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Une machine de guerre contre les pauvres et les plus modestes

Publie le vendredi 23 novembre 2007 par Open-Publishing
6 commentaires

Déclaration des administrateurs CGT au Conseil d’Administration de la CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales)

Evaluation des biens et des éléments du train de vie : Une machine de guerre contre les pauvres et les plus modestes

Projet de décret soumis à l’avis du CA de la CNAF le 6 Novembre 2007

Nous sommes encore face à un décret qui organise la chasse aux bénéficiaires des minima sociaux et des familles modestes, un décret de « flicage » des plus démunis qui donne obligation pour les organismes gestionnaires, notamment les Caf, de rendre des comptes précis aux ministères concernés sur le nombre de Rmi et d’Api, de prestations supprimés, grâce aux mesures portées par ce projet. Il porte sur l’ensemble des minima sociaux (sauf l’Aah), la Cmu et les prestations familiales sous conditions de ressources. Il participe d’une offensive généralisée contre l’ensemble des droits sociaux conquis et préservés de hautes luttes ces dernières décennies par les salarié-e-s.

Ce projet vise à évaluer les éléments de train de vie prenant en compte le logement ou propriété non bâtie dont le demandeur de prestation est propriétaire ou occupant, le véhicule ou motocyclette détenu par un membre du foyer ou mis à sa disposition, les objets d’art ou de collection détenu par un membre du foyer, des dépenses ou charges engagées par le foyer du bénéficiaire. L’évaluation peut être mise en œuvre à l’occasion de l’instruction de demande de prestation ou d’un contrôle, les seuils d’évaluation des éléments paraissent suffisamment modestes, donc de nature à écarter de nombreuses personnes des droits actuels aux minima sociaux et prestations familiales sous conditions de ressources.

Nous considérons que ce projet, s’il était mis en œuvre, relèverait d’un plan de « sabotage » du service public des Caf dans son esprit et son fonctionnement. Dans son esprit, puisque la suspicion généralisée des familles et des allocataires et les contrôles seraient organisés à grande échelle ; dans son fonctionnement puisque les charges de travail des personnels seraient encore alourdies pour les techniciens, les agents d’accueil et les contrôleurs en particulier. Actuellement, la simple liquidation des droits des familles et allocataires n’est pas assurée en temps et en heure dans de très nombreuses Caf, compte-tenu de l’hémorragie d’effectifs organisée par de multiples dispositions de la Convention d’objectifs et de gestion conclue avec l’Etat sur la période 2005/2008, mais aussi par la multiplication de textes législatifs complexes et tatillons que les Caf sont tenues d’appliquer. Le projet qui est soumis aujourd’hui au conseil d’administration participerait à aggraver cette embolie. Le risque accentué de trop perçus, de complexifications administratives et d’apports de dossiers supplémentaires en commission de recours amiable paraît inévitable.

Deux exemples concrets peuvent illustrer la nocivité d’un tel projet, guidé par l’obsession de la fraude, tellement en vogue aujourd’hui pour présenter des boucs émissaires aux fins de masquer la politique anti sociale actuellement à l’œuvre.
  Le premier, celui d’un homme de 56 ans, allocataire du Rmi, propriétaire de son logement et possédant un véhicule dont il a besoin pour continuer sa recherche d’emploi. Son âge constitue d’ailleurs un handicap de taille qui le contraint à survivre avec le Rmi. Avec ce projet, il serait certainement privé de toutes ressources, contraint à vendre son appartement car « ses biens et son train de vie » seraient jugés excessifs pour percevoir le Rmi. Ce texte serait alors une véritable machine à fabriquer des sans abri !
  Deuxième exemple, une jeune fille de 17 ans, enceinte, elle réside chez ses parents propriétaires de leur maison et possédant une voiture pour aller travailler. Le foyer dépasserait les seuils de « train de vie » imposés pour le droit à l’Api destinée à aider cette jeune mère à élever son enfant. Ils seraient alors, elle et l’enfant, encore un peu plus à la charge des parents. Mineure, elle ne peut pas prétendre à un logement social, encore moins dans le parc privé, elle pourrait être contrainte d’opter pour un hôtel maternel si elle trouvait une place de libre, elle serait ainsi contrainte de se séparer de sa famille et de son soutien quotidien, pour percevoir à nouveau l’allocation de parent isolé. Dans ce cas la dépense publique pour l’accueil en hôtel maternel serait supérieure au maintien de l’Api dans les conditions actuelles. On pourrait multiplier les exemples de ce genre, qui sont les vraies situations, la vraie vie de « galère » que connaissent des millions de personnes pauvres et modestes, loin du fantasme de la fraude qui reste un phénomène marginal, toutes les directions de caisses nationales et locales de Sécurité sociale l’attestent.

