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« Un récit qui abolit le temps et dissout la politique »
Publie le mardi 18 décembre 2007 par Open-Publishing3 commentaires
Le Temps I International I Article
La nouvelle romance présidentielle
FRANCE. La liaison de Nicolas Sarkozy avec la chanteuse Carla Bruni ébranle un peu plus la frontière entre vie privée et vie publique.
Sylvain Besson, Paris
Mardi 18 décembre 2007
Nicolas Sarkozy ne sera pas resté seul très longtemps. Moins de deux mois après son divorce d’avec Cécilia, le président français a officialisé sa liaison avec Carla Bruni, 38 ans, chanteuse et ancienne mannequin. Le couple a été photographié samedi lors d’un déplacement au parc d’attractions EuroDisney, près de Paris.
La divulgation de cette nouvelle romance présidentielle a été voulue par les intéressés, estime Colombe Pringle, rédactrice en chef de Point de Vue. C’est dans ce magazine doucereux, longtemps spécialisé dans l’actualité monarchique, que les photos de la visite à Disneyland seront publiées mercredi. « Nicolas Sarkozy et Carla Bruni avaient envie de le faire savoir, a-t-elle expliqué à l’AFP, sinon je ne vois pas pourquoi ils seraient allés à EuroDisney pour aller regarder la parade de Mickey. »
Cette interprétation est confirmée par Christophe Barbier, rédacteur en chef de L’Express, qui se décrit comme un ami de Carla Bruni : « Le président, depuis quelque temps, songeait à rendre publique [cette liaison], ou du moins à ne plus se cacher. » Un collaborateur de Nicolas Sarkozy affirme avoir été au courant depuis le début de l’automne : « C’est pas mal que cela se sache. Il fallait éviter un truc glauque avec des photos volées, dit-il. Le président aime bien garder la main sur ces choses-là. »
Il y a deux semaines, des paparazzi ont commencé à faire le siège du domicile de Carla Bruni. « Samedi dernier, ceux-ci ont vu débarquer en début d’après-midi Nicolas Sarkozy, accompagné d’une escorte discrète, relate le site internet de L’Express. [Arrivé à EuroDisney] le couple, qui s’est retrouvé nez à nez avec une dizaine de paparazzi, n’a pas semblé gêné d’être mitraillé. » Au contraire : Nicolas Sarkozy « semblait ravi » de se retrouver dans la posture d’une « star montant les marches du palais du Festival de Cannes, au bras d’une diva d’Hollywood ».
Cet épisode sape un peu plus la séparation entre vie privée et vie publique dans le monde politique français. Nicolas Sarkozy l’a déjà sérieusement mise à mal, en exposant des membres de sa famille (son ex-femme Cécilia, plus récemment sa mère Andrée) à divers moments de sa carrière. Certains critiques lui reprochent de désacraliser la fonction présidentielle. D’autres voient un mobile machiavélique derrière l’annonce de sa liaison : il s’agirait de faire oublier la visite très critiquée du colonel Kadhafi à Paris, et de monopoliser les médias à l’approche des élections municipales de mars prochain.
En réalité, les bénéfices politiques de l’opération devraient être minces, analyse Manuel Aeschlimann, spécialiste des études d’opinion auprès du parti présidentiel UMP : « Ça n’aura pas d’impact électoral, car les gens ont d’autres préoccupations. Mais ça ne peut pas faire de mal, car c’est une belle histoire et les gens aiment bien Carla Bruni. »
Certains analystes se demandent comment ce personnage singulier s’intégrera dans le dispositif et le protocole élyséens. D’autres estiment que la liaison risque de durer trop peu de temps pour que la question se pose vraiment. Carla Bruni a elle-même lancé cet avertissement dans un entretien publié en 2004 par les Inrockuptibles : « Je trahis volontiers les hommes. »
Les atouts de la « dame de cœur » Carla Bruni
La belle Italienne a une réputation de papillon. Mais c’est elle qui épingle.
Florence Gaillard
Déjà, il est dit qu’elle lui ressemble. Que Carla Bruni, liane brune au visage de cire non soluble dans l’écoulement des ans, a comme un air de Cécilia, ex-Sarkozy.
