d’"imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises" (art. III-210). De la même façon l’introduction d’un volet environnemental est un leurre (2 articles sur 448 ! (III-233 et III-234)), on ne peut développer une politique environnemental si nous ne changeons pas notre manière de produire et de consommer. Or, l’UE n’essaye pas de changer ces points fondamentaux, pourtant le rapport sur les écosystèmes de l’ONU ne peut que nous faire réfléchir sur ces questions .
"En fait ce texte, pour reprendre l’argument des partisans du oui n’est ni plus ni moins libéral que les textes précédents, mais justement il est libéral et constitutionnaliser de telles politiques apparaît très risqué." Cette constitution ne comporte que peu de choses nouvelles, par rapport à l’ensemble des traités passés et résume l’ensemble de la construction européenne depuis les années 1980. Elle est pavée de bonnes intentions, de nombreux principes sont énoncés sans que soient institués les droits qui en découlent. Les droits énoncés sont conditionnés et limités par toutes les autres dispositions de la « Constitution », celles qui organisent la « concurrence libre et non faussée » et une économie « hautement compétitive » (article I-3). Conclusion : Pour qu’une autre Europe soit possible, il faut modifier cette Constitution et pour cela il faut voter NON .
L’espoir d’une autre Europe et de l’Utopie n’est pas dans ce texte bien au contraire, c’est en le refusant que nous pourrons construire une autre Europe plus démocratique, plus écologique, plus juste dans les relations Nord/Sud, plus égalitaire et plus sociale. "Dire NON à ce traité, c’est vouloir remettre l’économie au service de l’homme, c’est refuser une logique qui considère que l’avoir plus équivaut au mieux-être, c’est considérer que les valeurs sociales et environnementales ont au moins autant d’importance que les considérations économiques." Prenons donc le temps de réfléchir, de créer une Europe citoyenne et de trouver des alternatives de manière à laisser aux générations futures une Union Européenne digne de ce nom. Une Europe forte mais avant-gardiste, qui propose de nouvelles politiques économiques et environnementales, une coopération équitable entre le Nord et le Sud, une Europe de solidarité et de paix, une Europe citoyenne et démocratique. Notre but ne doit pas être de modeler une superpuissance pour être un vecteur de la globalisation comme nous le faisons aujourd’hui mais bien de donner une réponse alternative à la mondialisation, d’autres mondes sont possibles mais surtout nécessaires ! Pour cela faisons vivre l’Utopie et ne l’achevons pas par un texte qui l’enfermerait dans un carcan à forte tendance libérale !
Quentin Dulieu
Messages
1. > Réponse à Marc Benaïche, directeur de publication à la revue de musique Mondomix, 7 mai 2005, 15:25
nous relayons cet article un peu partout
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