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Troubles

Publie le vendredi 8 décembre 2006 par Open-Publishing
6 commentaires

Je me suis prononcé en faveur de la candidature de Marie-George Buffet, c’est-à-dire, pour enfoncer bien le clou, en faveur de la représentante d’une organisation politique qui même malmenée dispose d’une bibliothèque dont les rayons ne sont pas dépourvus de livres.

Je suis à peine étonné qu’on dresse contre elle, et comme à titre personnel, une exclusive ou que l’on redoute, ici ou là, que le Parti communiste français impose une hégémonie. Outre le fait que l’hégémonie, sa recherche, est la moindre des choses en matière politique, je considère que le Parti communiste est fort d’une diversité qu’on lui conteste. La preuve peut en être apportée par l’absurde. Il suffit de constater la différence de positions empruntées par ses membres, certains d’entre eux dirigeants ou élus. Je crains, à l’occasion, que ces différences ne changent de genre en se transformant en différends, sinon
en déchirements, voire en divorce. À en entendre certains, le torchon brûle. Je m’empresse d’ajouter que les intentions de ceux qui professent l’un ou sont
les sujets de l’autre restent toujours respectables. La plupart sont mes amis et je ne les suspecte pas de vouloir la mort du petit cheval.
En poussant plus loin mon propos, je précise que ces différences d’appréciation politique se doublent d’une caractéristique du Parti communiste français, sa variété sociale, même si son inscription dans ce domaine s’est amenuisée. Alors quand on avance, en toute bonne foi, bien entendu, un présupposé qui consiste à solliciter le forfait d’une candidate soutenue par 94 % des électeurs de sa formation au nom du salut général, je demeure perplexe. Tous ses concurrents vaudraient mieux qu’elle. Certains de ses détracteurs lui prêtent une ambition exorbitante, sous le prétexte qu’elle préside une organisation trop voyante, mais dont personne ne peut se dispenser.

Je parle à titre personnel, mais les communistes, tant les adhérents que leurs électeurs devraient-ils devenir des supplétifs, obéir sans rechigner, se muer
en moujiks décervelés puisqu’une raison prétendument supérieure le leur commande.

Je considère que si le mouvement antilibéral rencontre en partie une crise, ce n’est pas parce que le Parti communiste français ferait obstacle à son succès en voulant tirer la couverture à lui, mais plus simplement parce qu’à force de s’occuper, voire de se préoccuper, de combinatoires politiques aux allures atomisées, on n’a toujours pas défini les forces sociales soutenant un projet dont elles bénéficieraient et qu’elles impulseraient, en se l’appropriant. Que l’on n’a pas su les cimenter... Et ce n’est pas en additionnant des revendications, des mécontentements ou des prétentions que l’on résout le problème. Un sujet historique ne s’improvise pas à l’heure d’un scrutin.

Les difficultés éprouvées par le mouvement antilibéral proviennent surtout de là et c’est pourquoi, à l’heure actuelle, en l’occurrence donc, je pense que le Parti communiste français, quels que soient mes désirs ou quel que soit son état, demeure l’instrument répondant le mieux à la situation, sinon on ne comprendrait pas pourquoi une force qui lui serait indépendante et visant les mêmes buts n’aurait pas émergé à ses côtés ou l’aurait supplanté.

Pourtant, je crois que les communistes qui ont récusé Marie-George Buffet, ce repoussoir devenu commode, aspirent à une issue heureuse. Ils souhaitent,
dans la plupart des cas, renforcer leur parti, une vocation unitaire, en s’employant à une stratégie de contournement et de fait ils se noient dans
un ensemble illisible.