Il est dit que Carla Bruni est un trophée inattendu pour le président français, mais que c’est elle qui l’a voulu, lui. Il est dit aussi, et depuis longtemps, qu’à l’instant où Carla Bruni décide de séduire un monsieur, c’est comme si c’était fait. C’est plausible. C’est en tout cas un argument qui donne deux points à Nicolas Sarkozy : un, il acquiert dix centimètres d’aristocratie classieuse, tendance arty ; deux, il manifeste son goût du risque en officialisant sa relation avec une femme-ange aussi volage que lui. Avec Cécilia, Sarko jouait les Kennedy. Avec Carla, il gagnerait presque un air de Gatsby. Autant dire, l’inimaginable.
Il est dit encore que la belle Italienne, sur le seuil de ses 40 ans, a une impressionnante carrière de croqueuse d’hommes. La liste non exhaustive de ses amants ou compagnons compte des idoles planétaires - Mick Jagger, Eric Clapton - des acteurs et musiciens français - Vincent Perez, Charles Berling, Louis Bertignac, Jean-Jacques Goldman. Et des intellectuels médiatiques : l’avocat Arno Klarsfeld, avec qui elle a formé il y a plus de dix ans un couple très esthétique aux envolées passionnelles ; l’écrivain Jean-Paul Enthoven, qu’elle a quitté pour faire un enfant avec son fils Raphaël. Cette liberté vacharde a valu à Carla Bruni d’être reconnaissable en femme-sorcière dans un roman de Justine Lévy, épouse du précité Raphaël, et fille de BHL. Difficile à suivre ? Il suffit de retenir qu’à la cour intello-médiatico-politique parisienne, Carla est une favorite qui tient salon, lit des livres, joue de plusieurs instruments, rend d’autres courtisanes vertes de rage, évolue avec une grâce de papillon. Et un air de sylphide fragile qui titille les prétendants : une top model évanescente, cultivée et aristocratique mais nécessitant néanmoins protection et épaule solide, mmh.
Chanteuse et compositrice
« La Bruni » est aussi chanteuse et compositrice. Sa jolie voix basse et éraillée a fait mouche sur un premier disque vendu à 2 millions d’exemplaires. On pourrait en conclure que Carla est devenue riche. Erreur. Elle l’était déjà. Les dix ans de sa précédente carrière comme mannequin auraient suffi à blinder son compte en banque si elle n’était pas née dans une famille d’industriels turinois suffisamment fortunés pour qu’elle n’ait jamais à craindre pour son avenir, ses hôtels particuliers ou sa collection de jeans délavés.
Carla Bruni, qui aurait déjà testé du ministère gauche caviar - Laurent Fabius - et s’affichait nettement bobo, s’est visiblement accommodée de la ligne politique de son nouveau compagnon. Donc, Carla a épinglé le président, et le président a épinglé une mante religieuse. Ecrivons-le vite, des fois que ce serait fini après-demain. Car le pire malheur d’un collectionneur ou d’une collectionneuse, n’est-il pas de dénicher avant la fin la pièce qui lui manquait ?
« Un récit qui abolit le temps et dissout la politique »
L’opinion du narratologue Christian Salmon.
Sylvie Arsever
Christian Salmon est narratologue - spécialiste de l’étude du récit. Il vient de publier un livre* où il dénonce la feuilletonnisation de la vie politique. Pour lui, la révélation de l’idylle entre Carla Bruni et le président s’inscrit dans cette tendance.
Le Temps : Mettre en scène sa vie privée, pour un homme politique, c’est nouveau ?
Christian Salmon : John F. Kennedy utilisait déjà des images de sa vie privée pour sa communication. Mais ici, cela va beaucoup plus loin. La vie privée sert à mettre la vie politique en feuilleton, à la dissoudre dans un festival de narration. La révélation de l’idylle vient après une semaine qui s’est plutôt mal passée pour le président et à quelques jours de Noël. Elle se déroule à Disneyland. C’est un conte de Noël qui rompt avec une séquence narrative peu satisfaisante - la visite de Kadhafi - comme dans un feuilleton, où chaque nouvel épisode fait oublier le précédent.
