Accueil > VOUS AVEZ DIT RECHERCHE PUBLIQUE ?
Les chercheurs sont en colère. Le petit monde de la recherche dite 
publique s’agite en pétitions, motions, débats et manifestations au nom 
de la "défense du service public" et de la "recherche pour tous". Des 
directeurs d’unité (caporaux - chercheurs) menaceraient même de 
démissionner de leur fonction pour redevenir de simples chercheurs, 
c’est dire l’ampleur de la gronde. De quoi s’agit il ?
L’État bloque les crédits de dépense des laboratoires, supprime 550 
postes, et le budget général de la recherche publique régresse d’année 
en année. Certains laboratoires ne peuvent plus fonctionner correctement 
et des programmes de recherche sont en panne, faute de crédit. Plusieurs 
milliers de scientifiques et de techniciens (CNRS, INRA, INSERM, 
Universités...) ont signé une pétition demandant la création de postes, 
le rétablissement des crédits et une augmentation générale des fonds 
alloués à la recherche publique. Et dans cette liste de 
pétitionnaires-citoyens, on trouve une belle brochette de directeurs de 
laboratoire, de médaillés de la science et de la république, d’experts 
appointés auprès du parlement, et de membres de conseils 
d’administration de fondations et de comités scientifiques - tous gens 
informés au premier chef de l’état réel de la recherche publique, de ses 
activités et de ses financements.
Alors, on peut s’étonner des mots d’ordre lancés tel que "Pour la 
défense de la recherche publique" ou "La recherche au service de tous". 
Car à l’évidence, et depuis belle lurette, la recherche publique n’a 
jamais été au service de tous, mais au service d’un État dont les choix 
stratégiques en matière de recherche n’ont rien de commun avec les 
besoins de la population. Et la réduction des moyens de recherche 
octroyés aux organismes publics ne date pas d’hier, et elle est autant 
le fait du gouvernement actuel que des partis politiques de gauche 
lorsqu’ils étaient au pouvoir. Combien de temps encore, les chercheurs 
des organismes nationaux feront-ils semblant de croire qu’ils 
travaillent pour la collectivité ?
A l’INRA, où nous travaillons, les exemples ne manquent pas qui 
démontrent le caractère illusoire du concept de "recherche publique". En 
voici quelques exemples. Le conseil d’administration qui définit la 
politique de recherche de l’Institut accueille parmi ses membres 
plusieurs représentants des industries agroalimentaires qui ne se 
privent pas d’influer sur le choix des priorités de recherche. Beaucoup 
de laboratoires trouvent 30 à 80 % de leur crédits de fonctionnement 
auprès d’organismes para-publics ou privés qui, en retour, imposent des 
axes de recherche et s’approprient les retombés économiques via des 
brevets ou des exclusivités de commercialisation. Nombre de bourses 
d’étudiants en thèse sont co-financées par des organismes privés qui se 
paient comme ça un laboratoire de recherche pour pas cher. Même le 
fonctionnement de l’INRA s’apparente de plus en plus au fonctionnement 
d’une entreprise privée.
Les laboratoires INRA se facturent entre eux 
les services qu’ils se rendent au nom de la coopération scientifique 
(location d’animaux pour expériences, facturation des travaux d’analyse 
de données, location de véhicule). Les CDD se multiplient pour des 
postes de techniciens comme de chercheurs et sont financés le plus 
souvent par des contrats de recherche extérieurs à l’INRA. Et l’INRA 
appelle de ses vœux la multiplication de ce genre de pratiques. Une note 
de service informe qu’un chercheur du service public peut toucher des 
royalties sur ses recherches lorsqu’elles ont conduit à un dépôt de 
brevet. Cela s’appelle "l’intéressement individuel". Et cette prime 
s’adresse à tout le personnel ... sauf les adjoints techniques et les 
administratifs. Histoire sûrement de développer la culture d’entreprise. 
Un chercheur de l’INRA peut même créer sa propre Start-up à partir des 
découvertes qu’il a réalisées à l’INRA avec des fonds prêtés par le 
ministère de la Recherche !
Ces quelques exemples ne sont pas spécifiques à l’INRA. Des compagnons 
cénétistes travaillant à l’INSERM et au CNRS vivent le même type de 
situation. Chez les uns, on retrouve les lobbys pharmaceutiques et les 
fondations du genre "Téléthon", et chez les autres, le CEA, l’armée 
comme le privé de tout poil. Cette situation, tout chercheur un tant 
soit peu informé la connaît, la vit. Le monde de la recherche a accepté 
dans sa grande majorité le contrôle de la recherche publique par le 
pouvoir politique et financier. Plusieurs pétitionnaires actuels ont 
activement participé à la mise en place de cette privatisation de fait. 
Et ils l’ont fait simplement pour accroître leurs moyens de recherche, 
le rayonnement de leur laboratoire, et leur fulgurante et médiatique 
carrière. Et s’ils pétitionnent aujourd’hui, ce n’est pas pour défendre 
le service public, mais bien davantage leur petit domaine particulier.
# Section INRA, CNT-AIT Toulouse.
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique. CNRS : Centre 
National de la Recherche Scientifique. INSERM : Institut National de la 
Santé et de la Recherche Médicale. CEA : Centre à l’Energie Atomique.




