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Sabra et Chatila (4) Samiha, Ouadha, Fadia, Mahmoud et les autres ...

Publie le jeudi 16 septembre 2004 par Open-Publishing


de Al Faraby

Samiha Abbas Hijazi :

"Le jeudi, il y avait des bombardements lorsque les israéliens sont venus, puis les bombardements se sont aggravés, nous sommes descendus à l’abri. (...) On a appris vendredi qu’il y’avait eu un massacre. Je suis allée chez les voisins. J’ai vu notre voisin Moustafa El Habarat blessé baignant dans son sang. Sa femme et ses enfants étaient morts. On l’a porté à l’hôpital de Gaza et puis on s’est enfui. Lorsque les choses se sont calmées, je suis revenue et pendant quatre jours, j’ai recherché ma fille et son mari. J’ai passé quatre jours parmi les morts, j’ai cherché parmi tous les morts. J’ai trouvée Zaynab morte, le visage brûlé. Son mari était coupé en deux et sans tête. Je les ai emmenés et je les ai enterrés."

Madame Abbas Hijazi a perdu sa fille, son gendre, la belle-mère de sa fille et d’autres proches.

Abd el Nasser Alameh :

"La nuit du carnage, nous étions à la maison et nous avons entendu qu’il y’avait un massacre à Chatila. (...) Nous avons gardé la ruelle toute la nuit, se relayant pour dormir quelques heures, et ceci jusqu’au lever du jour, certains réussissant à prendre la fuite alors. Je croyais que mon frère nous avait devancés à Beyrouth Ouest . Nous l’avons attendu, mais il n’est pas venu. Et c’est ainsi que mon frère a fait partie de ces personnes qu’ils ont emmenées, et dont on a même plus retrouvé le corps."

Monsieur Alameh a perdu son frère (qui avait 19 ans au moment des faits)

Ouadha Hassan el-Sabeq :

"Nous étions à la maison le vendredi 17 septembre, les voisins sont venus et ils ont commencé à dire : Israel était entré ; livrez-vous aux israéliens, ils prendront les papiers et les tamponneront. Soudain, après être sortis nous rendre aux israéliens, lorsque nous nous sommes livrés, les chars et les soldats israéliens étaient là, nous avons été étonnés de constater qu’ils avaient avec eux les Forces Libanaises. Ils ont pris les hommes et nous ont laissés, femmes et enfants ensemble. Quand ils m’ont pris les enfants et tous les hommes, ils nous ont dit : allez à la Cité Sportive et ils nous y ont emmenés. Ils nous ont laissé là-bas jusqu’à sept heures du soir, ensuite ils nous ont dit : allez à Fakhani et ne retournez pas à la maison et ils ont commencé à nous lancer des obus et des balles.

Il y avait des hommes arrêtés de côté, ils les ont pris et on n’a plus jamais su ce qui était advenu d’eux. Jusqu’à aujourd’hui on ne sait rien à leur propos et ils sont toujours portés disparus."

Madame el-Sabecq a perdu deux fils (16 et 19 ans au moment des faits), un frère et environ 15 parents.

Mahmoud Younes :

"J’avais 11 ans. Il faisait nuit et l’on entendait des bombardements et des tirs de fusils. (...) Nous nous sommes tous réfugiés dans la chambre à coucher et nous y sommes restés. Dès leur arrivée, ils sont rentrés directement au salon, et ont tiré sur les photos accrochées aux murs, surtout celle de mon frère mort en martyre le mois de "septembre noir" . Ils ont saccagé le salon et ont proféré des injures et de sales propos. Après avoir cherché sans nous trouver, ils sont montés sur le toit et s’y sont postés toute la nuit. Nous avons passé cette nuit dans la terreur terrés dans notre cachette, entendant les cris des gens, les déflagrations et les tirs, alors qu’Israël lançait des obus éclaireurs jusqu’au lever du jour.

