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Rions un peu avec Eric Zemmour

Publie le vendredi 28 novembre 2008 par Open-Publishing
11 commentaires

Arte vient de publier, à la demande du philosophe Cespedes, l’intégralité du débat ayant eu lieu lors de l’émission « Paris-Berlin, le débat » le 13 novembre dernier.
Ayant appris récemment qu’il me serait bientôt demandé à mon
abonnement internet de financer ce genre de programmes, j’eu la
curiosité de me renseigner afin de savoir ce qu’on vous faisait
actuellement manger pour ce prix. L’occasion de s’armer d’un paquet
de chip’s et de revenir sur l’une des performances les plus réussies
de notre petit numéro national.

Chaussures cirées, col boutonné, attention, Eric Zemmour passe sur
Arte.

Nous connaissions les nostalgiques du 3ème Reich, nous découvrons que nous avons désormais ceux de la 3ème République. Droit dans ses bottes mais les gros sabots en sus, nos amis allemands ont du se frotter bien fort leurs petits yeux écarquillés de voir surgir de la forêt de Sartre et de Levi-Strauss, un éléphant de compétition aussi à l’aise que dans un magasin de porcelaines.

Et dans les faits, ils ne sont pas les seuls. On aurait pu pourtant de
notre coté du Rhin se dire rodés, voir blasés, et, pourquoi pas,
déprimés par tant de nullité aussi arrogante que récurrente. Ce serait
sous-estimer la capacité de renouvellement de l’artiste.

Car Eric Zemmour, c’est une étonnante boîte à outil à votre service
qui arrive à vous faire traverser toute la panoplie des expressions de la
comédie humaine en l’espace de quelques minutes. Prenons-lui donc la
main et suivons le gaiement bras dessus-bras dessous dans l’intégralité
de ce voyage au pays des merveilles :

de la consternation introductive qui nous fait entrer de plein pied dans
le monde de Zemmour : :
(22 :05)
Eric Zemmour : « Qu’est’ce veut dire que ça n’existe pas (les
races) ? On voit bien que ça existe. »
Rokhaya Diallo : « Comment vous le « voyez » ? »
Eric Zemmour : « Ben la couleur de peau. »

A la colère :
(22 :19)
« J’appartiens à la race blanche, vous appartenez à la race
noire. »

Enchainant sur l’humour !
(22 :30)
Vincent Cespedes : « Entre un Malaysien, un Antillais, un
afro-américain, ils sont tous noirs. Et c’est la même race pour vous ?
 »
Eric Zemmour : « Ben oui. »

A la gravité :
(51 :25)
Eric Zemmour : « Vous savez il y a une phrase du général de Gaulle qui
disait : « C’est bien qu’il y ait des français jaunes, noirs ou
bruns. Mais il ne faut pas se voiler la face, la France est d’abord un
peuple européen de race blanche, de culture grecque et romaine, et de
religion chrétienne » »
Rokhaya Diallo : « Oui c’était peut-être le cas à l’époque »
Eric Zemmour : « Non. C’est comme ca depuis 500 ans. »

le doute :
(1 :00 :55)
Rokhaya Diallo : « Mais pourquoi vous parlez de français blanc ? »
Eric Zemmour : « Mais parce que… ben le francais blanc.Y’a des
francais blanc »
Vincent Cespedes : « Mais ca révèle ses idées. »

et, pour finir, la chute :
(01 :02 :00)
Rokhaya Diallo : « Vous êtes pour la répression des gens qui
s’appelle Rokhaya Diallo comme moi plutot que Marie Duval ?! »
Eric Zemmour : « Ah oui. »
Rokhaya Diallo : « D’accord c’est intéressant. »

A plusieurs moments on espère voir surgir un chat souffleur au bas de la
scène nous sussurer doucement : « Réveille-toi Ricounet ! T’es sur
Arte m’enfin, pas chez Ruquier ! ». Rien n’y fait. L’âme d’un
comique ne s’improvise pas. Alors nous continuons :

On lui parle de phénotypes. Droit comme un i, Kiki renchérit sur les
races.
On lui parle de modernité. Il cite De Gaulle.
On évoque la Seine Saint Denis du 21ème siècle. Il réplique sur les
ennuis scolaires du jeune Napoléon.
La modernité est dans la préhistoire.

Que dire ?
Estomaqué par l’arrogante nullité des performances de notre numéro
national, un spectateur allemand dans le public finira par lui répondre
posément :
(57 :15) « Vous dites tellement de choses de façon aussi provocantes.
Qu’on a beaucoup de mal à suivre. »

Pardonnons là dessus nos amis allemands, peu habitués ils connaissent
sans doute mal notre Saint Nicolas, à nous.

Alors pensons à eux, et, dans la continuité de la très bonne réplique
qui lui fut apportée sur le plateau, partageons quelques brefs petits
rappels

Petit complément de réponse à l’émission d’Arte

 La science n’est pas de votre bord

Monsieur Zemmour, laissez donc un peu de côté vos textes du 19ème et du
20ème siècles, et ouvrez donc le moindre ouvrage de génétique avant
d’ouvrir votre gueule. Vous y découvrirez que M. Cespesdes a
parfaitement raison de mentionner le phénotype comme fondateur de vos
différences et qu’en cela il n’y a pas de « races humaines » qui
tienne. Que vos barricades imaginaires, en opposition avec la continuité
des types humains, sont parfaitement incapable de rendre de compte de la
complexité du phénomène qui apparaît par exemple chez les
hétérozygotes porteur de gênes récessif non exprimés dans votre « 
visible ».
Curieux d’ailleurs cette propension des auto-proclamé évangélistes du
scientisme télévisuel à s’en remettre à la perception des sens, alors
que l’approche scientifique (réelle, et donc fort peu télégénique) ne
peut se baser que sur une rupture épistémologique.

