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nanterre libération immédiate de sébastien Shiffres - vigiles hors des facs

Publie le mercredi 24 novembre 2004 par Open-Publishing

rassemblement 25 novembre, 12h30 Hall des amphis a la sorbonne petition en ligne sur liberonsseb@hotmail.com (envoyer identite, cordonnees, contact et statut professionnel) texte en pdf, 4 pages

Depuis plus d’un an, une force a émergé à Nanterre avec pour seul objectif : celui de la réappropriation de l’université afin qu’elle cesse d’être le simple instrument de reproduction de ce monde. Cette stratégie de réappropriation passe notamment par le refus offensif des politiques sécuritaires qui gangrènent les relations, distillent la peur, nuisent à toute forme de rassemblement et de partage. Un mur, situé entre les bâtiments D et E, créé pour des raisons de « sécurité » au coeur d’un espace dans lequel pouvaient s’ébaucher des vies communes, des trajectoires collectives, est apparu comme un pas de plus vers le cloisonnement et la destruction de nos vies. L’université se sent menacée, menacée par ses voisins barbares et par ceux qu’elle considérait jusqu’alors comme les siens. Elle se protège des conséquences problématiques de sa propre production : elle, qui perpétue et matérialise l’exclusion massive des plus pauvres, se barricade contre les frasques des cailleras ; elle, qui joue à faire croire qu’un poste doré reviendra aux plus méritants, se braque face à ceux qui refusent désormais d’y croire sans toutefois renoncer à la modifier radicalement.

La fac s’aseptise, se cloisonne face à la montée en puissance de ceux qu’elle écarte. Et les milices de vigiles agissent, sous l’oeil des caméras des administrateurs. Ils frappent et insultent, profèrent des menaces haineuses, et accomplissent ce que le pouvoir attend d’eux : mater les individus qui dérangent et dresser les autres à l’inertie. La répression à laquelle nous avons dû faire face le mardi 10 novembre, lorsqu’ a été tentée, une seconde fois, la destruction du mur, n’est que l’expression paroxystique d’une violence qui se fait d’ordinaire plus diffuse, faite de mots, de regards, de sarcasmes, de contrôles de carte, de coups de matraques, de surveillance, de remarques professorales mesquines, de quadrillages de l’espace en zones à fonctionnalité unique (circuler, écouter, chier, manger : « Circulez, y’a rien à faire ! »). L’urgence déréglée des vigiles est une arme sur laquelle comptent ceux qui les paient.

Devant une action menée en pleine conscience, dans une volonté de lutter contre la séparation généralisée que voudrait imposer la structure universitaire, et qui se trouve accompagnée d’un banquet où nous discutons et rions, les vigiles, hors d’eux, ne peuvent que réagir par une violence exercée sur des personnes, tapant dans le tas. La violence portée sur un « bien » matériel, symbolique et injustifiable n’appelait en aucun cas une telle réaction brutale. De surcroît, il nous semble surréaliste que des vigiles sachent déjà si bien retourner la situation à leur avantage en portant plainte contre une personne accusée d’avoir démoli, non pas un symbole, mais 5 personnes à lui tout seul. Cette réactivité, et cette série de faux témoignages, nous apparaissent dangereuses pour chaque étudiant, plus personne n’étant désormais à l’abri de violences abusives, et ce dans une impunité totale. Car l’avantage de l’apparition de sociétés privées de vigiles dans les universités consiste à pouvoir laisser réagir des bandes désorganisées et irresponsables de casseurs habillés de bleu et dont les abus ne sont pas même assumés par l’administration qui les emploie.

A aucun moment, les responsables de Nanterre n’ont essayé de comprendre ce qui se passait en son sein : désormais leur ligne est claire : les étudiants sont des ennemis et les pleins pouvoirs de répression immédiate, sans jugement, sont remis entre les mains de vigiles vulgaires et brutaux. Par cette utilisation imbécile de la violence, nous accusons le directeur de Paris X, Olivier Audéoud de mettre une guerre des gangs à l’ordre du jour. Nous en prenons acte. Nous sommes prêts. A la Sorbonne comme à Nanterre, le contrôle de carte et la vidéosurveillance s’installent dans la passivité collective, comme si allait de soi la transparence nécessaire de chacun, l’exclusion de ceux qui ne payent pas, la transformation de la fac en coffre-fort.

