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SAHEL - Derrière les coulisses de l’aide au développement

Publie le jeudi 7 octobre 2004 par Open-Publishing
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2e texte annoncé

En prenant comme exemple le Centre des Métiers (ZGB) de la Fondation Allemande pour le Développement International (DSE) à Mannheim. Cette dernière ayant jumelé depuis deux ou trois avec la CDG - Carl Duisberg Gesellschaft pour devenir une société à responsabilité limitée à but non lucratif du nom de Inwert gGmbH. Pour les besoins du texte, nous garderons les anciennes dénominations. - Sonia J. Fath

Entre 1995 et juillet 2001, j’ai eu l’occasion de travailler de temps en temps au sein de la DSE, en partie en tant qu’interprète, parfois en tant que traductrice et à la fin en tant que dactylographe. Au fil des années, j’ai toujours fait des efforts pour que ma renommée de personne fiable, efficace dans son travail et dynamique ne soit pas entachée. Lorsque le responsable des programmes d’Afrique francophone avait besoin de moi, j’étais presque instantanément sur place pour le soutenir, car à bicyclette de chez moi, cela faisait tout juste dix minutes de pédalage. Vers la fin, néanmoins, je n’étais plus aussi prompte à répondre aux appels, car je ne supportais plus les incessantes frustrations.

Lorsque je regardais encore la DSE de l’extérieur et surtout sa façon de se présenter devant les boursiers du gouvernement allemand ou devant les collaborateurs occasionnels extérieurs tels que moi, on aurait pu penser que ce fut le meilleur de ce que l’on pouvait trouver sur le marché en matière de coopération au développement. Etait-ce vraiment ainsi ? Bien sûr que non, et je n’allais pas tarder à m’en apercevoir. Les perfectionnements en mécanique auto qui y sont dispensés sur l’argent du contribuable, sont sanctionnés par un diplôme sans valeur, car il n’est pas reconnu dans la majorité des pays africains. Bien souvent, les boursiers qui retournent chez eux ont du mal à se réintégrer aux conditions techniques et professionnelles parfois misérables dans les institutions dans lesquelles ils travaillent. Par ailleurs, il arrive souvent aussi que les niveaux des participants aux divers modules sont assez variés, de sorte que personne ne peut vraiment profiter à plein de sa formation. J’ai souvent eu la désagréable impression que ces programmes de formation ne sont pas vraiment fait pour les boursiers, mais pour occuper le personnel de la DSE qui est bien installé depuis des dizaines d’années. C’est ça que l’on appelle l’efficacité ? En 1997 et 1998, j’ai eu l’occasion d’être l’interprète de décideurs ouest-africains venus s’informer sur le système de formation duale pratiqué en Allemagne. Au-delà de mon travail habituel, j’ai passé beaucoup de temps avec les décideurs et j’ai remarqué combien différent et intéressant pouvait être le travail avec ces personnes d’une autre culture. J’ai appris à mieux les connaître et avant tout à les apprécier. Et c’est ainsi que je fus plus que choquée lorsque j’entendis le responsable des programmes africains me lancer „Mais ce n’est que pour les Africains !“ parce que j’ai critiqué une traduction faite par un mécanicien et dont le texte se lisait pire que du français de vache espagnole.

C’était par un beau vendredi matin. Je venais à l’appel du responsable pour jouer mon rôle de secrétaire. Il se tenait debout dans l’encoignure de la porte ; à ses pieds, un carton rempli de brochures. Pendant qu’il s’entretenait avec d’autres personnes, je pris une des brochures et vis, déjà sur la page de couverture, une faute. Je me mis à sourire, car je me rappelais combien souvent j’avais été éloignée des dossiers de soumission d’offres dans le bureau d’ingénieurs-conseils où j’avais été salariée, car je découvrais presque toujours au moins une faute sur la page de couverture quand je n’avais pas participé à la confection des dossiers.

Je tournai donc la page de la brochure et je vis : deux fautes. En continuant de feuilleter, le texte devint de mal en pis. C’était carrément atroce. Je n’avais jamais de ma vie vu une traduction aussi mauvaise. Je regardais qui avait traduit le document et plus rien ne m’étonna : un mécanicien burkinabé, doublé d’un Allemand qui se dit traducteur, mais qui n’a jamais fait d’études. Je demandais au responsable quand les documents allaient partir. „Tout à l’heure, en avion“ me répondit-il. „Ils ne peuvent pas partir, ils sont plein de fautes.“ Le responsable, connaissant ma propension au travail de qualité me tapota fraternellement l’épaule en disant : „Oh vous, vous exagérez. C’est déjà copié 18 fois. Ça va partir tout à l’heure.“. „Non, cela ne partira pas“, répondis-je, sans m’inquiéter de mon ton quelque peu brusque, „cela ne peut pas partir, je vais le refaire, c’est une vraie catastrophe !“. „Mais, ce n’est que pour les Africains !“ fut sa seule réponse. J’en étais sidérée. Je regardais le responsable comme un fantôme. Lui, qui se faisait chouchouter par les Burkinabés à chaque fois qu’il y mettait les pieds, lui, dont un garage de mécanique auto porte le nom ! Lui, dire une telle chose ? Je n’en revenais pas. Je continuai à essayer de le convaincre de retirer les documents, car cela présentait en plus une image ridicule de la DSE. Il fallait parler parfaitement les deux langues pour comprendre ce que le texte voulait dire. Il y restait même des mots en allemand.

