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Une nouvelle chance pour Cesare Battisiti

Publie le mardi 16 novembre 2004 par Open-Publishing


Avocat de l’ex-activiste italien, Éric Turcon revient sur la condamnation,
la semaine dernière, de la contumace italienne par la Cour européenne des droits
de l’homme.


de Laurent Mouloud

Mercredi dernier, la Cour européenne des droits de l’homme, statuant sur un cas
très proche de celui de Cesare Battisti, a estimé que le fait d’interdire tout
nouveau procès à une personne condamnée en son absence constituait un « déni
de justice ». Elle demande donc à l’Italie de prendre des « mesures appropriées » pour
modifier sa législation. Cette condamnation de la contumace italienne par les
juges de Strasbourg éclaire brusquement l’avenir de l’ex-activiste italien, en
fuite depuis la fin du mois d’août dernier (lire l’Humanité hebdo du 13 novembre). Éric
Turcon, avocat de Cesare Battisti, se réjouit de cet arrêt qui conforte les arguments
qu’il défend depuis des mois.

Cet arrêt représente-t-il vraiment une nouvelle chance pour Cesare Battisti ?

Éric Turcon. Oui, je le pense. Cet arrêt désigne l’Italie comme un pays qui ne respecte pas les règles européennes en matière de contumace. Or, c’est exactement l’un des arguments que nous défendons depuis le début de cette affaire. Les personnes condamnées in absentia en Italie - comme ce fut le cas pour Cesare Battisti - n’ont pas, à l’heure actuelle, la garantie de pouvoir bénéficier d’un nouveau procès lorsqu’elles sont retrouvées. Le garde des Sceaux, Dominique Perben, et la Cour de cassation ont estimé tour à tour que cela ne contrevenait pas au droit communautaire. La Cour européenne en personne vient de leur rappeler qu’ils se trompent. Cette procédure viole bien l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qui institue le droit à un procès équitable. Désormais, l’Italie a trois mois pour faire appel devant la « grande chambre » de la Cour européenne

qui, j’en suis persuadé, devrait confirmer cet arrêt. Et - pousser l’Italie à adapter sa -législation.

L’affaire qui a motivé cet arrêt est-elle vraiment comparable à celle de Cesare Battisti ?

Éric Turcon. Même si elle n’est pas tout à fait la même, elle est analogue sur bien des points. Notamment sur le fait que Battisti, accusé de quatre crimes par un repenti, le fameux Pietro Muti, n’a pas pu se défendre de ces attaques. Peu importe que, contrairement au cas jugé par la Cour européenne, Battisti ait pu, à l’époque, discuter avec son avocat. Il y a aujourd’hui un accusateur, il s’appelle Muti, et ce que l’on réclame, c’est de pouvoir lui répondre lors d’un nouveau procès où les droits de la défense seront respectés.

Que se passerait-il si Cesare Battisti était arrêté - aujourd’hui ?

Éric Turcon. Il y a deux hypothèses, selon l’endroit où il se trouve. Au cas où Cesare Battisti serait arrêté en France, nous avons introduit un recours provisoire, purement formel, auprès du Conseil d’État dans les jours qui ont suivi la signature du décret d’extradition par Jean-Pierre Raffarin. Cela nous permet ainsi d’être sûrs que Cesare ne sera pas renvoyé en Italie immédiatement. Pas avant, en tout cas, que le Conseil d’État ne se soit prononcé. C’est d’autant plus important que ce dernier va devoir, désormais, prendre en compte dans sa jurisprudence cet arrêt de la Cour européenne. S’il passe outre, il prend le risque d’un nouveau recours devant les juges de Strasbourg. Et donc d’une condamnation, cette fois, de l’État français. En revanche, si Cesare Battisti est arrêté à l’étranger, cela ne dépend plus de la France. C’est à l’Italie de faire une nouvelle demande d’extradition à cet autre pays.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-11-15/2004-11-15-449877