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Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air
Publie le mardi 8 février 2011 par Open-Publishing8 commentaires
J’aime quand les choses se déroulent ainsi, et que tout devient plus clair.
Au début il y eut la révolte des Tunisiens. Un silence gêné suivit les premières manifestations et les premiers morts, et puis il eut la fameuse “bourde” de madame Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères, qui proposa l’aide sécuritaire de la France au régime de Ben Ali. On arrêta in extremis des cargaisons de grenades lacrymogènes à destination de la Tunisie, et on avoua la faute à demi-mot : le gouvernement n’avait pas pris la mesure de la situation des Tunisiens. Il s’avérait qu’en effet (après vérification ?) le régime de Ben Ali était bel et bien une dictature, dont les membres ont volé et affamé leur peuple depuis plus de vingt ans…
Et bien aujourd’hui, ceux qui se demandaient comment un tel aveuglement était possible ont leur réponse : vue à travers les hublots d’un jet, on voit beaucoup moins bien.
Plus sérieusement, la polémique enfle depuis quelques jours à propos des voyages de la ministre, effectués à bord d’un jet privé appartenant à un homme qui, s’il n’était pas proche de monsieur Ben Ali, ne devait pas se trouver non plus bien proche des préoccupations populaires des Tunisiens. Malgré les ratés de la communication gouvernementale à ce sujet et les nombreux appels à la démission de la ministre, cette dernière reçut pourtant le soutien du président et du premier ministre, et jura qu’on ne l’y prendrait plus.
De nombreux analystes jugèrent que la faute méritait tout de même démission, et qu’en d’autres Etats elle serait déjà effective. Mais qu’à cela ne tienne : le pays des droits de l’homme n’a pas de leçons à recevoir de quiconque, et madame Alliot-Marie restera en place, en dépit de l’incompréhension générale.
Or aujourd’hui nous apprenons les véritables raisons du maintien de la ministre à son poste, et surtout celles du soutien que lui a apporté le gouvernement : monsieur Fillon, le premier ministre, a lui-même bénéficié durant les vacances de noël des largesses du gouvernement égyptien, en passant ses vacances aux frais du régime si contesté aujourd’hui, celui-là même qui tente encore d’étouffer la contestation populaire par tous les moyens possibles.
Imaginez-donc la situation ! Que se passerait-il si madame Alliot-Marie avait du démissioner ? Monsieur Fillon devrait-il en faire de même ? Cela deviendrait bien vite une affaire d’Etat !
Car avec ce nouvel élément mis en lumière, c’est tout le tableau qui s’éclaire, et on comprend mieux la frilosité du gouvernement Français à réclamer le départ du “président” Egyptien… ainsi que son volontaire soutien apporté à la ministre française. Des vacances tous frais payés à un premier ministre par le dirigeant d’un pays qui, ces dernières semaines, a démontré à la face du monde toute sa monstruosité, cela fait mauvais genre pour notre belle démocratie. D’autant que, dans le cas de madame Alliot-Marie comme dans celui du premier ministre, cela signifie que leurs petits écarts ont en réalité été financés par… l’argent volé respectivement aux peuples Tunisien et Egyptien !
Nous avons ici réunis tous les éléments expliquant la réaction française face aux évènements historiques qui se déroulent en Tunisie et en Egypte, éléments et réaction qui devraient nous faire réfléchir à l’état de notre propre démocratie. Se trouve aujourd’hui établie une connivence certaine doublée d’une hypocrisie totale, car tous savons que le gouvernement ne pouvait ignorer la corruption de ces deux régimes (rien que le fait d’être élu plus de vingt ans de suite aurait du leur sembler louche…. ), et qu’il continuait malgré cela à profiter des largesses de ces deux régimes autoritaires.
Pour conclure sur la conduite à tenir maintenant, je voudrais reprendre les paroles du premier ministre lui-même qui hier, dans un beau discours (du 7 février 2011 http://www.premier-ministre.gouv.fr... ) à l’adresse de la justice (oui, de la justice, quelle ironie !), parlait de fautes et de responsabilité : je le lui retourne donc à son adresse, en n’y apportant que quelques corrections minimes, effectuées entre [ ]
“Les magistrats [ministres] jugent [agissent] au nom du peuple français. L’autorité judiciaire [le gouvernement] tire sa légitimité de ce principe.
Et bien, c’est au nom de ce principe que tous les acteurs de la chaîne pénale [gouvernementale] doivent la transparence à la société toute entière ! C’est au nom de ce principe que l’exécutif se doit de respecter et de garantir le fonctionnement de la Justice ! C’est aussi et enfin au nom de ce principe que nous devons collectivement refuser l’idée de la fatalité !
La fatalité ne peut être une excuse collective. Nous tous, nous devons rendre des comptes aux Français.