Ce qui m’a le plus choqué dans toute cette affaire, c’est qu’ils avaient une traductrice française pratiquement devant leur porte, ils avaient même un contrat avec elle ! Mais non, on donne du travail de pro à des amateurs. Je ne me sens pas prise au sérieux dans cette organisation.

Pendant de longues années, j’ai observé également qu’il y avait 4 programmes de perfectionnement pour mécaniciens par an d’une durée respective de 24 mois. Par la suite, l’Etat a réduit l’aide au développement (au lieu de l’augmenter) et les programmes ont été raccourcis à 18 mois et au nombre de deux par an. On y a alors rajouté deux programmes par an de 5 mois chacun. Pour les programmes longs, les boursiers doivent apprendre l’allemand en cours intensifs, pour les programmes courts, pas de temps pour la langue. Les cours sont tenus dans une langue véhiculaire : français ou anglais. Mais les enseignants allemands en question parlent peu anglais et encore moins le français. Quoi de plus logique alors que de coopérer avec les pays voisins : France, Suisse, Belgique, non ? Mais la DSE doit avoir peur de ses voisins, sinon comment s’expliquer que l’on n’ait pas fait une tentative de voir de l’autre côté du Rhin, dans cette belle ville de Strasbourg où beaucoup de personnes comprennent l’allemand. Non, cette idée n’a jamais surgi. Par contre une autre qui consiste à faire des mécaniciens-interprètes. Parmi les boursiers qui avaient participé à un programme long de 24 mois, il fallait choisir les meilleurs pour les faire revenir et les faire travailler comme interprète. Faire travailler un africain ici ? Ce n’est pas évident. Un interprète blanc gagne env. 6.000 euros par mois. L’Africain n’a pas le droit de travailler en Allemagne. Que faire alors ? A la DSE la réponse est vite trouvée. On va dire qu’il fait une formation ! Oui, les Africains-interprètes sont en formation, alors qu’en réalité ils travaillent comme interprète pour les enseignants allemands. En outre, quelle belles économies possibles, entre les 6.000 euros de l’interprète blanc et les 750 euros de bourse de formation de l’interprète noir. Et ces 750 euros sont exactement le montant de la bourse accordée également aux élèves assis dans les cours de perfectionnement. Vous appelez cela de l’exploitation ? Moi aussi, figurez-vous. Même sans gêne.

Et pourquoi faire venir les Africains en Europe pour un perfectionnement de 5 mois qui en réalité ne dure que 2,5 mois puisque l’on perd la moitié du temps avec l’interprétariat ? Cela fait bien longtemps que l’on aurait pu monter un centre d’excellence en formation automobile dans un pays d’Afrique de l’Ouest où viendraient tous les mécaniciens francophones de la sous-région. On aurait pu si on avait voulu.

Dur de ne pas être furieuse

Récemment, j’ai vu un homme à la télé, il s’agit d’un comédien allemand ou autrichien qui s’occupe d’une organisation qui travaille beaucoup en Ethiopie. Il racontait que ce qui le motive c’est la rage, la rage qu’il ressent quand des personnes disent des inepties sur l’Afrique ou d’autres se baladent dans l’espace en gaspillant des sommes folles alors que des enfants meurent de faim.

Moi aussi, c’est la rage qui me fait avancer. Je pouvais si bien comprendre ce qu’il ressentait, qu’il lui était impossible de fermer les yeux, de se consacrer à sa petite vie alors que tant de personnes comptent sur lui. Moi aussi, je me suis fait des amis qui comptent sur moi en Afrique. Je n’ai pas l’argent de ce comédien, mais j’ai une foule d’idées très utiles. Je ne veux plus vivre dans un pays où seul compte l’argent et son accroissement au mépris des autres.

Je suis très contente d’avoir compris un beau jour qu’il fallait penser la vie autrement, agir autrement et réfléchir à ce que ma vie a à voir avec l’environnement, la consommation, les emplois, les jeunes, et d’agir en conséquence des résultats.

Il y a tant d’égoïsme et de gaspillage de par ce monde que je dois poursuivre ma critique.

Fin 1999, je me trouvais par hasard dans les couloirs des locaux de l’IfB - Institut International de Formation Professionnelle et je constatais que l’ensemble du sol en moquette avait été rénové. Il n’était pas sale ou usagé, je n’avais rien remarqué quand j’y allais, mais je me rappelais qu’en fin d’année il est habituel dans les institutions de redistribuer l’argent non dépensé de diverses manières afin de ne pas devoir le rendre. Mais j’aurais trouvé bien plus avantageux d’acheter des livres ou des moyens pédagogiques pour les élèves.