Le lendemain matin ils se sont mis à scander "rends toi tu auras la vie sauve". Mon neveu avait 18 mois. Il avait faim et nous étions loin de la cuisine . Ma soeur voulait le réduire au silence, et l’étouffait avec sa main qu’elle posait devant sa bouche de peur qu’ils n’entendent. Son époux a alors décidé qu’il fallait se rendre, ajoutant que le lot de chacun ne sera que le destin prévu par Dieu. Les femmes sont sorties en premier, mes frères, mon père, mon beau frère et les autres membres de la famille suivaient. Mon frère était malade. Dès qu’ils ont entendu nos voix, ils ont tiré dans notre direction et sont directement rentrés à l’intérieur de la maison. Ils nous ont demandé où nous étions la veille lorsqu’ils sont rentrés et n’ont trouvé personne. Puis ils ont ordonné aux femmes et aux enfants de sortir . Mon beau frère s’est alors mis à embrasser sa petite fille en guise d’adieu.

Un homme armé s’est avancé vers ma nièce , a enroulé une corde autour de son cou et a menacé son père de l’étrangler s’il ne la laissait pas. Ce dernier s’est exécuté et me l’a confiée. Ils ont voulu me prendre mais ma mère leur a dit que j’étais une fille. Ils ont fait marcher ma mère et les femmes jusqu’à la Cité Sportive. J’ai vu en marchant le mari de ma tante, Abou Nayef tué à coups de hache à la tête près de sa maison. Les morts étaient tous défigurés. Tout en portant ma nièce, j’ai buté sur un mort frappé à la hache et je suis tombé. Ils ont su alors que j’étais un garçon, et l’un deux m’a placé contre le mur et a voulu me tirer une balle dans la tête. Ma mère l’a supplié et lui a embrassé les pieds pour qu’il me laisse partir. Il l’a repoussée. Il a alors entendu le cliquetis de l’argent caché dans sa poitrine. Il lui a demandé ce que cela voulait dire. A quoi elle a répondu qu’il pouvait prendre tout l’argent mais qu’il devait me garder auprès d’elle. Et c’est ainsi que nous avons continué notre chemin et sommes arrivés à la Cité Sportive. Les bulldozers israéliens préparaient de grands fossés. On a dit qu’il fallait qu’on descende tous ils voulaient nous enterrer vivants. Ma mère s’est mise à le supplier, puis a demandé une gorgée d’eau avant de mourir.

A la Cité Sportive, j’ai vu les militaires israéliens, ainsi que les chars, les bulldozers et l’artillerie, tous israéliens, de même que nous avons vu des groupes de Phalangistes réunis avec les israéliens. La Cité Sportive grouillait de femmes et d’enfants. Nous y sommes restés jusqu’au coucher du soleil. Un israélien est alors venu et a dit : allez tous à la région Cola, celui qui revient au camp mourra. Nous y sommes partis, pendant qu’ils tiraient dans notre direction."

Monsieur Younes a perdu son père, trois frères, son oncle maternel, son cousin maternel, deux cousines paternelles et d’autres membres de sa famille.

Fadia Ali El Doukhi

" Quand les bombardements ont commencé et que nous avons su qu’Israel encerclait le camp, mon père nous a dit de fuir. On lui a demandé de venir avec nous, mais il a refusé pour protéger la maison. Alors, on s’est enfuis en le laissant à la maison. Plus tard, on a su qu’un massacre avait eu lieu. On a su que mon père était mort et on a vu sa photo dans le journal. Son pied était amputé. Notre voisine dans la maison de laquelle mon père s’était abrité nous a raconté comment on l’a tué."

Madame El Doukhi, qui avait 11 ans au moment des faits, a perdu son père.

Amina Hasan Mohsen

" On était à la maison le jeudi lorsque les bombardements ont commencé. Je ne savais pas ce qui se passait à l’extérieur. Lorsque les bombardements se sont intensifiés, j’ai esssayé de sortir pour me sauver avec les enfants. Lorsque nous sommes sortis, les morts étaient étendus de part et d’autre de la rue. Mes enfants ont eu peur. Un israélien nous a dit de sortir. On a vu ensuite une personne qui parlait le libanais. Lorsque nous sommes sortis sous le couvert des israéliens, il s’est mis à nous crier dessus. A ce moment, j’ai compté mes enfants et j’ai vu que Samir manquait, quand il a vu les morts par terre, il a pris peur et s’est enfui. A ce moment, je n’ai pas eu la présence d’esprit de partir à sa recherche car la région était assiégée et remplie de forces armées israéliennes et libanaises. Nous nous sommes enfuis et lorsque le massacre s’est terminé, j’ai recherché Samir mais les cadavres étaient tellement défigurés que je n’ai pas pu le reconnaître."