Quand un drame horrible survient [comme la répression vilolente de l’expression démocratique], rien n’est pire qu’un système qui se referme sur ses certitudes.
Si des fautes sont relevées par ces inspections, dont nous connaîtrons bientôt les conclusions, elles seront sanctionnées. C’est légitime.
Chacun doit assumer la responsabilité des conséquences des décisions qu’il prend.
Ce devoir de responsabilité est la contrepartie des hautes missions dévolues aux magistrats [ministres], aux personnels de l’administration pénitentiaire, aux personnels de la police et de la gendarmerie [à l’administration française]. Dois-je préciser que leur statut prévoit des procédures et des garanties s’ils sont mis en cause dans l’exercice de leurs fonctions. La Constitution elle-même prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature puisse être saisi par les citoyens qui reprochent une faute aux magistrats [en fait pour les minsitres il me semble que seule une cour spéciale puisse le faire].
Si les inspections en cours révélaient des dysfonctionnements collectifs ou des insuffisances dans l’organisation de la chaîne pénale [gouvernementale], nous avons le devoir de prendre des mesures de correction, pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise.”
Maintenant, il faut le prendre au mot.
Caleb Irri
Messages
1. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 8 février 2011, 23:53
occupons la place de la république
1. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 9 février 2011, 00:45
et aussi la place Concorde.
2. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 9 février 2011, 12:57
Et aussi et surtout l’Elysée
2. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 9 février 2011, 01:25, par mamirouge
Fillion passe ses vacances aux frais du dictateur égyptien à l’heure où tant de françaises et français n’ont pas les moyens de s’offrir de vacances et de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois
ne serait-il pas temps que les français aussi leur disent (à Sarko, Fillon MAM et cie) "dégagez" ?
et bravo au peuple tunisien et au peuple égyptien pour leur courage et leur détermination, nous n’avons décidément pas de leçons à leur donner
3. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 9 février 2011, 01:39, par HORCHANI Salah
Allons au-delà de la devise « Ne pas tout dire, ce n’est pas mentir ! » !
On a l’impression, à travers les multiples déclarations de Madame Michèle Alliot-Marie, dans son offensive médiatique tous azimuts, pour sa fébrile défense concernant les variables cachées de son escapade tunisienne, que Madame Alliot-Marie a perdu le sens des réalités et, par suite, qu’elle ne sait plus ou bien qu’elle ne maîtrise plus ce qu’elle dit ; ainsi, par exemple, « elle a eu une parole qui lui a échappé », a noté Valérie Pécresse. MAM a oublié que la Politique ( et surtout la Diplomatie) n’a rien à faire des états d’âme [ en vrac : je suis meurtrie ; quand je suis en vacances, je ne suis plus Ministre des Affaires Étrangères, je suis Michèle Alliot-Marie ; je vais en vacances en Tunisie comme beaucoup de Français ; la prochaine fois, je ne quitterai pas la Dordogne ; j’essaie de vivre le plus normalement possible ; il n’est pas question que je remonte dans un avion privé quelles que soient les circonstances tant que je serai Ministre ; je ne recommencerai pas puisque cela choque ;…]. En un mot, dans sa plaidoirie, elle s’est conduite comme une petite fille prise, en flagrant délit, le doigt dans le pot de confiture.
Dans ce contexte, il est bon de rappeler que « ce n’est pas le Droit, mais la décence, qui devrait commander que soit maintenue une ligne de démarcation entre l’exercice de hautes responsabilités d’Etat et des relations privées dans la sphère sensible des affaires internationales ».
Au-delà de l’escapade tunisienne de MAM, le vrai événement que retiendra l’Histoire est la connivence, du moins la complaisance, de la France, pays des Droits de l’Homme, avec un régime dictatorial et ses suppôts, régime qu’elle a soutenu jusqu’à l’agonie. Cette connivence, ou complaisance, a conduit son Diplomate au plus haut niveau à commettre un impair historique en proposant, officiellement, alors que la Tunisie était à feu et à sang, devant les représentants du Peuple français, que la France prête main forte au dit régime dictatorial, et ce en mettant à la disposition des « autorités tunisiennes le "savoir-faire" de la France en matière de maintien de l’ordre » afin de réprimer le soulèvement populaire qui fut le fer de lance de la "Révolution de Jasmin".
Et Lorsque le Dictateur a pris la fuite, le 14 janvier 2011, le Gouvernement français s’est contenté, timidement, de « prendre acte de la transition constitutionnelle » tout en souhaitant « une solution démocratique et durable à la crise » ; alors qu’à Washington, le Président Barack Obama a salué, immédiatement et chaleureusement, dans une déclaration officielle, « le courage et la dignité des Tunisiens », déclaration qui nous a rassuré, compte tenu de l’angoisse et de l’incertitude de l’instant, et a réchauffé nos cœurs : deux Diplomaties, deux styles !