L’élection présidentielle est une escroquerie démocratique, mais en la circonstance incontournable, encore qu’il me soit arrivé de prôner l’inverse. En faire une question de personne n’est pas détestable, mais plus exactement médiocre et ce n’est pas la palinodie à laquelle s’est livré le Parti socialiste qui me convainc du contraire. En faire une question d’organisation ne relève pas de la médiocrité, mais de l’obscénité. De qui se moque-t-on ? Cela me flanque une sale impression : on veut bien inviter les communistes à la table, mais à condition qu’ils règlent la note, sans sourciller, qu’ils fournissent les marmitons et servent de valetaille.

Mais, je le répète, nous n’en serions pas là, à protester d’une loyauté incrédule, si, au-delà des comités et des collectifs, nous avions su et réussi à organiser
nos partisans dans les couches populaires. La dynamique que nous espérons ne dépendrait pas d’une concertation seulement politique et ponctuelle. Elle se serait concrétisée dans une exigence sociale et culturelle.

De plus l’union, les coalitions ne devraient pas exclure l’unité des communistes. Nous voici en porte-à-faux. Certes, nous ne sommes plus en 1904, bien que
la question « Que faire ? » reste posée dans des termes assez inédits, il est vrai. Mais passer du « centralisme démocratique », du romantisme bureaucratique, au sauve-qui-peut et après moi le déluge ne constitue pas un véritable progrès.

La démocratie n’est pas un exercice virtuel et je tais mes désaccords après qu’une majorité se décide. Je crains, étant donné les tensions de maintenant,
que les énergies ne se diluent demain, qu’un chantage avorté n’aboutisse à des désertions.

Je crains que les chamailleries ne dégénèrent en fractures. Je crains qu’une volonté d’escamotage ne conduise à l’aveuglement.

Je crains que les sujets en perpétuel émoi estiment être les seuls à avoir raison et plus encore à avoir des raisons d’agir comme ils le font.

En attendant, et au risque de rabâcher, Marie-George Buffet, candidate proposée par le Parti communiste français, me paraît la plus qualifiée pour conduire un combat réparateur.

La modestie, faut-il le rappeler, est une vertu, y compris pour les vaniteux qui la revendiquent. J’ai donc apprécié qu’une femme, d’origine populaire, déclare d’emblée qu’elle se désisterait et qu’elle assisterait ses concurrents s’ils la devançaient. Elle n’a pas demandé, comme on le lui demande, le sacrifice de quiconque ni l’assujettissement des comités et des collectifs à une ambition.

Quant aux autres questions, laissons-les en suspens...

Et je suis comme tout le monde et en particulier le coach des Mets, cette célèbre équipe de football américain : « Gagner n’est pas le plus important, mais c’est la seule chose qui compte. »

Par Denis Fernàndez-Recatalà, écrivain.

Messages

  • la valetaille et les marmitons vont apprécier, camarade !!

    • vive mgbuffet toute seule devant et personne derriere, vive le pcf tout seul devant et personne derriere ....

      ouvrez les yeux camarades, voilà votre rassemblement citoyen demain LUNDI avec la candidature MGbuffet...

      seguy et ferrat pense comme moi ...

    • Oui, Seguy et Ferrat pensent.

      de Jean Ferrat :

      Ma Fance

      De plaines en forêts de vallons en collines
      Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
      De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
      Je n’en finirai pas d’écrire ta chanson
      Ma France

      Au grand soleil d’été qui courbe la Provence
      Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche
      Quelque chose dans l’air a cette transparence
      Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
      Ma France

      Cet air de liberté au-delà des frontières
      Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
      Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige
      Elle répond toujours du nom de Robespierre
      Ma France

      Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
      Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
      Celle qui construisit de ses mains vos usines
      Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille
      Ma France

      Picasso tient le monde au bout de sa palette
      Des lèvres d’Éluard s’envolent des colombes
      Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes
      De dire qu’il est temps que le malheur succombe
      Ma France

      Leurs voix se multiplient à n’en plus faire qu’une
      Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
      En remplissant l’histoire et ses fosses communes
      Que je chante à jamais celle des travailleurs
      Ma France

      Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
      Pour la lutte obstiné de ce temps quotidien
      Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche
      A l’affiche qu’on colle au mur du lendemain
      Ma France

      Qu’elle monte des mines descende des collines
      Celle qui chante en moi la belle la rebelle
      Elle tient l’avenir, serré dans ses mains fines
      Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
      Ma France

    • Oui Jean Ferrat, pense et a pensé avant beaucoup de ceux qui furent au PCF ou le sont encore.
      Ecoutez-le aujourd’hui (avec Séguy et Sève) puisqu’il a eu raison hier avant nous, avant vous.