Fin 2000, même procédure à la DSE, mais cette fois pas le tapis, mais la peinture des murs du couloir.

Comment ne pas se fâcher lorsqu’on se remémore que la DSE m’avait payé des honoraires de 205 euros la journée plus repas en 99 et changea à 200 euros sans repas l’année suivante : à prendre ou à laisser, je n’avais pas le choix. Je voulais encore apprendre au sein de la fondation ce que coopération au développement veut dire et je voulais surtout prouver que j’étais capable de faire autre chose que de taper des courriels et des fax en français et en allemand.

Mais tous mes efforts furent en vain. Même mon excursion avec les boursiers chez Pirelli me laissa après coup un goût amer. J’aime bien faire ce genre de choses de temps en temps, même si le tarif payé est trop bas, mais je ne m’attendais pas à devoir payer mon propre MacDo. L’IfB organisant la visite m’avait donné de l’argent pour le repas de midi du groupe chez Mac Donald (quel goût). Je payai la facture et nous nous installâmes à table. Le chauffeur de bus obtint son repas gratuitement. Ce n’est que par la suite, en faisant les totaux pour l’IfB que je me rendis compte que si une personne n’avait pas manqué à l’appel le matin, je n’aurais pas eu de repas. En effet, tout le monde avait son repas payé par l’IfB, sauf l’accompagnatrice. Quelle petitesse dans une institution qui se veut de réputation mondiale !

Quiconque fait de telles expériences comprendra aisément pourquoi je lutte tellement. Je voulais travailler en libérale avec de petites entreprises, des entrepreneurs free-lance, des personnes engagées, car je crois qu’il y a des femmes et des hommes dans des recoins de ce monde qui ont encore leur colonne vertébrale en place, droite et non courbe, qui ont du caractère et de la volonté pour faire bouger les choses. Je n’ai plus d’argent, mais j’ai des idées et une énorme volonté. J’ai beaucoup investi, en temps et en argent, pour sortir du monde des traductions techniques vers ce que j’appelle « le monde de la 2e chance », c’est à lui que dorénavant je consacre ma force et ma créativité, ma disponibilité et ma mobilité. Et maintenant j’attends des autres plus que de vaines paroles.

J’ai pris la décision de prendre mes responsabilités sous la forme d’une candidature au Parlement Européen en me spécialisant dans les domaines de la politique africaine et des femmes en Europe, car ceux sont les deux domaines où tant de choses pourraient se passer pour que notre planète se porte mieux : si les femmes vont bien, les hommes et les enfants vont bien, le contraire n’est pas souvent le cas. Et si l’Afrique et les pays sous-développés vont bien, la terre entière va bien, le contraire n’est jamais le cas. Ma dignité d’être humain éclairé me dicte de mettre mes capacités et compétences à la disposition des faibles d’une société destructrice.

Messages

  • De quoi parle t’elle ??? D’elle ou du Sahel ????!!!!!!
    Comment se croire aussi parfaite et aussi indispensable ???
    Comment oser nous rabattre les oreilles avec ses potins de bureau ????!!!!! Alors qu’il y a tant ....!!!

    "au moins une faute sur la page de couverture quand je n’avais pas participé à la confection des dossiers." !!!!!! Mais ça relève de la mytho ?
    Désolée, je m’attendais à lire quelque chose de plus intéressant et de plus important sur le SAHEL, et non pas les déboires de la Princesse parisienne inactive et sans cesse offensée...

    • Avant de faire un "caca nerveux" lis le titre "Derrière les coulisses de l’aide au développement"... il est question non seulement des coulisses mais du "derrière" des coulisses... Le texte n’est pas "hors sujet", c’est toi qui t’es trompé de pièce... Cela dis ça peut arriver à tout le monde.

      Nelson

    • "Elle" va faire rager, car "elle" dit qu’on écrit "De quoi parle-t-elle" et non "parle t’elle". Je ne sais d’où sort cette apostrophe qui apparaît si souvent ces dernières annéesà de tels endroits. Et ce n’est pas sur la page de couverture, cette fois-ci, mais dans un petit paragraphe.

      Par ailleurs, personne n’obligeait l’inconnue à lire jusqu’à la fin. Et "Elle" serait curieuse de savoir ce que l’inconnue fait pour le Sahel, mais "elle" n’aura sans doute jamais cette chance.

      Et si démasquer les travers de l’aide au développement, ce n’est pas important, "elle" ne sait pas ce qu’il faut pour satisfaire l’inconnue. D’ailleurs, "elle" n’écrit pas pour plaire, mais pour secouer, du moins la plupart du temps.

      Bon, fini de jouer, je ne suis ni une princesse et encore moins parisienne. Je suis une vraie fille de la province et pas inactive pour un sou. Et pour savoir ce que je ressens, il faudrait sans doute lire "Cette vie que nous assassinons..." de Eléonore Visart de Bocarmé. Je ne me sens pas offensée, mais je ressens une énorme vague d’indifférence mortelle, et c’est particulièrement dur à supporter quand les gens se disent solidaires, chrétiens, militants, engagés, etc.

      Sonia J. FATH