Accueil > l’OCDE nous veut du bien depuis longtemps
Ce qui mécontente actuellement est préparé depuis longtemps, comme un tsunami issu d’un lointaine secousse sismique. Quand la vague arrive sur la plage où certains se font encore bronzer, c’est un peu la panique...
OCDE = Organisation de de Coopération et de Développement Economique
L’OCDE a succédé à l’Organisation européenne
de coopération économique (OECE), issue du
Plan Marshall et établie en 1948 avec l’appui des
États-Unis et du Canada, pour contribuer à la
reconstruction des économies européennes après la
Seconde Guerre mondiale (www.oecd.org/histoire).
Créée pour jouer un rôle équivalent à celui de l’OTAN
sur le plan économique, l’OCDE a remplacé l’OECE
en 1961, et depuis, elle a pour mission d’aider les
gouvernements à réaliser une croissance durable de
l’économie et de l’emploi, ainsi qu’une progression
du niveau de vie dans les pays membres, tout en
maintenant la stabilité financière, et à favoriser ainsi
le développement de l’économie mondiale.
Extrait du cahier de politique économique n°13 de l’OCDE (1996) : "La Faisabilité politique de l’ajustement" par Christian Morrisson
OCDE Comment affaiblir les corporations ?
"L’autre obstacle tient au corporatisme. Plus il existe des groupes d’intérêt puissants et bien organisés, plus la marge de manœuvre du gouvernement est réduite. Celui-ci sera incapable d’appliquer des mesures indispensables, même s’il dispose d’une majorité parlementaire dans un régime démocratique et veut ajuster avant la crise financière. L’histoire récente de pays développés comme la France et l’Italie montre d’ailleurs que les PED n’ont pas le monopole des corporatismes.
Ce problème se pose surtout dans les entreprises parapubliques, auxquelles, souvent, le gouvernement veut supprimer les subventions afin de réduire le déficit budgétaire. Cette coupure entraîne inévitablement des baisses de salaire et parfois des licenciements. Si ces entreprises appartiennent à des secteurs clés (énergie, transports ou mines, lorsque les exportations minières sont la première source de devises) et si les salariés de ces entreprises sont bien organisés, ils peuvent s’opposer efficacement à la décision du gouvernement. Ce qui importe en l’occurrence n’est pas le nombre, puisque des groupes même minoritaires au sein de l’entreprise peuvent arrêter complètement son activité dès lors qu’ils contrôlent des secteurs stratégiques.
Ainsi, toute politique qui affaiblirait ces corporatismes serait souhaitable : d’un point de vue économique, cela éliminerait des entraves à la croissance et, politiquement, le gouvernement gagnerait une liberté d’action qui peut lui être précieuse en période d’ajustement. On objectera que cette politique soulèvera des résistances, mais il vaut mieux que le gouvernement livre ce combat dans une conjoncture économique satisfaisante, qu’en cas de crise, lorsqu’il est affaibli. Cette politique peut prendre diverses formes : garantie d’un service minimum, formation d’un personnel qualifié complémentaire, privatisation ou division en plusieurs entreprises concurrentes, lorsque cela est possible.
D’autres groupes d’intérêt, dans les professions libérales par exemple, peuvent aussi freiner l’ajustement. Cette recommandation a donc une valeur générale : un gouvernement qui veut accroître ses marges de manœuvre et rendre plus flexible une société, aurait intérêt à affaiblir d’abord tous les corporatismes qui constituent par nature des obstacles aux mesures d’ajustement. Il est clair, cependant, que seul un gouvernement élu démocratiquement a la légitimité nécessaire pour mener une telle action."
OCDE Les facteurs politiques de succès
Un gouvernement peut difficilement stabiliser contre la volonté de l’opinion publique dans son ensemble. Il doit se ménager le soutien d’une partie de l’opinion,au besoin en pénalisant davantage certains groupes. En ce sens, un programme qui toucherait de façon égale tous les groupes (c’est-à-dire qui serait neutre du point de vue social) serait plus difficile à appliquer qu’un programme discriminatoire, faisant supporter l’ajustement à certains groupes et épargnant les autres pour qu’ils soutiennent le gouvernement.
Si l’on ne peut éviter une hausse des prix, plusieurs précautions doivent être prises. Il faut, comme au Maroc en 1983-84, relever d’abord les prix des produits intermédiaires, et non pas ceux des produits de base consommés par les ménages pauvres. Si les prix des produits de base sont augmentés, il faut procéder par hausses modérées (moins de 20 pour cent) et étalées dans le temps. Il est souhaitable de reporter les dernières hausses à la période où les gains de l’ajustement commenceront à apparaître et où ils pourront compenser ces hausses. Il est possible aussi d’atténuer l’impact d’une hausse de prix par des distributions de denrées alimentaires pour rémunérer la main-d’œuvre embauchée sur les chantiers des travaux publics. Enfin, il ne faut jamais augmenter les prix à des moments difficiles pour les ménages, comme les fins de mois ou les fêtes religieuses.