Madame Mohsen a perdu son fils de 16 ans.

Sana Mahmoud Sersaoui :

" Nous habitions le coin Said à Sabra , et lorsque les bombardements ont commencé, nous nous sommes réfugiés chez mes parents à Chatila. Cela s’est passé le mercredi. Vers minuit, des femmes qui venaient du quartier ouest ont dit qu’ils étaient en train de tuer. Nous nous sommes alors enfuis à nouveau, vers l’intérieur du camp. Ensuite, quand le jour s’est levé nous avons été nous cacher dans l’abri de la maison de repos.

J’étais ce jour là enceinte, et j’avais deux filles qui prenaient encore du lait. Nous sommes restés dans la maison de repos deux jours, jusqu’à samedi. Nous n’avions plus de lait. Mon mari est alors sorti en apporter pour les filles. Que la nuit était longue, les Israéliens envoyaient des obus éclaireurs. C’est ainsi qu’il est parti à Sabra. Les israéliens étaient alors arrivés jusqu’à l’hôpital de Gaza. Après, je suis partie à sa recherche, et ma soeur à la recherche de son mari. Nous sommes arrivées à la porte de Chatila. Là bas ils avaient placé les hommes d’un côté et les femmes de l’autre. Je me suis mise à le chercher parmi les hommes. Je l’ai vu et lui ai dit "tu sais, ce sont des Phalangistes". Il m’a répondu "il va nous arriver ce qui est arrivé à Tall el Zaatar". Les hommes armés nous ont ordonnés de marcher devant et les hommes derrière. Et c’est ainsi que nous avons marché jusqu’à arriver à la tombe commune. Là bas, le bulldozer a commencé à creuser. Il y avait parmi nous un homme portant une blouse blanche d’infirmier. Ils l’ont appelé et l’ont criblé de balles devant tous. Les femmes se sont mises alors à crier. Les israéliens postés devant l’ambassade kowétienne et devant la station Al Rihab ont demandé par haut-parleurs que nous leur soyons livrés.

C’est ainsi qu’on s’est retrouvé entre leurs mains. Ils nous ont pris à la Cité Sportive, et les hommes devaient marcher en principe derrière nous. Mais les voilà qui enlèvent aux hommes leurs chemises pour leur bander les yeux avec. Et c’est ainsi qu’Israël à la Cité Sportive soumettait les jeunes gens à un interrogatoire, et que les Phalangistes lui ont livré 200 hommes. Et c’est comme ça que ni mon mari, ni celui de ma soeur ne sont revenus."

Madame Sersaoui a perdu son mari, âgé de 30 ans, et son gendre.

Nadima Youssef Said Naser :

"C’était le jeudi. Soudain la rue est devenue déserte. Ma mère est allée chez les voisins. Les bombardements ont commencé. A peu près 10 familles se sont regroupées dans la maison des voisins. Un peu plus tard, une femme est venue du quartier Irsan. Elle criait : ils ont tué la femme de Hassan. Elle portait ses enfants en criant que c’était un massacre. J’ai porté une de mes filles jumelles, elle avait un an, et je suis allée vers mon mari : ils disent qu’il y a un massacre, j’ai dit, il a répondu, ne dis pas de bêtises. J’ai pris une de mes filles et lui ai donné l’autre. Mais les bombardements se sont renforcés et nous avons rejoint les voisins à l’abri. L’abri était plein de femmes, hommes et enfants, une femme de Tall al-Zaatar pleurait en disant, c’est ce qui s’est passé à Tall al-Zaatar.