Il est particulièrement choquant que de telles mesures soient élaborées quand, dans le même temps, les foyers les plus aisés de notre pays viennent de bénéficier d’un « bouclier fiscal » très avantageux pour préserver et accroître leurs biens et leur train de vie qui n’ont pas de commune mesure avec ceux des publics visés par ce projet de décret. Dans quelle société vivons-nous ?

L’autre aspect très grave de ce projet de texte, est qu’il porte atteinte au fondement même des principes qui régissent le droit aux prestations familiales en n’introduisant, au-delà des conditions de ressources applicables aujourd’hui, des éléments aléatoires et subjectifs de « biens et train de vie ». S’achemine-t-on vers une conception des prestations familiales assimilables à de l’aide sociale, recouvrable par les organismes sociaux au même titre que l’obligation alimentaire, sur les biens et les actifs successoraux, et non plus sur la conception d’un droit fondamental de compensation de charges familiales ? Pire, on coupe les vivres des personnes concernées au prétexte qu’elles ont un toit et/ou une voiture ?

Pour toutes ces raisons, le groupe Cgt des administrateurs de la Cnaf votera non seulement défavorablement contre ce texte inique et particulièrement injuste, mais en demande son retrait pur et simple car il comporte trop de dangers potentiels pour les libertés individuelles et la protection de la vie privée des familles.

D’autres moyens peuvent être mis en œuvre pour régler les problèmes posés par quelques fraudeurs concernant leurs biens et leur train de vie, et qui permettraient de ne pas engager un contrôle généralisé des populations les plus vulnérables de notre pays.

Votes du CA de la Cnaf du 6/11/2007 : Le projet de décret a reçu un vote défavorable.

17 Voix Contre : 3 Cgt - 3 Fo – 2 Cfdt - 2Cgc – 5 Unaf – 1 personne qualifiée (PQ)
3 Voix Pour : 3 Upa
6 Prises d’acte : 2 Cftc - 2 Personnes qualifiées


à comparer aux 15 milliards d’euros donnés cette année aux plus riches

Qu’en dit Martin Hirsch ? rien....directement, mais....

IL organise un "Grenelle de l’insertion"

« Dans la lutte contre la pauvreté, on a une obligation de résultat » Martin Hirsch. Haut-commissaire aux Solidarités, à l’occasion du Grenelle de l’insertion

Etes-vous sûr que ce Grenelle débouchera sur des mesures concrètes ?

Le gouvernement s’est fixé un objectif : réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans. Ce chiffre nous met la pression. On a une obligation de résultat et donc de moyens. Ce Grenelle est destiné à revisiter les politiques publiques en faveur des personnes en difficulté. Il est en effet temps de demander pourquoi ces politiques ne produisent pas les effets escomptés. Et pourquoi, en France, 7 millions de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté malgré notre système de protection sociale.

(...)

Un des gros morceaux du Grenelle sera le revenu de solidarité active (RSA) visant à encourager le retour à l’emploi des allocataires du RMI et de l’allocation de parent isolé (API). Où en êtes-vous ?