Pour le moment, les divers errements au Quai d’Orsay se sont soldés, simplement, par le rappel de l’Ambassadeur de France à Tunis. Dans ce cadre, l’Histoire retiendra que, le 14 janvier 2011, à quelques heures de la fuite en Arabie Saoudite de l’ex-chef de l’Etat Tunisien, un télégramme de l’Ambassadeur de France annonçait : « Le président tunisien a repris le contrôle de la situation »(sic).
Pour être complet, il convient de mentionner que ladite connivence (ou complaisance) n’est pas, en réalité, l’apanage de la majorité, mais est partagée par certains ténors de l’opposition. Ainsi Dominique Strauss-Kahn [qui est d’origine tunisienne, via la lignée Fellous (mot arabe signifiant : poussin)], candidat potentiel à la Primaire Socialiste Présidentielle pour 2012 et Président du FMI, a déclaré, le 18/1/2008 : « La Tunisie est un bon exemple à suivre pour beaucoup de pays qui sont émergents »(sic).
HORCHANI Salah
Professeur à la Faculté des Sciences de Tunis
4. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 9 février 2011, 07:56, par bibi
La répartition a été bien faite , MAM en Tunisie ...Fillon en Egypte ...Sarko au Maroc ...Algérie ?...Yemen ? ...Jordanie ?
1. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 9 février 2011, 08:58
besson israel mais pourle boulot
2. Tunisie, Egypte : la diplomatie française expliquée en l’air, 9 février 2011, 13:09
Notez bien M.Horchani que des services secrets aussi sophistiqués qu’ils le sont en France ignorait tout des pratiques de la dictature tunisienne, alors que le chômeur que je suis, isolé dans le Sud-Ouest dans la France, en savait assez, par les témoignages de M.Ben Brik, pour saluer la révolte populaire. Ces bouffoneries gouvernementales, pour autant qu’elles sont grostesques et odieuses, savent pouvoir compter sur l’indifférence d’une partie de la population française, sur l’ignorance d’une autre partie et plus encore sur la compromission friquée de l’essentiel de son électorat. C’est pourquoi, en effet, ils s’autorisent à tout, et c’est en quoi ils se font aucun devoir d’avoir plus des mensonges précis. Dans les années 60/70, la propagande d’Etat, des médias et des gouvernements, avait une certaine précision, qui lui été indispensable parce qu’il y avait encore une opposition, toujours susceptible, de la désarçonner. Ces imprécisions, ces errements, ces mensonges grotesques et cette surenchère bouffonne ne devraient pas nous faire rire. Elles alimentent tout au plus "Les guignols de l’info" mais elles témoignent surtout de ce qu’ils n’ont littéralement plus rien à craindre en terme d’opposition (ce que d’ailleurs vous dites à propos de la position de DSK).
M.Horchani c’est par Michèle Alliot Marie que huit jeunes gens inculpés à Tarnac ont pu être arrêtés spectaculairement, incarcérés, poursuivis en justice, brisés et instrumentalisés, alors qu’ils sont de toute évidence innocent de terrorisme mais aussi du moindre délit. Le gouvernement, comme il l’a prouvé par la suite avec Loppsi2, met en place une dictature, il adresse des avertissements à ses opposants, il contraint chacun à rentrer dans l’ordre de la tyrannie marchande et spectaculaire. Rien ne doit plus exister en dehors de la marchandise et du spectacle. Pourquoi dis-je le spectacle ? Parce que de toutes évidences ils désignent avec assez d’autorité que le spectacle est le nouveau siège du droit. Les médias acquis à leurs causes ils ne leur restent plus qu’à liquider après les opposants, les professionnels de la justice (affaire Laetitia).
Pour en revenir à la Tunisie, je disais sur un forum que je sens quelquefois le devoir de me joindre à votre révolte, comme l’ont fait auparavant les Brigades Internationales en Espagne ou l’auteur Ambrose Bierce qui s’est engagé au côté des mexicains à l’âge de 71 ans. Si besoin est, si nécessité fait jour, si la révolte nécessite de tels soutiens étrangers et si nous en avons le courage et les moyens, je serai éventuellement disposé à lancer un appel pour qu’à quelques uns nous nous joignions à vous. Ceci est bien entendu conditionnel et loin d’être réalisé. Toutefois j’ai trouvé des commentateurs, sur un forum français, pour ironiser, avec assez d’arrogance et de mépris, sur ma contribution, sur cet élan qui commence à poindre et qui je le sais est partagé par d’autres (une amie se rend prochainement en Algérie).
Bien à vous (apisdrita@gmail.com)
Rodion