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UNE SORTE DE LIBERTE VIDE

Publie le mercredi 10 mars 2004 par Open-Publishing

Saddam n’était aucunement un défenseur de la liberté des femmes, pourtant
elles doivent faire face à la recrudescence de la misère et de la violence
depuis qu’il est tombé.

Les femmes en Irak ont supporté d’indicibles atteintes et difficultés durant
les trois dernières décennies du régime baath. Même si quelques droits
fondamentaux, tels que le droit à l’éducation, le droit au travail, le droit
de divorcer devant les tribunaux civiles, et le droit de garde des enfants,
ont été accordés aux femmes dans le Code sur le statut des personnes, la
plupart de ces droits légaux ont été couramment violés.

La "campagne pour la fidélité" du régime baath, opération de terreur contre
les femmes, qui comprenait notamment la décapitation sommaire de la plupart
de celles qui étaient accusées de prostitution., est juste un exemple de la
brutalité exercée contre les femmes.

Cependant, nous sommes déjà presque une année après la guerre, qui était
censée apporter la "libération" aux irakiens. Plutôt qu’une amélioration des
conditions de vie des femmes en Irak, ce que nous avons c’est l’extension et
l’escalade de la violence contre les femmes.

Dès le début de l’occupation, les viols, les enlèvements, les meurtres pour
l’honneur, et les violences conjugales sont devenus des faits quotidiens.
L’organisation pour la liberté des femmes en Irak (O.L.F.I.) a
officieusement examiné la situation à Bagdad, et on le sait maintenant, plus
de 400 femmes ont été violées dans cette ville entre le mois d’avril et
d’août 2003.

Le manque de sécurité et l’absence d’un maintien de l’ordre approprié ont
mené au chaos et à l’augmentation du taux de crime contre les femmes. Les
femmes ne peuvent plus sortir seules pour aller travailler, pour aller à à
l’école ou à l’université. Un parent masculin armé doit escorter une femme
si elle veut sortir de chez elle.

Les filles et les femmes sont devenues un produit bon marché qui s’échange
dans le régime post-Saddam.
O.L.F.I. a pu constaté des cas où des filles vierges ont été vendus à des
pays voisins pour 200 $, et 100 $ pour des non-vierges.

L’idée selon laquelle la femme représente "l’honneur" de la famille devient
centrale dans la culture irakienne.
Et la protection de cet honneur a coûté la vie à beaucoup de femmes ces
derniers mois. Le viol est considéré comme une atteinte si honteuse à
l’honneur de la famille, que la mort, - par suicide ou par meurtre - devient
nécessaire pour s’en expurger.

Comme les hommes irakiens, beaucoup de femmes ont perdu leur travail.
Cloisonnées à la maison et privées de leur indépendance, les femmes sont
confrontées à une nouvelle forme de misère. Les groupes islamistes ont
imposé le voile, et ont publié des fatwas contre les prostituées.
Actuellement, des mariages de "divertissement" sont contractés. C’est la
version islamiste pour la prostitution, moyen par lequel les hommes riches
épousent temporairement des femmes (souvent pour quelques heures) en échange
d’argent.

Le Conseil de Gouvernement Irakien, pure création américaine, n’offre aucun
espoir pour les femmes irakiennes. Il est constitué autant qu’il se peut, de
chefs religieux et tribaux, de nationalistes qui ne font que rarement
référence aux droits des femmes sous quelque forme que ce soit. En fait, la
plupart des membres du CGI ont par le passé violé les droits des femmes.

Par exemple, les partis nationalistes kurdes qui se sont installés dans le
Nord de l’Irak depuis plus de 13 ans, ont couramment violé les droits des
femmes et tentés de supprimer les organisations de femmes progressistes. En
juillet 2000, ils ont attaqué un refuge pour femmes et les bureaux d’un e
organisation indépendante pour femmes. Toutes les deux, s’évertuaient à
sauver les vies de femmes kurdes qui tentaient d’échapper aux "massacres
pour l’honneur" et autres violences conjugales. Plus de 8000 femmes sont
mortes de crimes d’honneur depuis que les nationalistes sont au pouvoir.

Une des premières mesures du CGI a d’abord été symbolique. La journée
internationale des femmes en Irak a été déplacée du 8 mars au 18 août, jour
de naissance de Fatima Zahra, fille du prophète Mohammed. Ceci n’a rien à
voir avec le droit des femmes, et tout à voir avec la subordination des
femmes aux règles religieuses. Quand le CGI a proposé de remplacer la loi
laïque par la Shari’a, il y a eu d’importantes manifestations, mais qui
n’ont reçu presque aucune couverture médiatique. Ce n’est pas une surprise.
Quand l’Union des chômeurs a manifesté pour réclamer du travail, les soldats
américains ont arrêté certains de ses organisateurs. Ceci aussi, est passé
inaperçu.

Ce qui est actuellement nécessaire, c’est l’établissement d’une Constitution
laïque basée sur une totale égalité entre hommes et femmes, c’est également
la séparation complète de l’église et de l’état, de l’église et de
l’éducation. Lors d’une récente manifestation à Bagdad, Yanar Mohammed,
présidente de l’O.L.F.I., a reçu deux menaces de mort de la part de milices
islamistes. Ils ont menacé de l’assassiner et de " faire sauter" les
activistes qui travaillent avec elle.

Amnesty International a pris ces menaces tellement au sérieux, qu’ils ont
écrit à Paul Bremer, l’administrateur des Etats-Unis d’Amérique en Irak,
faisant état de leur inquiétude grandissante s’agissant de la sécurité de
Yanar Mohammed. Amnesty a invité l’Autorité Provisoire de Coalition à
s’assurer qu’entre les bombes et les atrocités, la détérioration des droits
des femmes ne devienne pas une préoccupation secondaire.

Les groupes représentés au sein du CGI ne sont pas légitimes pour répondre
aux demandes et au désir de liberté des irakiens. Le soutien des Etats-Unis
aux mouvements islamistes présents au Conseil de Gouvernement démontre
l’hypocrisie américaine. Les représentants du Conseil n’ont aucune
légitimité, et n’ont pas été choisi par les irakiens.

L’absence de droits élémentaires pour les femmes en Irak et la montée de
l’islam politique sont le résultat de trois guerres et d’une continuelle
occupation. La seule façon de sortir de ce chaos ne peut passer que par
l’exercice du direct du pouvoir par la véritable population irakienne,
c’est-à-dire la population laïque et progressiste.

The Guardian