A la Sorbonne comme à Nanterre, ceux qui ne se sont pas résignés organisent et participent à des repas collectifs (le Goutey de la Sorbonne, le Banquet de Nanterre) qui manifestent convivialement le refus de l’atomisation et le plaisir du partage. Ces moments sont l’occasion de tisser des liens qui permettent de créer des projets communs qui se réalisent hors du non-lieu, ce couloir que devient la fac. Il ne s’agit pas de s’adonner à une critique passive d’un monde à contempler, de tenter de l’expliquer jusqu’à la justification, de vouloir améliorer des « conditions de vie existante », nous tentons de bouleverser le quotidien qui nous est imparti. Autour de cette histoire, on peut mettre à jour la transformation de l’université en laboratoire du contrôle généralisé : on teste sur « le » jeune son degré d’acceptabilité d’une vie mise-à-nue : les cartes d’étudiants ont depuis cette année des photos stockées sur fichiers informatiques, les cartes de métro navigo sont équipées de puces et les déplacements sont ainsi tracés et enregistrés, les entrées et les lieux de regroupement des facs sont équipées de caméras, les inscriptions et les démarches universitaires se déroulent obligatoirement sur internet... C’est donc tout un monde d’humains transformés en données qu’expérimente aujourd’hui l’université, et quand on détruit un mur de trop, la réponse est sans appel : violences et arrestations.

Cette affaire ne fait donc pas que rappeler les arrestations d’étudiants qui ont lancé mai 68, elle porte aussi en elle un combat actuel : notre refus de servir de cobayes pour la construction d’une société où le pouvoir s’exerce autant dans la répression en aval que dans le contrôle en amont de toute action politique. Ce que les chefs d’université veulent, c’est tout simplement l’anéantissement de la possibilité même d’avoir une posture politique dans les facultés qui sorte du cadre apprivoisé des syndicats. L’accusation de Sébastien Schifres, étudiant en maîtrise de sociologie, bouc émissaire de la Justice, porte sur un acte de « destruction des biens d’autrui » et un acte de « violence en réunion », alors même que des étudiants ont dû subir la violence déréglée des vigiles après avoir effectué ce geste politique de destruction. Cette destruction est l’un de ces actes par lesquels s’exprime négativement la résistance des formes de vie inadaptées à la vie mortellement ennuyeuse, stérile, solitaire et productive à laquelle l’ensemble du système tend à nous déterminer comme il l’a déjà fait avec la génération précédente.

Exiger la libération de Sébastien Schifres, c’est refuser une logique globale d’enfermement et de séparation visant à empêcher toute forme d’organisation collective consistante fondée sur des affinités sensibles. Exiger sa libération, c’est choisir le camp de ceux qui, non sans difficultés ni peines, tentent d’organiser la désertion joyeuse et collective d’un monde qui tourne sans être le fruit de la volonté de quiconque et non le camp de la résignation à la vie carcérale et productive à laquelle tout nous assigne.

Participer aux diverses actions, comme les repas collectifs (le mardi midi à Nanterre, le mercredi après-midi à la Sorbonne) ou les rassemblements de soutien en faveur de Sébastien Schifres, en détention provisoire avant son procès du mardi 30 novembre, c’est montrer la puissance de notre attachement à notre monde qui résiste à la force de la bureaucratie politique aveugle et nuisible, c’est leur montrer que nous sommes là et que nos liens ne pourront se défaire. L’université neutralise l’esprit critique, inculque la discipline et la mise au pas intellectuelle ; l’étouffement généralisé, les conditions d’existence pourries, le cloisonnement des vies vers un contrôle total de l’individu, s’étendent depuis les « espaces publics » jusqu’aux intimités. L’université comme lieu de rencontres conviviales se transforme, à la mesure d’une société concentrationnaire, en supermarché gigantesque : surveillance, rondes, caméras, contrôles... Les oeuvres de critique de ces conditions spectaculaires d’existence et de non-vie, sont réprimées de plus en plus violemment.

VIGILES HORS DES FACS LIBERONS SEB

RDV quotidien 12h30, bâtiment D, fac de Nanterre Banquet/Assemblée tous les mardi-12h, bât D, fac de Nanterre Goutey Otonome tous les mercredi, hall des Amphis, Sorbonne

Procès mardi 30novembre 12h bâtiment D fac de Nanterre (rerA Nanterre U) 14h Tribunal de Nanterre (rerA Nanterre Préfecture)

RassEMBLEmenT JeUdi 25 NoVemBre 12h30 HaLl des AmPhIs SorbOnne liberonsseb@hotmail.com