– Vous accusez en somme Nicolas Sarkozy d’instrumentaliser sa vie privée pour soigner son image médiatique ?
– La théorie du complot ne rend pas du tout compte du phénomène. Je pense que cela va plus loin : Nicolas Sarkozy est comme ces acteurs qui disent n’avoir pas besoin de se remémorer les indications du metteur en scène : il est dans la peau du personnage. Il fait les bonnes choses au bon moment. Avec Internet, les réseaux câblés, les chaînes d’information en continu, la machine médiatique est devenue vorace. Il faut l’alimenter en permanence. Et surtout, maîtriser son agenda. Lui procurer en permanence de bonnes histoires est un moyen de le faire. Les Américains ont donné un nom à cette stratégie : le story telling.
– Et c’est nouveau ? Raconter des histoires, pourtant, est une vieille stratégie du pouvoir...
– La différence est dans la narration. Prenez de Gaulle. Il racontait une histoire. Mais c’était un récit structuré dans le temps : il y avait un passé - la France libre - puis un avenir - la décolonisation, la politique française face à l’arme nucléaire - et une dialectique entre les deux. Mitterrand aussi se mettait en scène, en utilisant l’archéologie ouvrière - le Front populaire, les congés payés, etc. Ici, l’histoire abolit le temps, nous projette dans un présent permanent. Il y a un mois, le divorce qui occulte les grèves, aujourd’hui la nouvelle idylle. Il n’y a plus de tension, de confrontation avec le réel. Mais des épisodes qui s’enchaînent pour donner le la aux médias qui en sont à la fois le chœur et le premier public. L’histoire ne sert plus de support à la politique. Elle la remplace.
– Dans quel but ?
– Occuper l’espace médiatique, en définir l’agenda. Dick Cheney (ndlr : le vice-président américain) a dit : « Si vous ne maîtrisez pas l’agenda, on démolira votre présidence. » Raconter des histoires est une technique de pouvoir. Si Nicolas Sarkozy parvient à occuper la une en permanence, ses cent premiers jours auront été un succès. On a calculé : sa présence médiatique est déjà quinze fois supérieure à celle de Jacques Chirac lors de ses cent premiers jours il y a dix ans.
– La visite de Kadhafi, c’est un épisode du feuilleton ou une irruption du réel dans le conte ?
– Tout a été fait, en tout cas, pour maîtriser le script. Prenez les critiques de Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme. Elles contribuent à placer toute l’action au sein du gouvernement. Les lieux institutionnels du débat, le parlement, le Conseil constitutionnel, sont balayés pour laisser place à une démocratie participative incarnée par un président entouré de symboles - les maréchaux vaincus de la gauche, quelques représentants de la société civile. En attendant l’épisode suivant.
– Et on peut échapper ainsi éternellement au réel politique ?
– Je ne le pense pas. George Bush, ainsi, est en train d’être rattrapé par le réel. Mais au vu des dégâts qu’il a faits, c’est une maigre consolation.
*Story telling, La Découverte.
Messages
1. « Un récit qui abolit le temps et dissout la politique » , 18 décembre 2007, 10:26
le soir (belgique) :
Un amour présidentiel à NoëlJOELLE MESKENS
lundi 17 décembre 2007, 20:42
NICOLAS SARKOZY ET CARLA BRUNI SE LAISSENT photographier chez Disney. Une idylle qui vient à point pour le chef de l’Etat.
