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Ce n’est pas moi que vous avez vu au JT de France 2
Ce vendredi 13 février, je suis apparu dans un reportage au JT de 20h de France 2. Fanny Stenneler, journaliste à la rédaction de France 2 à Paris, a odieusement bafoué mon témoignage. Pourtant, j’avais les fesses propres.
Pour Fanny Stenneler, la fin justifie tous les moyens pour avoir un témoignage-scoop :
– on accepte les conditions d’un témoin pour avoir son témoignage,
– ensuite on le laisse parler devant la caméra,
– puis on fait fi de ses conditions, et on garde ce que l’on veut.
Rappel des faits :
Le gang est arrêté le mardi 10 février. Le mercredi 11, je me rends à la 2ème DPJ de Paris pour les reconnaître, au même titre que les 8 autres victimes. Je suis contacté par Antoine Krempf, qui fait un très bon reportage, en exclusivité pour France Info, aussi diffusé sur France Inter dès le vendredi 13 au petit matin. J’ai accepté de donner mon témoignage à ce jeune journaliste pour deux raisons : Info et Inter sont des médias « sérieux » qui ne recherchent pas le sensationnalisme, Antoine Krempf l’a bien compris et a respecté la véracité de mon témoignage.
De fausses informations circulent :
Ensuite démarre le déferlement médiatique, comme c’est décrit dans ma revue de presse du vendredi 13 : http://www.jackadit.info/categorie-.... De fausses informations sont divulguées dans tous les médias, et pour cause : la dépêche de l’AFP est truffée d’erreurs. Les plus graves portent sur ma personne, puisque quasiment tous les médias mentionnent le fait que je me suis fait sexuellement agresser et que l’on m’a également brûlé des cigarettes dans la bouche ! Pourtant, mon témoignage a déjà été diffusé sur France Info… Entre délires sordides et sensationnalisme de fait divers, les journalistes s’en donnent à cœur joie sans vérifier leurs sources. Comme à l’école, on recopie les erreurs de son voisin.
Autre aberration : les médias mentionnent qu’il y a un suspect non arrêté, encore en cavale. Rien de tel pour mettre des bâtons dans les roues de la Police judiciaire. Il est quand même parfois irresponsable de divulguer certaines informations. C’est une question de bon sens.
Un témoignage sur France 2 sous conditions :
Assistant à ce désastre médiatique, nous décidons, avec mon avocat, d’accepter de témoigner pour le journal télévisé de France 2 de 20h du vendredi 13. Nous ne prenons pas plaisir à nous afficher sur un média regardé par des millions de personnes. Nous savons aussi que non seulement ce sera diffusé dans le JT de 20h, mais que ce sera également diffusé sur les autres chaînes du service public. Pour preuve, des anonymes m’ont dit qu’ils m’avaient vu en Martinique, sur le JT d’une télévision guadeloupéenne.
Nous décidons donc de donner cette exclusivité à France 2 au dépend du Parisien, de France 3 et de BFM TV, qui avaient déjà contacté mon avocat, maître Philippe Valent. Par contre, nous avons exigé des conditions à la journaliste de la rédaction de Paris, Fanny Stenneler. Elle a accepté ces conditions à la lettre au téléphone.
La marge de négociation était nulle : c’était ça ou pas de témoignage. C’était convenu entre mon avocat, la journaliste et moi. Philippe Valent le confirme. Avis à ceux qui oseraient remettre sa parole en doute ! D’ailleurs, mon avocat figure aussi dans ce reportage.
Pour mon avocat et moi, les raisons d’accepter ces interviews aux médias sont claires et simples :
– Rétablir la vérité des faits sur les actes de torture et de barbarie que j’ai subis, et qui sont assez sordides déjà. Pas besoin que des journalistes inventent des détails délirants.
– Une confiance naïve sur le sérieux d’un média « public », au même titre que la confiance accordée à Antoine Krempf pour France Info.
– Dire haut et fort que les inspecteurs de la 2ème DPJ ont fait un travail remarquable et que leur enquête est un franc succès.
– Dire haut et fort ce que j’ai subi, afin que les faits soient rapidement requalifiés en « actes de torture et de barbarie », chose que la Justice ne retient toujours pas à l’heure actuelle, aussi impensable soit-il.
– Sortir du fait divers sordide et dire que, malgré tout, je vais très bien aujourd’hui. Je ne suis pas traumatisé par de quelconques psychoses. Je n’ai pas déménagé. Pire : je crée même une entreprise culturelle dans le 19ème arrondissement.