      "Ah, ils nous en ont fait avaler des couleuvres,

      De Prague à Budapest, de Sofia à Moscou,

      Les staliniens zélés qui mettaient tout en oeuvre

      Pour vous faire signer les aveux les plus fous.

      (...) Ah, comme on y a cru aux déviationnistes,

      Aux savants décadents, aux écrivains espions,

      Aux sionistes bourgeois, aux renégats titistes,

      Aux calomniateurs de la Révolution,

      Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre

      Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui.

      (...) Ah, ils nous en ont fait approuver des massacres

      Que certains continuent d’appeler des erreurs,

      Une erreur c’est facile comme un et deux font quatre.

      Pour barrer d’un seul trait des années de terreur

      Ce socialisme était une caricature.

      Si les temps ont changé des ombres sont restées.

      J’en garde au fond du coeur la sombre meurtrissure,

      Dans ma bouche à jamais la soif de vérité.

      Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre,

      Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui.

      (...) Mais quand j’entends parler de « bilan » positif

      Je ne peux m’empêcher de penser à quel prix.

      Et ces millions de morts qui forment le passif,

      C’est à eux qu’il faudrait demander leur avis.

      N’exigez pas de moi une âme de comptable

      Pour chanter au présent ce siècle tragédie,

      Les acquis proposés comme dessous de table,

      Les cadavres passés en pertes et profits.

      Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre,

      Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui.

      (...) C’est un autre avenir qu’il faut qu’on réinvente,

      Sans idole ou modèle, pas à pas, humblement,

      Sans vérité tracée, sans lendemains qui chantent,

      Un bonheur inventé définitivement.

      Un avenir naissant d’un peu moins de souffrance

      Avec nos yeux ouverts en grand sur le réel

      Un avenir conduit par notre vigilance

      Envers tous les pouvoirs de la terre et du ciel.

      Au nom de l’idéal qui nous faisait combattre,

      Et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui."

  • Denis, merci.
    Tu as su écrire exactement ce que je pense et de la responsabilité de la direction actuelle du PCF dans le bordel actuel : ’si, au-delà des comités et des collectifs, nous avions su et réussi à organiser nos partisans dans les couches populaires’.
    En même temps tu as su trouver les mot pour expliquer pourquoi Marie-George Buffet est la seule candidature crédible auprès des couche populaires parmis celles proposées.

    J’ai aussi bien aimé le terme "combat réparateur."

    Jips

    • Une fois de plus je partage la position de Denis...

      Oui la direction du PCF porte une lourde responsabilité dans le bordel ambiant, je ne le dis pas d’aujourd’hui... Quand on fait un congrès du PCF sur la candidature communiste aux présidentielles et que dès le lendemain, sans même s’en être ouvert aux militants rassemblés en congrès, on lance dans l’huma une pétition (de quelques intellectuels inconnus) pour candidature de rassemblement, on aboutit au désordre ambiant : pour les communistes la canidature de rassemblement est M.G.Buffet. Pour les autres c’est tout le contraire. Je dirai même que la seule chose qui les fédère est "tout sauf M.G.Buffet". En fait si on fouille bien ils n’ont plus comme argument que l’exaltation de la marginalité groupusculaire et leur refus des forces organisées... Avec l’idée lumineuse que les Français en auraient assez des organisations, des partis, ce qui est la thèse bien connue de toutes les extrêmes-droites... Et en prime la palme à la médiatisation, prenons comme candidat celui ou celle qui passe le mieux à la télé.