Au total 40 départements se sont portés volontaires pour expérimenter le RSA. Cela va concerner 100 000 personnes, soit un allocataire du RMI sur dix. Objectif : faire en sorte que toute personne reprenant une activité, même à temps très partiel, perçoive un revenu supérieur au seuil de pauvreté (817 euros) en additionnant son salaire et l’allocation versée par les pouvoirs publics. Tout au long de l’année 2008, nous allons regarder comment ça fonctionne sur le terrain et procéder à des adaptations, si nécessaire. L’idée est de parvenir au plus tôt à une généralisation sur tout le territoire. Probablement début 2009. Au-delà des allocataires de minima sociaux, tous les travailleurs pauvres ont aussi vocation à bénéficier du système RSA.

L’avenir selon Hirsch :

P. Bardet


Messages

  • Evaluation des biens et des éléments du train de vie sont appliqués en Belgique et dans beaucoup de pays de l’union depuis des lustres.
    Un allemand s’est vu obligé de vendre sa maison. Ce pourquoi il a travaillé toute sa vie, il doit le liquider et en vivre jusqu’au dernier cent. après ça, il a de nouveau droit à l’aide sociale.

    SL

    • Près de 47% des Français croient "possible" qu’ils deviennent sans-abri un jour, selon un sondage BVA pour l’association Emmaüs, en partenariat avec L’Humanité et La Vie.

      Selon ce sondage publié jeudi 22 novembre, 43% des Français estiment "possible", et 4% "très possible", qu’ils deviennent sans-abri un jour, contre 52% à affirmer qu’il y a peu de chance (36%) ou que c’est impossible (16%).

      Dans une consultation parallèle menée par Emmaüs auprès des SDF, un an après l’opération de distribution de tentes par l’Association Don Quichotte, 49% des sans-abri estiment que la situation n’a pas changée pour eux, contre 26% à penser qu’ils sont mieux pris en charge, et 11%, moins bien.

      SL

    • ... pour tout vous dire, j’en suis à un point tel que, certain de vivre moins bien que mes parents à l’âge de la retraîte, presque sûr de vivre, plus tard, dans la pauvreté (ou quasi), je me retrouve aujourd’hui coincé. Je vois venir ce jour où je n’aurai plus d’autres choix que de passer à l’acte et... voler !

      Oui, je deviens un voleur potentiel !

      Et je comprends que Sarkhozy-le-petit investisse à ce point dans le sécuritaire.

      Le tout en attendant un changement de régime, oui de régime, d’une manière ou d’une autre.

      Marc

    • Il ne fallait pas accepter la cmu d’Aubry , agir pour un secu universelle pour tous, avec une reforme du financement et se battre pour un vrai pouvoir aux administrateurs syndicalistes !

      Dans le cadre de la CMU, l’assurance maladie gére à la fois les parties obligatoire et complémentaire, élargissant son domaine d’intervention traditionnel. Les assurances argumentent pour, à leurs tour, pour demander à ce que les acteurs du régime complémentaire puissent gérer le risque maladie au premier franc ! C’est le royaume Ubu avec des ONG qui sont prêtes à tout pour gerer l’urgence y compris à faire financer l’hôpital par Coca-Cola .

      A force de segmenter les populations via des discriminations positives qui les sigmatisent aussi , de prendre des decisions avec des effets pervers catastrophiques, de ne pas vouloir prendre l’argent ou il se trouve, la "drauche" à permis à la droite, au medef de jouer sur du velour aujourd’hui avec le soutient d’une partie importante de la population !

      Boris

    • assez d’accord. A cette précision près, c’est que la CMU, ce sont aussi les assurances privées.

      Aubry a donné la Sécu au privé.

      En Alsace-Lorraine, l’assurance maladie rembourse les soins à 90%, et le régime n’est pas déficitaire.

      P. Bardet