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Services publics : des coups de fil à haut coût !

Publie le mardi 5 décembre 2006 par Open-Publishing
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Les numéros spéciaux surtaxés se multiplient pour les usagers de services sociaux, qui, en l’absence de régulation, voient leur facture exploser.

Un article intéressant de de Catherine MAUSSION
paru dans Libération du mardi 5 décembre 2006

C’est une sorte de gangrène qui se propage insidieusement dans le quotidien des Français. Alors que le prix du coup de fil baisse, alors que les box (Livebox, Alicebox, Freebox...) permettent de passer gratuitement des appels en France et même vers l’étranger, les numéros spéciaux, le plus souvent surtaxés, prolifèrent. Le phénomène n’est pas nouveau. Il gagne aujourd’hui les services sociaux. Sans que les pouvoirs publics s’en émeuvent. Le gouvernement avait promis un décret (1). Il devait déterminer chaque année « la liste des services sociaux mettant à la disposition des usagers des numéros d’appels spéciaux accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes et mobiles ». Le décret n’est toujours pas paru. Et au lieu de gratuité, c’est l’inflation.

L’hôpital cher et injoignable depuis l’étranger
Pour prendre rendez-vous au centre hospitalier de Sainte-Foy-lès-Lyon, il faut composer un numéro débutant par 0 826. Premier souci, ce format de numéro coûte cher (15 centimes d’euro la minute). Souci supplémentaire, il n’est pas joignable depuis l’étranger. C’est même une règle générale pour tous ces numéros débutant par 08. Mini scandale en sus, le malade ne peut être joint que sur ce type de numéro. La facture est plutôt salée : 9 euros l’heure de conversation depuis un fixe. Depuis un mobile, elle explose. L’appel est facturé hors forfait, et à son coût s’ajoute celui du 0 826. Cela met à 30 euros l’heure de réconfort avec le patient pour le titulaire d’un forfait Orange, Classique ou Intense. Et à 27 euros pour le détenteur d’un forfait Neo chez Bouygues Télécom... Ceux qui fonctionnent avec un mobile à carte éviteront le coup de fil (44 euros de l’heure, avec une mobicarte Orange).
Le faux appel local de l’ANPE, des Assédic et des CAF

L’ANPE est en train de se convertir également à cette « modernité ». A Nantes ou à Marseille, par exemple, un seul numéro dessert toutes les antennes locales. Il débute par 0 811, au prix d’un appel local (2), et vaut pour tout le département. Mais si le coup de fil est au tarif d’un appel de proximité, il n’en a pas les propriétés. Les appels passés depuis les box vers ces numéros ne font pas partie des appels gratuits et sont facturés en sus. Ils ne sont pas davantage inclus dans les forfaits, fixes ou mobiles. Compter 20 euros de l’heure depuis un mobile... Le chômeur, à la veille de franchir une frontière, est bien dans l’embarras. Il lui sera impossible de joindre son interlocuteur sur ce numéro depuis l’étranger. « C’est pas grave, lui répond aimablement l’agent de l’ANPE sur un mode enjoué, faites une demande de congé, comme ça, on évitera de vous convoquer pendant votre absence. » Au siège de l’ANPE, à Paris, où toutes les agences sont encore joignables sur un numéro traditionnel (dit géographique), on est bien en peine d’expliquer la nouvelle philosophie du service public. Et l’on ignore si ces « plateformes téléphoniques mises en service dans quelques bassins d’emplois seront généralisées ». Les Assédic, en revanche, s’y sont largement ralliées. Les antennes locales (Lyon, Marseille, Nancy...) répondent toutes sur un format en 0 811 (prix d’un appel local). Tandis qu’un « serveur vocal général » a élu un numéro en 0 890, autrement plus coûteux, à 15 centimes d’euro la minute. Même contagion dans les caisses d’allocations familiales. Elles ont opté massivement pour un 0 820 (12 centimes d’euro la minute).

Air France triple les prix
Saisies par le vertige des paliers supérieurs, les ex-entreprises publiques sautent sur des formats encore plus rémunérateurs. Air France vient ainsi de tripler le coût de la réservation du billet par téléphone. Il y a un mois encore, on pouvait acheter son billet ou s’informer sur les tarifs en appelant un numéro en 0 820. Il va falloir le gommer de son agenda pour le troquer contre le 3 654 (34 centimes d’euro la minute). A l’état-major de la compagnie, on préfère insister sur le côté pratique de l’automate de dernière génération, qui « permet d’agréger tous les services sur un même numéro et [qui] supprime quasiment l’attente ». Au prix de la minute, cela semble un minimum.
Appel à l’autorégulation

L’Arcep (Autorité de régulation des télécoms) s’inquiète en ce moment du maquis des numéros spéciaux. Elle dénonce, à mots couverts, un secteur anarchique où tout se ligue pour enfumer le client. Le marché ­ 613 millions d’euros au deuxième trimestre ­ dépassera allégrement les 2 milliards d’euros à la fin de l’année. Mais la confiance, du côté des consommateurs, n’est pas au rendez-vous. Tarifs illisibles, à tiroirs, surtout si l’appel est passé depuis un mobile, services parfois contestables... L’Autorité a recensé pas moins d’une trentaine de paliers tarifaires... Elle vient de lancer une consultation et appelle les professionnels à s’autoréguler.

Reste, en attendant, la débrouille. Aux hospices civils de Lyon, passés sur un numéro Indigo à 12 centimes d’euro la minute (0 820 082 069), aussi bien pour prendre un rendez-vous que pour joindre un patient, la standardiste compatit : « Composez le 04 78 86 10 00, c’est l’ancien numéro du standard. Il est encore en service. » Autre astuce, appeler sur des numéros spécifiques, réservés aux clients résidant à l’étranger (3). Air France exploite ainsi des numéros aux Etats-Unis ou au Canada. Gratuits pour les appels passés depuis le pays, ils sont gratuits aussi depuis la France pour tous ceux qui disposent d’une box. La SNCF, plus maligne, déjoue les ruses des adeptes du système D. Elle repère les appels passés abusivement depuis la France vers les numéros réservés aux clients étrangers... Et les redirige vers son 3635... à 34 centimes d’euro la minute.

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