Peu après, je suis sortie de l’abri, j’ai vu les hommes armés qui mettaient les hommes contre les murs. J’ai vu une voisine, ils l’ont éventrée. Des femmes sont sorties de la maison d’en face, et une femme a commencé à brandir son écharpe en disant, il faut que nous nous livrions. Soudain, j’ai entendu ma soeur qui criait : ils l’ont égorgé. J’ai cru que mes parents avaient été tués. Je me suis précipitée pour les voir en portant ma fille. Ils ont tué le mari de ma soeur devant mes yeux. Je suis montée, je les ai vus tirant sur les hommes. Ils les ont tous tués. Je me suis enfuie. Mon autre fille est restée avec son père. Les gens armés sont partis en emmenant les hommes de l’abri. Il y avait parmi eux mon mari. En entrant dans le camp, une femme libanaise est venue, qui avait vu mon mari enlaçant ma fille. Elle a vu comment mon mari a été tué par un phalangiste, par un coup de hache sur la tête. Ma fille était couverte de sang. L’homme l’a donnée à la femme libanaise qui est rentrée au camp et l’a donnée à des parents à moi. Moi, je me suis enfuie à l’hôpital Gaza. Quand ils sont rentrés à l’hôpital, je me suis enfuie une seconde fois."

Madame Said Naser a perdu son mari, son beau-père, trois neveux de son mari et cinq autres parents.

Mouina Ali Hussein :

"J’étais dans ma maison de Horch, J’ étais enceinte de 4 mois et j’avais un fils de 8 mois. On vivait tranquillement. On a entendu les avions israéliens survolant la région de manière intense, le bruit des avions est devenu plus fort, et des tirs ont commencé . J’ai pris mon fils et j’ai dit à mon mari, je veux aller chez mes parents qui étaient au quartier ouest. Nous sommes donc allés chez eux, et quand nous y étions, les tirs ont augmenté. On est restés chez les voisins qui avaient une maison rez-de chaussée, avec deux étages. Quand les bombardements ont augmenté, nous sommes restés vers l’intérieur.

C’était à six heures. Nous avons fermé la porte et sommes restés dedans. Il y avait seulement des femmes et des enfants et des femmes, sauf mon mari et un jeune. On a entendu des cris dehors, et les gens armés dire : ne tirez pas, frappez à la hache, s’ils entendent des tirs ils s’enfuient. Une bombe a éclaté près de la maison. Tout le monde s’est mis à crier. Ils nous ont entendus, et ont commencé à nous tirer dessus. Le jeune a été tué en essayant d’éteindre la bougie. Nous avons crié fort, quand il est mort devant nous. Ils ont continué à tirer, et quand ils nous ont entendus, ils ont lancé une bombe. Une femme a été blessée, ainsi que ma mère. La chambre est devenue une rivière de sang. Les soldats ont alors commencé à crier : sortez. Si vous ne sortez pas, nous dynamitons la maison. Ils nous insultaient. Ma mère a ouvert la porte, disant qu’elle voulait se sacrifier. Elle a vu dix hommes armés. Elle a dit à l’un deux : ne nous tuez pas. Sortez tous, il a répondu, mettez vous en rang. L’un après l’autre nous sommes sortis. Je suis restée avec mon mari et mon autre fils. Nous sommes ensuite sortis. Ils ont dit à mon mari : viens, toi. Il portait son fils, il me l’a donné. L’homme armé lui a dit : en arrière. Mon mari a pensé qu’il voulait la carte d’identité. Pendant qu’il reculait, ils l’ont mitraillé devant moi. Il n’a pas dit un mot, et il est tombé. J’attendais mon tour. Ils m’ont insultée, j’ai suivi ma mère et ma soeur à l’orphelinat, et nous nous sommes enfuies. Les enfants ont vécu tout seuls, leur père n’avait pas de frères ou de proches parents. Ils n’avaient personne à leurs côtés. D’autres orphelins trouvent un oncle, mes enfants n’ont que moi, Dieu soit loué. Mon fils, même à son âge, il a tellement besoin d’avoir son père avec lui pour l’aider, lui parler de ses problèmes. Quand on est enfant unique, quel vide."

Madame Ali Hussein a perdu son mari et son beau-frère.

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