Accueil > Tibet : des images qui jettent le trouble (videos)

Tibet : des images qui jettent le trouble (videos)

Publie le vendredi 21 mars 2008 par Open-Publishing

Depuis plusieurs jours, les médias étrangers peuvent acquérir moyennant finance, auprès d’ une agence de production directement liée au Conseil d’Etat chinois, un DVD des émeutes du 14 mars dernier à Lhassa.

Coûteuses ( les prix oscillent à la tête du client de 300 à 1000 dollars), ces 11 minutes d’images suscitent plus d’interrogations que de réponses.

D’abord qu’y voit-on ? Des manifestants, jeunes pour la plupart, Tibétains ou y ressemblant très fort, arrachant ou jetant des pierres contre les devantures des magasins, incendiant des voitures ou encore pillant les magasins. Si certains (peu nombreux) s’en prennent aux passants chinois, c’est avec une relative réserve, comme ce jeune armé d’un poignard traditionnel, dont il n’utilise que le plat de l’arme et qui est très vite et très facilement maîtrisé par un autre manifestant.

Parmi les émeutiers, quelques moines qui déambulent en bandes sporadiques. Rares sont ceux qui prennent part aux émeutes dans les rues de Lhassa.

En fond sonore, les lointains bruits de casse sont recouverts par des cris perçants, toujours de même intensité, dont on peine à identifier la provenance.

En attendant, nulle trace des forces de l’ordre. Ce n’est que dans le dernier tiers que celles-ci apparaissent, jouant les sauveurs auprès de victimes, avant que ne surviennent le retour au calme. Sans explication. On suit la caméra infiltrée dans une voiture de police patrouillant dans les rues quasiment désertes de Lhassa. Dernière image, la ville en surplomb d’où s’échappent des colonnes de fumée.

Les questions

Si l’on ne sait toujours pas comment l’ordre a été rétabli, ces images officielles éveillent d’autres questions : pourquoi les autorités ont-elle laissé faire ? Qui étaient les manifestants ?

Dès le 10 mars, date des premières démonstrations pacifiques de moines sur la place du Barkhor, les rares témoins témoins font état d’une présence policière extraordinaire.

« Vers 18h, il y avait de plus en plus de policiers autour du square. C’est là qu’ils ont arrêté 6 moines et que tout le monde a commencé à avoir vraiment peur. Tout semblait très bien préparé. On sentait que la situation était sous contrôle. Il y avait aussi beaucoup d’agent sous couverture. On pouvait les reconnaître. Ils nous posaient plein de questions, pour savoir ce qu’on faisait ici, si on avait pris des photos. Plusieurs Tibétains, très sur leur garde, sont venus nous avertir de ne pas parler avec d’autres Tibétains car ceux-ci risqueraient d’avoir des problèmes », raconte un touriste belge.

Une présence policière manifestement maximale. Et la chronologie des évènements qui témoigne d’un record d’arrestations dans les jours qui suivent ne fait que confirmer cette impression.

Comment ces scènes de pillage ont-elles pu avoir lieu sans intervention immédiate de la police ? Sans compter que la direction du parti n’en est pas à son premier fait d’arme : patron du Tibet lors des dernières grandes émeutes de Lhassa, en mars 1989, Hu Jintao a conduit une répression qui fit, déjà, des dizaines de morts. Et le patron actuel, le secrétaire Zhang Qingli, a une réputation tout aussi sombre, si ce n’est pire. Depuis 2005, il a durci sa politique de répression et s’est "engagé dans une lutte à mort contre la clique du Dalai Lama".

Manifestants ou agitateurs ?

Face à ses zones d’ombre, les supputations vont bon train. Dans les autres régions de Chine touchées par les émeutes, des rumeurs font état de manifestations noyautées par la police chinoise. Orchestration ? Pour ce moine rencontré le 16 mars dernier à Labrang dans la province du Gansu, il n’y a pas de doute. "Les gens qui étaient dans les manifestations étaient directement liés au gouvernement. C’était des agitations orchestrées par la police. Car nous, notre manifestation était pacifique."

Echos similaires au Népal. "Des Tibétains nous ont raconté que certains manifestants avait été payés par la police pour casser", explique Kate Saunders d’International Campaign for Tibet.

Sauf que cet embrasement n’est pas parti de rien.

L’exaspération des Tibétains a atteint un tel degré que les émeutes sont aisément compréhensibles. Les autorités avaient-elles besoin de ces démonstrations de violence pour sévir et se débarrasser des éléments troubles ?

"Jusqu’à présent elle ne se sont pas gênées", poursuit Kate Saunders. "Avérées ou non, ces rumeurs d’orchestration montrent bien à quel point les autorités chinoises réussissent à entretenir la paranoïa et à empoisonner l’atmosphère".

Zones d’ombre

Les images reprises par ce DVD, largement diffusées sur les chaînes chinoises ( qui d’habitude ignorent toute manifestation mettant en cause le parti ou ses intérêts), n’apportent évidemment aucune réponse à toutes ces questions.

Si ces images sont là pour montrer la violence des Tibétains vis-à-vis des Chinois, les associations tibétaines ont bien du mal à prouver de leur côté la répression chinoise qui aurait fait 100 morts selon elles.

Victoire du blackout chinois ou conclusions hâtives du côté tibétain, il est encore trop tôt pour le dire.

Pour voir la vidéo, cliquez ici...http://www.aujourdhuilachine.com/ac...

Voir également : http://www.aujourdhuilachine.com/ac...