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à l’hosto ... ch’est chouette la sous-traitance

Publie le vendredi 9 mai 2008 par Open-Publishing

PARIS, 7 mai 2008 (APM) - Une grève survenue sur le site lyonnais de
stérilisation externalisée de Sterience a entraîné des ruptures de la
continuité du service public dans certains établissements clients qui
n’ont pas eu à temps le matériel nécessaire à des interventions
chirurgicales programmées, a-t-on appris auprès de plusieurs
établissements.

Le site Lyon Chassieu où est implantée depuis 2001 la première des quatre
usines de stérilisation de Sterience (Dalkia/B.Braun), a connu un conflit
social pour des raisons salariales à la mi-avril qui a duré 48 heures.
C’est la première fois que le pionnier de la sous-traitance de la
stérilisation en France se trouvait confronté à une telle difficulté
l’empêchant d’assurer sa prestation auprès de ses clients.

Le conflit a éclaté dans la nuit du mardi 15 au mercredi 16 avril, et au
matin du 16 avril, Sterience a fait savoir à plusieurs clients qu’il
n’était pas en mesure de leur fournir leurs dispositifs médicaux stériles
comme prévu, a-t-on appris auprès de plusieurs hôpitaux.
Selon les éléments recueillis par l’APM, au moins deux établissements se
sont retrouvés en difficulté avec rupture de la continuité du service
public. Globalement, les établissements clients ont fait face avec leurs
propres solutions de recours, tandis que d’autres n’ont pas été du tout
affectés par ce conflit social.

Au CH d’Annecy, qui sous-traite l’ensemble de sa stérilisation à Sterience
depuis quatre ans, une intervention chirurgicale a dû être déprogrammée
car l’ancillaire nécessaire à la pose de prothèse était resté chez
Sterience.
"Il y a eu deux jours de flou avec des perturbations. On a trouvé des
solutions en interne et avec les établissements de proximité", a indiqué
Yann Majchrzak, coordonnateur des soins médico-techniques au CH d’Annecy.

A Lyon, où Sterience assure la stérilisation pour la chirurgie
orthopédique de l’hôpital de la Croix-Rousse, en attendant la future
grande stérilisation centrale des Hospices Civils de Lyon (HCL) annoncée
pour fin 2010, "cet incident a permis de tester les solutions de recours
en cas d’interruption de l’activité", a indiqué à l’APM Sophie Bonnefoy,
directeur délégué aux fonctions de pharmacie et de stérilisation des HCL.
"Sterience nous a annoncé que le personnel était en grève et qu’ils
n’avaient pas de solution à proposer dans l’immédiat pour assurer la
continuité de l’activité", précise-t-elle. Le contrat porte sur une
quarantaine de boîtes par jour et il n’avait pas été prévu formellement de
solution de dépannage avec le prestataire.

"Nous nous sommes débrouillés à partir de nos propres stérilisations,
grâce à une mobilisation en interne et la programmation des interventions
a pu être assurée. Une reprise partielle de l’activité chez Sterience
s’est faite la nuit suivante puis la reprise a été complète le vendredi",
rapporte-t-elle.
Au CHU de Clermont-Ferrand, les répercussions ont été "très conséquentes",
a-t-on appris auprès du directeur des achats, Pascal Frucquet.

"Une intervention chirurgicale programmée a dû être annulée et nous avons
réorganisé la stérilisation avec l’autre site du CHU en faisant faire des
heures supplémentaires matin et soir au personnel pendant deux jours",
indique-t-il. En outre, le personnel des blocs opératoires a dû absorber
une surcharge de travail pour participer à la préparation et à la
recomposition des boîtes d’instruments.
Le CHU a confié depuis 2005 à Sterience une partie de sa stérilisation,
celle du site de l’Hôtel-Dieu, mais a gardé sur son deuxième site,
l’hôpital Gabriel Montpied, sa propre stérilisation, qui a donc permis le
dépannage.

En revanche, au Centre de lutte contre le cancer Jean-Perrin, autre client
clermontois, "aucun problème n’a été signalé", a relaté un pharmacien
interrogé par l’APM.
Du fait de la distance entre Lyon et Clermont-Ferrand (200 km), le centre
anticancéreux dispose de stocks tampon de matériel suffisants pour ne pas
travailler à flux tendu pour son activité programmée. Les livraisons ne
sont qu’hebdomadaires. Le pharmacien indique que les chirurgiens
utilisateurs sont très satisfaits de la prestation.

