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Romano Prodi ne parvient pas à fédérer une gauche italienne particulièrement divisée

Publie le samedi 15 janvier 2005 par Open-Publishing


de Jean-Jacques Bozonnet Rome

La difficile préparation des élections régionales d’avril servira de test pour les législatives de 2006.

"N’est-il pas temps de penser à un autre à la place de Prodi ?" En posant la question, la semaine dernière, aux lecteurs d’Il Manifesto, Riccardo Barenghi, l’ancien directeur du quotidien de gauche, livrait aussi sa réponse : "L’impression est que notre leader n’a plus la stature et l’autorité qu’il devrait avoir."

Romano Prodi, le président sortant de la Commission européenne, à peine revenu en Italie pour tenter de détrôner Silvio Berlusconi lors des élections législatives de 2006, devrait, écrit-il, "en prendre acte lui-même et se retirer en bon ordre". M. Barenghi propose même le nom de son remplaçant, l’actuel maire
de Rome, Walter Veltroni, parce qu’il est plus jeune, plus à gauche et qu’"il
a des idées".

TENTATION LIBÉRALE

Embarras de la direction du journal, contrainte d’expliquer que l’article ne reflète pas la ligne éditoriale d’Il Manifesto. Et protestations en chœur dans la gauche radicale."On ne touche pas à Prodi", a résumé Fausto Bertinotti, le dirigeant du Parti pour la refondation communiste (PRC). C’est pourtant son quotidien, Liberazione, qui, quelques jours plus tôt, avait mis à sa "une" un autre candidat virtuel : Mario Monti, ex-commissaire européen à la concurrence.

Il s’agissait cette fois de conjurer une éventuelle tentation libérale du centre gauche. L’apparition de plus en plus fréquente dans la presse de divers candidats alternatifs témoigne des incertitudes de l’opposition sur la capacité du "Professore" à rassembler.

Depuis trois semaines, Romano Prodi n’a pas quitté son domicile de Bologne, la presse italienne le décrivant "retiré sur son Aventin bolognais". Son projet de listes uniques de la fédération de L’Olivier pour les prochaines élections régionales des 3 et 4 avril n’avait pas rencontré un franc succès. Le 21 décembre, un accord n’avait pu être trouvé que dans trois régions sur quatorze. L’homme était surtout furieux que la principale opposition vienne de son propre parti, La Marguerite. "Il faudra que le sang coule", avait-il lancé à l’intention de Francesco Rutelli, le président de La Marguerite, qui redoute de voir sa formation diluée dans L’Olivier, voire fondue dans un grand "parti réformiste" que certains, au centre gauche, appellent de leurs vœux.

Les partisans de l’un et de l’autre se sont violemment déchirés jusqu’à la conclusion, lundi 10 janvier, d’une trêve surprise. Un compromis a été trouvé pour des listes uniques dans neuf régions. "Les blessures de ces dernières semaines sont refermées. Qu’il y ait une majorité de listes unitaires est un message de cohésion retrouvée", s’est félicité Francesco Rutelli. Ce nouvel armistice entre les deux hommes est salué par Romano Prodi comme "un beau pas en avant, même s’il reste beaucoup à faire". Son parcours jusqu’à l’investiture du candidat de la gauche en 2006 s’annonce semé d’embûches.

Dans un premier temps, M. Prodi devrait être adoubé comme chef de la fédération de L’Olivier, début février, au cours du congrès des Démocrates de gauche (DS), l’autre grande formation de la gauche modérée. Après les régionales, courant mai, il devra affronter, programme contre programme cette fois, Fausto Bertinotti, l’autre candidat à la candidature, lors des primaires qu’il a lui-même souhaitées. Cela lui permettrait d’asseoir sa légitimité sur la Grande Alliance démocratique (GAD), qui est censée fédérer treize partis de gauche, depuis les centristes d’origine démocrate-chrétienne jusqu’aux groupes qui gravitent aux franges de l’altermondialisme.

D’ici là, il lui faudra tenter de repêcher l’Union des démocrates pour l’Europe (UDEur), le petit parti centriste de Clemente Mastella (1,7 % des voix en 2001), qui vient de quitter L’Olivier pour des questions d’investiture aux élections régionales.

D’autres fronts risquent de s’ouvrir. L’aile la plus radicale des DS conteste déjà le leadership de M. Prodi sur la coalition de L’Olivier. Sur son site internet Aprile on-line, elle l’accuse de vouloir en faire "une Forza Italia à la sauce rose", par référence au parti de Silvio Berlusconi, qui domine, à droite, la Maison des libertés (CdL).

SUCCESSEUR DÉSIGNÉ

Au sein de La Marguerite, les "rutelliens" n’ont pas définitivement déposé les armes. Ils attendent les régionales. "Ce seront les vraies primaires, disent-ils. Prodi a voulu les listes unitaires, très bien, dès le lendemain, nous évaluerons si cela a marché ou pas."

Dans un centre gauche perpétuellement agité de soubresauts, Romano Prodi pourra-t-il garder la main jusqu’au bout ? Dans un éditorial paru lundi en première page, La Stampa émettait de sérieux doutes, fondés sur le passé : "Prodi, politiquement, a cessé d’être le leader du centre gauche ce 9 octobre 1998 qui a vu son gouvernement tomber à la Chambre pour une seule voix."

Successeur désigné, Walter Veltroni rejette, lui, catégoriquement cette éventualité. "Romano Prodi est la personne juste, non seulement pour le centre gauche, mais pour l’Italie", a-t-il déclaré, en tournée dans les Pouilles. Dimanche 16 janvier, à Bari et dans 100 communes de plus de 15 000 habitants, les électeurs de la région sont en effet invités à choisir entre deux candidats de la gauche en lice pour l’investiture, les instances nationales ayant renoncé à trancher.

Jean-Jacques Bozonnet


De retour, Umberto Bossi fait cavalier seul

Dix mois après un très grave accident cérébral, survenu le 11 mars 2004, le fondateur de la Ligue du Nord, Umberto Bossi, a fait un retour remarqué sur la scène politique italienne, lundi 10 janvier à Milan, à l’occasion d’un conseil fédéral de son parti. La réapparition publique de l’ancien ministre des réformes et numéro trois du gouvernement Berlusconi a coïncidé avec la décision de la Ligue, organisation populiste et xénophobe surtout implantée dans le nord du pays, de faire cavalier seul aux élections régionales d’avril. La Ligue présentera ses propres listes dans plusieurs régions, notamment la Lombardie, dont elle convoite la présidence.

La décision du gouverneur sortant de Lombardie, Roberto Formigoni, membre de Forza Italia, de concourir sous ses propres couleurs a été ressentie comme "une volonté d’affaiblir la Ligue". Silvio Berlusconi, qui a promis une région à son ami Umberto, devait réunir les dirigeants de la majorité, ce mercredi à Rome, pour calmer le jeu et trouver un accord électoral. "Bossi revient, c’est le chaos au gouvernement", ironisait, mardi, le quotidien de gauche L’Unita. - (Corresp.)

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