Enfin, pour éviter les troubles, il est souhaitable que le gouvernement fasse un effort exceptionnel d’information en expliquant la raison des hausses, en publiant des listes de prix recommandés, en effectuant de nombreux contrôles de prix, suivis éventuellement de poursuites contre les commerçants qui ont augmenté leurs prix plus que les autres. Ces interventions peuvent paraître plus spectaculaires qu’efficaces mais, en l’occurrence, seule importe l’image que donne le gouvernement et non la portée réelle de ses interventions. Il ne faut pas juger seulement celles-ci en termes techniques alors qu’elles s’inscrivent dans un combat politique. Le gouvernement peut aussi financer des mesures compensatrices qui ont un réel impact, par exemple des repas gratuits dans les écoles primaires des quartiers populaires.
OCDE Les mesures de stabilisation peu dangereuses
Après cette description des mesures risquées, on peut, à l’inverse, recommander de nombreuses mesures qui ne créent aucune difficulté politique.
Pour réduire le déficit budgétaire, une réduction très importante des investissements publics ou une diminution des dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique. Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’ élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population.
Si les analyses sur de larges échantillons ont montré une relation entre ces mesures d’austérité et les grèves, les études de cas nous ont aussi montré qu’il existe une marge de manœuvre pour un gouvernement, qui a été exploitée avec succès dans certains pays comme le Maroc ou la Côte d’Ivoire. Les salaires nominaux peuvent être bloqués (ce qui allège rapidement la masse salariale en termes réels si le taux d’inflation atteint 7 ou 8 pour cent) ; on peut ne pas remplacer une partie des salariés qui partent en retraite ; ou bien l’on peut supprimer des primes dans certaines administrations, en suivant une politique discriminatoire pour éviter un front commun de tous les fonctionnaires. »
Si les analyses sur de larges échantillons ont montré une relation entre ces mesures d’austérité et les grèves, les études de cas nous ont aussi montré qu’il existe une marge de manœuvre pour un gouvernement, qui a été exploitée avec succès dans certains pays comme le Maroc ou la Côte d’Ivoire. Les salaires nominaux peuvent être bloqués (ce qui allège rapidement la masse salariale en termes réels si le taux d’inflation atteint 7 ou 8 pour cent) ; on peut ne pas remplacer une partie des salariés qui partent en retraite ; ou bien l’on peut supprimer des primes dans certaines administrations, en suivant une politique discriminatoire pour éviter un front commun de tous les fonctionnaires.
Évidemment, il est déconseillé de supprimer les primes versées aux forces de l’ordre dans une conjoncture politique difficile où l’on peut en avoir besoin.
Quelques précautions sont souhaitables. Cette réforme ne devrait tout d’abord pas coïncider avec un programme de stabilisation, car la coalition des opposants serait très dangereuse, avec la conjonction de manifestations de masse et de grèves dans des secteurs clés. Ensuite, il ne faut pas acculer ces salariés au désespoir en les licenciant purement et simplement. Des fonds de reconversion sont indispensables pour les réinsérer. Enfin, il est souhaitable, dans un premier temps, d’exclure de la réforme les secteurs stratégiques comme l’énergie ou les transports, quitte à prendre des mesures plus tard, dans une conjoncture politique et économique meilleure.
Il est permis toutefois de nuancer cette estimation des risques : par rapport aux pays développés, les gouvernements des pays en développement ont plus de facilités pour intervenir. Par exemple, il leur est plus facile de faire dissoudre des piquets de grève ou de remplacer les grévistes par d’autres salariés. Il leur est aussi plus facile de réduire le poids de ces entreprises, par exemple en diminuant le financement des investissements ou en introduisant des concurrents privés lorsque l’activité le permet.
Le cahier n° 13 entier peut être téléchargé ici :
http://daniel.calin.free.fr/ocde.pdf
Pour d’autres petites "mesures" mitonnées à l’intention du citoyen innocent dans des rapports de1998 et 2003, voir ici :
http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=786
Les pays Membres originaires de l’OCDE sont :
l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique,le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie.
Les pays suivants sont ultérieurement devenus Membres par adhésion aux dates indiquées ci-après :
le Japon (28 avril 1964), la Finlande (28 janvier 1969), l’Australie (7 juin 1971), la Nouvelle-Zélande (29 mai 1973), le Mexique (18 mai 1994), la République tchèque (21 décembre 1995), la Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996), la Corée (12 décembre1996) et la République slovaque (14 décembre 2000). La Commission des Communautés européennes participe aux travaux de l’OCDE (article 13 de la Convention de l’OCDE).
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