      Et on ressort dans la même logique l’anticommunisme primaire supposé des Français, ils ne voteront jamais pour une communiste encarté, secrétaire de son parti... Donc il y a un triptique :
      l’anti-partisme, l’anti-communisme et le tropisme médiatique... Tout cela on le voit fleure bon le printemps révolutionnaire ou simplement progressiste.

      L’anticommunisme alors même qu’on attend des communistes qu’ils fournissent les militants, et même le financement de la campagne, c’est fort de café. Bien que les communistes aient l’habitude de promouvoir des candidats qui ne leur apportent pas une voix et refusent de surcroît non seulement de se plier à une discipline de groupe, en particulier sur le plan financier et rejoignent de fait le PS. je pense à la liste "Bouge l’Europe", la promotion de Philippe Herzog et "la féministe" Freisse (?)... Honnêtement j’ai l’impression qu’il se prépare un certain nombre d’individus du même tonneau pour les élections locale...

      En ce qui concerne les partis, le refus des forces organisées, on assiste aux mêmes incohérences politiques. Dites vous bien en effet qu’il n’y a de candidats aux présidentielles crédibles que ceux qui ont l’appui de forces organisées... Il ne s’agit pas d’un référendum où s’additionnent les choses les plus contradictoires, mais du choix de celui qui de fait va devenir l’autocrate de la République française (c’est ça la Constitution et son piège). Le vote en faveur du quinquenat a encore renforcé la tendance... Et toutes les élections qui suivront en particulier les législatives et les municipales partiront de là... C’est une escroquerie comme le dit Denis, mais le fait est...

      Quant à la médiatisation, le plus connu n’est pas celui que les Français souhaiteraient comme élu... Il y a désormais un art d’utiliser le discrédit médiatique : l’enjeu est justement d’avoir dans le camp opposé le ou la candidate la moins crédible aux yeux des Français... Ainsi la droite, sa presse, sa radio, sa télévision, son MEDEF, a tout fait pour gonfler la candidature de Segolen, la médiatisation ça sert à cela... On flatte le plus nul, celui qui tiendra le moins bien la route, celui ou celle qui est seul...

      Il y a des moments où on peut se demander également si pour certains "anti-libéraux" la vision du meilleur candidat anti-libéral n’est pas un succédanné de Coluche, le candidat le mieux médiatisé, le plus indépendant des partis... Et dire que c’est ça qu’on conçoit comme une nouvelle manière de faire de la politique...

      En fait si vous suivez bien ma démonstration je crois que la seule chance de voir surgir une force anti-capitaliste, anti-impérialiste est d’accepter la candidature de rassemblement qu’est M.G.Buffet. J’irai même plus loin, il est temps de construire un grand parti révolutionnaire au lieu de se raconter qu’un rassemblement de non encartés est la solution... Alors que cette solution est non seulement inefficace mais antidémocratique. Il faut tirer le bilan des échecs, ceux du socialisme européen, ceux d’organisations comme ATTAC mortes d’absences de liens avec les couches populaires, et sans doute le brouillon échec de cette candidature anti-libérale.

      Tout n’est pas désastreux, des choses ont germé, il faut construire, cela passe par le choix du candidate crédible aux présidentielles et je n’en vois pas d’autre que M.G.Buffet même si elle doit faire 2 ou 3%... C’est plus sûr qu’un Coluche à 12%... Pour l’avenir que nous devons construire ensemble...

      Amicalement en prime je vous dis : Si vous me construisez le vrai parti dont nous avons besoin, je vous promets que j’adhère...

      Danielle Bleitrach

      (1) Excluons quelques partisans de Robert Hue qui veulent lui faire la peau... Et tiennent à sa candidature comme la corde tient le pendu...