D’ailleurs, j’ai pris le soin de publier les conditions, soumises et validées par Fanny Stenneler, sur mon blog avant la diffusion du reportage, à 18h27 pour être précis : http://www.jackadit.info/article-27...
«
– Ok, vous faîtes votre accroche actu, c’est le Fait div’ qui prime. Et ça permet de rétablir la vérité vis-à-vis des écrits délirants des journalistes.
– Mais vous ne dites pas que ça : y’a un après-agression quand même. C’est pas obligé d’aller mal avec une histoire d’horreur pareille, d’être traumatisé et psychosé. La preuve, ce blog existe. L’écriture cathartique, ça marche. Etre tenace et courageux, ça permet d’affronter toute cette merde torturesque.
– Et puis bordel, non seulement je n’ai pas déménagé du 19ème, j’y reste. Pire ! J’y crée une entreprise culturelle dont le thème artistique fédérateur sera justement l’idée que l’art arrive à bout de tout, y compris l’horreur, la barbarie, le repli sur soi, la peur d’autrui. Y’a une happy end à tout ça, vos téléspectateurs seront aussi contents de l’apprendre ! »
Chronologie de l’élaboration de ce reportage :
Ce vendredi 13 à 16h, j’appelle mon avocat. On valide ces conditions, et on accepte de donner ces interviews. Mon avocat transmet mes coordonnées à la journaliste, laquelle me contacte dans la foulée. Elle accepte les conditions que nous imposons concernant mon témoignage. Une équipe de France 2 Rennes part en urgence pour m’interviewer à Nantes, où je suis. Rendez-vous pris à l’université. L’interview se déroule à 17h30.
D’emblée, je rappelle à ces journalistes que j’accepte, mais sous ces trois conditions. Je découvre avec surprise qu’ils ne sont pas au courant. Je leur explique les échanges téléphoniques que j’ai eus au préalable avec mon avocat et Fanny Stenneler. Ils filment donc mon témoignage ET ce qui était imposé par ces conditions. Nous étions d’accord, ils ont bien fait leur travail et respecté ma demande en tant que témoin. Le journaliste et le cameraman étaient d’ailleurs très respectueux, intègres. Nous avons longuement discuté, ils étaient marqués par la force et l’horreur de mon témoignage. Et ils ont été surpris de voir autant de courage et de ténacité. Des mecs bien. J’étais confiant.
Eux-aussi ont été trompés par la rédaction de France 2 de Paris, puisqu’ils n’ont rien à se reprocher : les images relatives à ce que nous avions imposé comme conditions ont été faites, et transmises à Paris.
Analyse critique du reportage diffusé :
Le sujet commence avec un portrait des personnes récemment arrêtées. Il est intéressant et révélateur de noter que le jargon policier les nomme « prédateurs ». « Ils ont sombré dans l’hyper violence ». Moi, je suis une des victimes. Je témoigne et résume 2h de torture en quelques mots. Comme le dit très bien Fanny Stenneler, « c’est l’exercice qui veut ça ». Sauf que si j’ai choisi de faire cette intervention sur France 2, c’est aussi et surtout pour rétablir une vérité qui a été souillée par les médias qui l’ont relayée lors de cette journée du vendredi 13. Alors que la bonne info avait été sortie par Antoine Krempf sur France Info à l’aube. Force est de constater que les autres titres à gros tirages se sont empressés de rajouter des détails croustillants et d’inventer des sévices délirants.
Après un bref état des lieux sur le profil des victimes, vient l’intervention de mon avocat, et franchement, je me demande encore pourquoi ils l’ont dérangé ! Que dit-il ? « un acte d’une barbarie et d’une violence inouïe, pour un butin dérisoire, dans un contexte absurde, ce qui à mon sens relève d’une dangerosité particulière des individus […] ». Il n’avait pas fini, mais « c’est l’exercice qui veut ça ». Et c’est tout ! Beau morceau choisi !
Si mon avocat prend la peine de répéter ces faits, ce n’est pas pour les marteler à l’opinion publique. En toute franchise, ce n’est pas pour ça que je le paie. Son travail actuel est d’arriver à faire requalifier les faits pour que le chef d’accusation d’ « actes de torture et de barbarie » soit également retenu, pour que Justice soit pleinement faite. Voilà ce qu’on plaide. C’est pas une info ça ? La requalification qui pourra influer sur leur peine, ça ne mérite pas d’être dit ?
