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Hollande a donné son feu vert pour l’extradition d’Aurore Martin

par Mediapart

Publie le jeudi 8 novembre 2012 par Mediapart - Open-Publishing
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François Hollande a validé l’extradition vers l’Espagne de la militante basque Aurore Martin arrêtée près de son domicile de Mauléon, le 1er novembre, selon des informations obtenues par Mediapart. La jeune femme avait été immédiatement livrée à la police espagnole. « Des consultations au plus haut niveau » impliquant les ministres concernés et le président ont été conduites avant d’ordonner le transfèrement de la jeune femme, a-t-on confirmé officieusement à l’Élysée.

Hier encore, Manuel Valls assurait devant l’Assemblée nationale qu’il n’avait « pris aucune décision ». Tout en maintenant que l’exécution du mandat d’arrêt européen MAE était « une décision de la justice » qui a été « appliquée sous l’autorité du parquet général de Pau ». « Ce n’est pas du ressort du ministre de l’intérieur que je suis », a-t-il soutenu. « Ce n’est qu’après avoir décliné son identité qu’Aurore Martin a été identifiée comme personne recherchée », a aussi indiqué le ministre.

Selon les informations recueillies à l’Élysée, l’interpellation d’Aurore Martin n’avait au contraire « pas de caractère fortuit ». « Les bonnes relations du président avec les autorités espagnoles et la volonté de renforcer la lutte antiterroriste facilitent ce type d’opération », a poursuivi cette source. Le 22e sommet franco-espagnol, qui s’est tenu à Paris le 10 octobre 2012, sous la présidence de François Hollande et Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, en a été l’illustration.

Mariano Rajoy et François Hollande, le 10 octobre© Reuters
« Avec les Espagnols, la coopération ne porte pas que sur ETA, et c’est un ensemble qui est pris en considération », commente-t-on. Les sujets sécuritaires recouvrent une vaste zone, partant du Maghreb jusqu’au golfe d’Aden (l’opération militaire Atalante), ou du golfe de Guinée jusqu’en Méditerranée. Ainsi, l’Espagne « fait partie des priorités ».

Selon l’Élysée, les chefs d’accusation visant Aurore Martin ne sont « pas anodins », contrairement à ce que soulignent tous les observateurs. La militante était réclamée pour son engagement au sein de Batasuna, un mouvement interdit en Espagne en 2003, mais qui est resté légal et actif en France jusqu’à aujourd’hui. Membre du bureau national de Batasuna, Aurore Martin est intervenue lors de plusieurs conférences de presse en 2006 et 2007, et elle a également été salariée du groupe parlementaire du Parti communiste des terres basques, en 2007.

« Je suis accusée d’association de malfaiteurs, donc d’actes terroristes, pour le seul délit de m’être exprimée publiquement lors de différents événements, au nom de ma formation politique », expliquait-elle dans un entretien à Mediapart en 2011. Cette situation ubuesque n’a pas été clarifiée par la cour d’appel de Pau qui a validé l’extradition en novembre 2010.

La Cour avait fait un tri. Elle refusait « la remise » de la militante aux mains des Espagnols pour les faits qui concernaient son activité en France, mais l’acceptait pour le reste : les conférences de presse en Espagne. Hier, les soutiens de la militante ont souligné que l’Audiencia nacional avait réintroduit les faits exclus par la cour d’appel de Pau dans son acte d’accusation, ce qui pourrait leur permettre de soulever l’illégalité du transfèrement.

La procédure du mandat d’arrêt européen – introduite en 2004 dans le code de procédure pénale français – autorise la remise des nationaux aux autorités requérantes, et permet sa mise en œuvre « sans contrôle de la double incrimination » – la concordance juridique des poursuites entre les deux pays – s’agissant notamment d’actes terroristes. Mais la procédure prévoit aussi que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen peut être refusée s’il apparaît que l’autorité étrangère envisage de poursuivre ou de condamner une personne pour ses opinions politiques. Or les faits reprochés à Aurore Martin par l’Espagne relèvent précisément d’une activité politique classique.

Questionné par France Bleu Pays basque, en juillet 2011, après l’échec de l’arrestation d’Aurore Martin – protégée par une foule de militants à Bayonne –, François Hollande jugeait qu’il y avait « un principe de clémence à faire respecter ». L’exercice du pouvoir a semble-t-il modifié son point de vue.

http://www.mediapart.fr/journal/france/071112/hollande-donne-son-feu-vert-l-extradition-d-aurore-martin

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