Point de vue
PARIS
DE NOTRE ENVOYÉE PERMANENTE
Trois magazines « people » publieront les photos cette semaine. Point de vue, puis Paris Match et Closer. Et les trois titres ne souffriront d’aucun procès. Car si l’Elysée n’a pas officiellement confirmé l’idylle, c’est tout comme. Les dix photographes qui ont immortalisé ce week-end Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à la parade de Noël d’Eurodisney étaient les bienvenus… Colombe Pringle, directrice de la rédaction de Point de vue, le confirme d’ailleurs : ces deux-là avaient envie d’officialiser leur relation…
Deux mois après son divorce, le chef de l’Etat s’affiche donc avec l’une des plus belles femmes de France. A quelques jours de ses trente-neuf ans, l’ancien mannequin italien, reconverti dans la chanson, a déjà fait chavirer plus d’un cœur. Parmi ses conquêtes, Mick Jagger, Eric Clapton, Louis Bertignac, Arno Klarsfeld, Vincent Perez, Charles Berling, Raphaël Enthoven (dont elle a un fils, Aurélien), et même… Laurent Fabius !
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni se sont rencontrés il y a un mois environ lors de la présentation à l’Elysée du rapport Olivennes (du nom du patron de la Fnac) sur le piratage internet. Le couple avait été aperçu une première fois la semaine dernière, au château de Versailles, mais sans que des photographes aient pu saisir l’instant…
C’est le site internet de l’Express qui, le premier, dimanche soir, a publié l’information. Christophe Barbier, directeur de la rédaction du magazine, avait obtenu la confirmation de la liaison par Carla Bruni elle-même, qui est l’une de ses amies.
Une étape de plus dans la « pipolisation » de l’information politique française ? Assurément, même si le même Christophe Barbier y voit plutôt une « politisation de l’information people ». Mais c’est surtout un spectaculaire retour en arrière pour le Président qui, après avoir juré qu’il ne mettrait plus en scène sa vie privée, succombe une nouvelle fois au papier glacé.
Depuis son entrée au gouvernement, après les élections de 2002, Nicolas Sarkozy a usé et abusé des médias pour se construire une image de « Kennedy français ». Des photos prises avec son épouse Cécilia et son fils Louis au ministère de l’Intérieur, un message vidéo du même Louis (« Bonne chance, mon papa ») projeté sur écran géant lors de l’accession à la présidence de l’UMP en 2004, des clichés montrant le même couple réconcilié après une première crise, voguant en pirogue en Guyane en 2006, des scènes de l’investiture à l’Elysée en mai dernier (avec baisers à Cécilia) faisant penser à un mariage princier à Monaco : la frontière entre la vie publique et la vie privée du Président a longtemps été très poreuse. Jusqu’à la rupture avec Cécilia. Nicolas Sarkozy s’était alors juré de ne plus rien livrer de sa vie affective, même s’il continuait implicitement à faire des allusions évidentes dans ses discours comme lorsqu’il évoquait les sans-abri et la « solitude poisseuse lorsque l’on n’est plus aimé ». Signe de ce soudain black-out : l’annonce de son divorce n’avait été confirmée par l’Elysée qu’après le jugement et alors que les médias avaient fait pendant quinze jours un véritable forcing pour en avoir la confirmation. Pas un point de presse ne s’était déroulé sans qu’une demi-douzaine de questions sur le
divorce soient posées…
Depuis, Nicolas Sarkozy continuait ostensiblement à porter son alliance mais sans que les journalistes choisis pour l’interviewer (Patrick Poivre d’Arvor et Arlette Chabot, il y a quelques semaines encore) ne posent une seule question sur ce terrain devenu désagréable pour le Président. L’espace était alors laissé à la rumeur. La plus persistante était ces dernières semaines celle d’une liaison avec la journaliste Laurence Ferrari.
L’annonce de cette liaison avec Carla Bruni, à quelques jours des fêtes, tombe évidemment à point pour Nicolas Sarkozy. Un vrai conte de Noël qui distraira l’opinion après la récente visite embarrassante du colonel Kadhafi la semaine dernière et qui, aux dires de l’opposition, viserait à faire oublier les difficultés sociales du moment…
1. « Un récit qui abolit le temps et dissout la politique » , 18 décembre 2007, 11:18
Le prox, c’est Berlu ?
2. « Un récit qui abolit le temps et dissout la politique » , 18 décembre 2007, 15:52
Faut pas parler à la place des "gens". Je trouve qu’elle ressemble à s’y méprendre à une mante religieuse et elle ressemble beaucoup à un "paillasson". Merci Rama Yade de m’avoir soufflé le mot.