De même à l’hôpital de Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), un autre client, le
pharmacien responsable, Elisabeth Pignat, ne signale "aucune
répercussion". Sterience livre directement le bloc opératoire et la
pharmacie n’a eu "aucun retour" sur ce sujet.
L’arrivée de la sous-traitance privée pour cette activité hospitalière a
suscité des débats passionnés il y a quelques années, rappelle-t-on.
Beaucoup de pharmaciens hospitaliers redoutaient d’avoir à perdre des
compétences en interne pour une activité essentielle à l’hôpital et dont
ils sont responsables.

L’externalisation n’a pas connu le développement escompté par les
industriels du secteur mais elle a gagné sa place, que ce soit pour des
dépannages ou sur le long terme. Par exemple, le CHU de Caen a choisi
Omasa (Air Liquide Santé) pour externaliser toute son activité de
stérilisation.
Parmi les avantages mis en avant, les industriels n’ont pas manqué de
faire valoir qu’une stérilisation externalisée et confiée à une société
privée mettait les établissements à l’abri de conflits sociaux dont le
service public est plus coutumier, note-t-on.

Lors de l’inauguration du site francilien de Sterience, à Clichy
(Hauts-de-Seine) en 2003, le PDG de l’époque, Etienne Denis, avait
souligné, face à des questions sur le risque de grève ou de
dysfonctionnement, que la firme était réquisitionnable, que tous les
équipements étaient dupliqués afin de faire face à des pannes et que la
"mise en place d’un maillage sur le territoire français" devrait permettre
de transférer la stérilisation d’un site à l’autre en cas de problème (cf
dépêche APM CBGKD001).
Sterience dispose d’un autre site à Bouc Bel Air (Bouches-du-Rhône), près
de Marseille, qui peut éventuellement servir de "back-up".

ESTIMATION DU PREJUDICE EN COURS

Les établissements affectés par cet incident évaluent actuellement ses
conséquences économiques mais aucun recours n’a encore été déposé.
Aux HCL, la direction chiffre le coût de la surcharge de travail induite.
"Devant un prestataire qui n’est pas en mesure d’assurer sa prestation, on
est en droit de demander des pénalités", note Sophie Bonnefoy.

"Le CHU de Clermont-Ferrand en tirera toutes les conséquences", déclare
Pascal Fricquet qui doit rencontrer les représentants de Sterience
prochainement sur ce sujet.
Globalement, la sous-traitance, qui avait débuté dans un climat
conflictuel (des syndicats s’étaient opposés à la restructuration
entraînée par l’arrêt de cette activité à l’Hôtel-Dieu en déposant un
recours gracieux), rencontre de nombreux dysfonctionnements avec des
insatisfactions mais cela se passe "dans une bonne relation de travail"
avec le personnel de Sterience, indique-t-il.

Le contrat de l’Hôtel-Dieu arrive à échéance au 31 mars 2009 et
l’établissement passera un nouvel appel d’offres pour cette prestation fin
2008.
Le CHU de Clermont-Ferrand comptait sur la construction d’un site de
stérilisation à proximité, comme l’avait annoncé Sterience qui fournit
aussi le centre de lutte contre le cancer, mais l’industriel a changé de
stratégie. Le prochain site qui devrait ouvrir sera implanté à Nantes.
"Nous n’avons pas fait les économies espérées sur les frais de transport",
note le directeur des achats du CHU.

Cet épisode pourrait inciter les établissements clients à renforcer leurs
solutions de repli ou à revoir leurs choix. En Rhône-Alpes, l’Agence
régionale de l’hospitalisation (ARH) souhaite sécuriser le processus. Une
réflexion régionale a été engagée pour préciser qui s’occupe de quoi en
cas de problème, indique Yann Majchrzak du CH d’Annecy.
Ainsi, à Annecy, une stérilisation de proximité pourrait être envisagée
pour cinq ou six établissements, mentionne-t-il.

Contacté à plusieurs reprises mardi et mercredi, Sterience n’a pas
souhaité répondre à l’APM.