Donc il dit « une dangerosité particulière des individus »… Puis vient ma deuxième intervention dans ce reportage : « Il faut les enfermer, en espérant, même s’ils prennent une lourde peine, qu’ils comprennent ce qu’ils ont fait. J’ai aussi envie de savoir à quel point ce sont des animaux, à quel point il reste une lueur d’espoir pour ce type de personne. »
Catastrophe, le mot m’échappe. « Animaux ». On me le reproche déjà aujourd’hui et c’est légitime. Je l’ai regretté aussitôt prononcé ce mot-là. Et forcément, c’est justement ce bout de phrase qui est choisi au montage !
Moi qui suis à visage découvert, qui témoigne pour rétablir une vérité, voilà que je les traite d’animaux devant des millions de Français alors qu’ils habitent à deux pas de chez moi ! C’est complètement irresponsable de la part de Fanny Stenneler. France 2 fait preuve d’un gros manque de clairvoyance et de bon sens. Parce que je suis courageux à prendre des risques à témoigner à si grande échelle.
Le fait de témoigner à visage découvert était un choix, ça fait 4 mois que je ne me cache pas et que je dis tout, donc pourquoi se cacher maintenant ? C’est notamment aujourd’hui qu’il faut rester courageux et tenace.
Mais ce qu’il faut noter surtout, c’est que cette partie de l’interview était destinée à dire (et c’était mes conditions) que je ne me suis pas replié sur moi, que je vais bien, et que je monte une entreprise dans le 19ème. Et que tous les faits sont racontés sur mon blog, http://wwwjackadit.info.
Résultat ? Pas un mot sur le fait que je m’en suis bien remis, que je mords la vie, que j’ai envie de construire… et que j’entreprends ! Pour le petit mot, il est précisé que « la peur et le repli sur soi seraient pour lui une victoire de ses agresseurs ». C’est maigre, non ?
Mes rapports avec Fanny Stenneler après la diffusion :
Après la diffusion, je découvre un message de Fanny Stenneler sur le répondeur de mon téléphone, à 20h34 pour être précis.
Je suis effaré par son hypocrisie, et le ton légèrement condescendant d’une journaliste d’un média si important et regardé. Elle est littéralement à côté de la plaque, et fait fi de toutes les conditions. C’est clairement un gros foutage de gueule : elle s’est servi de moi. Pire, elle affirme même qu’elle a tout fait pour respecter mes volontés. A l’écoute de ce message, je suis stupéfait de la « sentir » quasiment contente de son travail.
Elle m’appelle peu de temps après. 25 minutes de discussion. D’emblée, je lui dis que je suis furieux, qu’elle n’a rien respecté. Nous échangeons des propos véhéments. Elle tente de se justifier, sans succès. Je suis tenace, pugnace et ne lâche rien. Elle en prend sévèrement pour son grade : France 2 ou pas, je m’adresse à la personne, pas au statut. Je lui dis haut et fort que sa déontologie est minable. Elle argumente le quiproquo sur les conditions que j’avais imposées. Je lui explique rigoureusement et point par point toutes ses erreurs.
Je lui affirme que j’ai pris des risques à témoigner, parce que quelqu’un est toujours en cavale, et que j’habite à deux pas de la cité Curial, d’où provient le gang. C’est aussi pour cela que je suis à Nantes, pour me sentir un peu plus en sécurité, et au calme surtout. Témoigner sur le JT de France 2 est avant tout un acte courageux de ma part. Je ne suis pas en quête de popularité par ce biais. Je veux simplement que Justice soit faite, et que vérité soit rendue. Je veux aussi faire mention de ma ténacité vis-à-vis de cette agression affreuse que j’ai subie, et évoquer ce choix tout aussi courageux de créer une entreprise culturelle, et de rester travailler dans la 19ème arrondissement. Je veux dire enfin qu’il est possible, même après tant d’horreur, de l’emporter sur la vengeance, la haine et la xénophobie.
Fanny Stenneler saccage la déontologie de la presse. Au bout des 25 minutes de conversation téléphonique, elle a admis son erreur, et n’en menait pas large.
Tout cela est dit dans les images que vous n’avez pas vu au JT de France 2. C’est pour cela que j’avais imposé ces modestes conditions. Ils n’avaient qu’à garder une phrase au montage au sujet de l’entreprise culturelle par exemple. Ce n’est quand même pas comme si j’avais demandé la lune. Pourtant, j’avais les fesses propres.
NB : le reportage et le message de Fanny Stenneler sur répondeur sont consultables ici : http://www.jackadit.info/article-27...