Accueil > Un entracte pour les intermittents

Un entracte pour les intermittents

Publie le vendredi 11 juin 2004 par Open-Publishing
1 commentaire

LE MONDE

Les promesses du ministre de la culture pour apaiser le conflit des
intermittents du spectacle n’y feront pas grand-chose. Même si un fonds
d’urgence de 80 millions d’euros est versé, une réforme en profondeur de ce
système est inévitable. De par l’ampleur de son déficit (850 millions
d’euros en 2003). Mais surtout parce que ce régime, qui permet à 104 700
artistes et techniciens du spectacle vivant de percevoir des allocations de
l’Unedic, crée sa propre précarité.

Le nombre d’intermittents a été multiplié par 2,5 entre 1992 et 2002, mais,
selon le rapport Latarjet, l’économie du spectacle vivant n’a pas augmenté
en conséquence. En 2000, les 4 300 danseurs travaillaient en moyenne 59
jours par an, contre 95 en 1987. Chaque année un nombre croissant de
bénéficiaires se partage une part d’un gâteau qui n’augmente pas. Pis, la
précarité de chaque emploi s’aggrave avec le développement de l’activité
culturelle... Comment sortir de ce casse-tête ? Faut-il casser le périmètre
du système des intermittents comme le suggère le ministre de la culture ? Le
conflit risque de se tendre une nouvelle fois, le 15 juin, si Jacques
Charpillon, chef de service de l’inspection générale du ministère de la
culture, rend publiques ses propositions visant à resserrer la liste des
métiers.

Année après année, employeurs et syndicats ont eu intérêt à y ajouter de
nouvelles professions susceptibles d’embaucher des in- termittents. Si bien
qu’aujourd’hui plus de 600 métiers sont concernés. Les 30 000 techniciens
qui en font partie (du cameraman au coiffeur en passant par le menuisier et
l’électricien) ont un statut privilégié uniquement parce qu’ils travaillent
pour le spectacle vivant. Or, contrairement aux comédiens ou aux danseurs,
ils n’ont pas besoin de temps, entre deux contrats, pour travailler leur
création.

Proportionnellement, ces techniciens creusent le déficit du régime autant
que les artistes. L’Unedic a versé en moyenne, sur l’année 2003, 9 031 euros
à 35 100 techniciens et 10 359 euros à 69 600 artistes. Faut-il leur imposer
une plus grande professionnalisation pour qu’ils restent dans le système ?
Ou décider de les exclure ? Faut-il, en raison de l’exception culturelle,
décider d’aider uniquement les créateurs ? Aucune réflexion n’a été menée
sur la pertinence du périmètre des métiers admis dans le régime des
intermittents : on y trouve des metteurs en scène, des chorégraphes, des
comédiens, des clowns, des danseurs de rue mais ni peintre, ni photographe,
ni plasticien, ni romancier, ni poète.

Le dossier des intermittents est truffé d’alliances paradoxales. Les
intermittents défendent eux-mêmes une vision incroyablement libérale de
l’économie du spectacle vivant. La très grande flexibilité que donne ce
régime est voulue à la fois par les employeurs et par les intermittents qui
trouvent leur compte dans ce système, financé par l’Unedic (donc par les
employeurs et les salariés du privé), et leur assure un régime
d’assurance-chômage très avantageux.

Le système est à ce point perverti qu’émarger à l’assurance-chômage est
devenu le premier signal de l’insertion professionnelle, souligne le
sociologue Pierre-Michel Menger. Le ministère de la culture, qui laisse à
l’Unedic le soin de financer la création, voit dans ce dispositif de
subventions indirectes au spectacle vivant un bon moyen d’abonder ses
propres investissements.

Le ministre espérait qu’une première annonce de 20 millions d’euros
calmerait les esprits échauffés par près d’un an de conflit. Cela n’a pas
fonctionné. M. Donnedieu de Vabres a sorti un premier joker à Cannes en
promettant un retour au statut antérieur pour tous ceux qui seraient
handicapés par la réforme.

Une claque pour la CFDT et le Medef, les deux grands signataires de la
réforme, qui n’étaient prêts qu’à concéder quelques aménagements marginaux.
Malgré les 80 millions d’euros promis par le ministre lundi 7 juin, Jean
Voirin, le secrétaire général de la Fédération des syndicats CGT du
spectacle, a affirmé : "Le ministre est au milieu du gué. Cela ne nous
suffit pas."

MAGMA CONTESTATAIRE

Jusqu’à présent, la question du financement du système n’a pas été vraiment
mise à plat. La proposition de la CFDT de créer une caisse complémentaire
permettrait de faire avancer les choses. Mais les collectivités locales, qui
financent déjà davantage le spectacle vivant que l’Etat, auront du mal à
accorder de nouveaux subsides. Trouver une solution financière devient
pourtant plus qu’urgent : la renégociation des annexes VIII et X, qui
régissent le régime des intermittents, doit être à nouveau examinée fin 2004
avec tous les partenaires sociaux. Là, rien ne dit que le Medef n’adoptera
pas une position beaucoup plus radicale en refusant tout net de prolonger ce
système et en demandant, comme il voulait déjà le faire l’an dernier, de
transférer tous les intermittents du spectacle dans les annexes IV, celles,
bien moins avantageuses, du travail intérimaire.

Dans ce contexte, quel est le jeu de la CGT-Spectacle ? Majoritaire dans des
professions peu syndiquées, elle n’a pas signé la réforme. Historiquement,
ce syndicat cultive des intérêts communs avec les employeurs d’intermittents
 : ils gèrent ensemble les fonds très importants de formation de la
profession. Jean Voirin siège aussi au conseil d’administration du Festival
de Cannes.

Lors du dernier Festival, le syndicat n’a guère été débordé par les
coordinations alors que, depuis un an, ce mouvement de mécontement se dilue
dans un magma contestataire qui englobe aussi bien José Bové et les
altermondistes que des militants d’extrême gauche. Le dossier des
intermittents est devenu politique. Au point de perdre de vue l’essentiel :
la défense de la création. Et d’empêcher des artistes de montrer leurs
spectacles au Festival d’Avignon et leurs opéras à Aix-en-Provence. Une
hypothèse qui ne semble pas totalement écartée cet été, malgré la main
tendue du ministre de la culture.

http://www.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-368463,0.html

Messages

  • Dans ce métier il y a deux profils :

    Les techniciens qui ont un métier et son contraints a travailler par intermittence par les employeurs.

    Les artistes qui se prennent pour des stars AK ! et qui tuent la poule aux oeufs d’or (unedic). Qu’est ce qui les empêche de faire quelques petits boulots (comme les autres...) entre deux ombres lumieres ? Qui fait plein de bruit en appelant à la gréve payée à 100% par l’Assedic ?

    Pitié que ces quelques privilégiés facent silence ! Ils profitent uniquement de leur position pour vampiriser les médias.

    Certe le chômage des intermittents doit être reformé mais par des gents responsables.