 La vie n’est pas de votre bord

Tremblez amoureux des mythes « éternel » car la vie ne supporte pas
votre rigidité mortifère, elle n’est que liberté du mouvement monsieur
Zemmour, elle ne s’accommode pas de l’assignation au rôle. Et vos
ascendants, les vôtres comme ceux de tout être humain, vous ont léguez
les traces d’une origine africaine, que vous portez encore aujourd’hui
en vous. Oui au moment même ou vous assénez vos bêtises. Mais sans doute
pire, pensez que vos futurs lointains descendants pourront prendre tous les
exemples d’apparences physiques possibles loin de votre « éternel »
gaulliste, ne serait-ce que par une simple adaptation à une modification
du milieu physique. Vos parents et vos enfants vous ressemblent, un peu.
Vos grands-parents, un peu moi. Vos arrières, encore moins. Piégé entre
le passé et un avenir qui n’est pas encore, vous n’êtes aujourd’hui
qu’un point transitoire, comme le sont tous vos frères humains.

 La philosophie n’est pas de votre bord

Que dire de votre ignorance de Sartre, déjà très bien rappelé dans
cette lettre ouverte de Patience Philips. Un numéro qui se complait dans le rôle de l’« 
héritier de la littérature française » devrait pourtant savoir qu’on
ne pense plus, ou plutôt qu’on ne devrait plus penser ou juger,
aujourd’hui en terme de nature humaine, mais sur le sens que chaque sujet
libre choisit de donner à son existence. Sartre et les existentialistes
voulaient modifier la façon de chacun d’entre nous de percevoir son
rapport au monde. Curieux de voir certains promouvoir aujourd’hui le
chemin inverse.

 Le devenir historique n’est pas de votre bord

Enfin oui, bien au-delà du terme de « race » et du terme « métis »
dont Cespedes a très bien rappelé l’origine raciste, cela fait bien
longtemps que les concepts de « Noir », de « Blanc » et d’ « Arabe
 » ont été interrogés et analysés en retour comme porteur de sens, et
d’un sens bien spécifique qu’il vous est impossible de feindre
d’ignorer en 2008. En cela, préfaçant « l’Orientalisme » d’
Edward W. Said, Tzvetan Todorov notait :

« Le concept est la première arme dans la soumission d’autrui -car
il le transforme en objet (alors que le sujet ne se réduit pas au concept)
 : délimiter un objet comme « l’Orient » ou « l’Arabe » est déjà un acte
de violence. Ce geste est si lourd de signification qu’il neutralise en
fait la valeur du prédicat qu’on ajoutera : « l’Arabe est paresseux »
est un énoncé raciste, mais « l’Arabe est travailleur » l’est presque
tout autant : l’essentiel est de pouvoir ainsi parler de
« l’Arabe ». »

C’est dire à quel point ces mots ne sont là que pour saisir, saisir
l’Autre, littéralement, l’enfermer dans sa propre définition.. Et
Rokhaya Diallo a parfaitement raison de pointer du doigt qu’en justifiant
un concept sur une seule apparence vous niez par là même toute la
condition sociale qui est la véritable pierre fondatrice de tout le reste :

« Le jour où l’exploitation cessera, où nous la feront cesser,
personne ne verra même notre couleur. Nous ne sommes pas exploités parce que nous sommes noirs, c’est parce que nous sommes exploités que nous sommes Noirs. »

notait le philosophe africain Joseph Ki-Zerbo. Dis autrement : « Le
racisme (…) n’est qu’un élément d’un plus vaste ensemble : celui
de l’oppression systématisée d’un peuple »
(Fanon).

Et si on s’empresse tant de mettre en avant la couleur de peau d’un
Obama, d’une Yade ou d’une Rice, ce n’est pas tant au nom d’un : « 
on voit bien que » enfantin, que parce que cette couleur de peau est
encore aujourd’hui ailleurs le signe de l’exploitation ou de la
discrimination.

Alors Frantz Fanon avait mis à bas tout cet édifice, depuis tombé en
ruines, d’une formule très simple : « Le Nègre n’existe pas. Pas
plus que le Blanc ». Autrement dit, il n’y a qu’un seul monde pour
reprendre Badiou. Et à la vérité aujourd’hui il y en a deux, virtuels,
auxquels les concepts d’un Zemmour tentent de redonnent des béquilles.
En cela ce qu’il importe de voir c’est que ces mots que vous exhumez
des tombes et ressuscitez sont des concepts, et des concepts fallacieux,
c’est-à-dire des briques d’argiles qui permettent uniquement
l’élaboration d’un système de pensée bancal car perverti.
Comme le sont ailleurs bien d’autres mots comme : la « croissance »,
le « PIB » en tant qu’indicateur de « richesse » et le « 
développement ».

Mais on sent déjà rikiki gesticuler et se débattre : « On me
baillônne ! On m’attache ! Halte à la camisole , je ne suis pas fou !
On voit bien que (les ombres dansent dans la caverne et qu’on va repartir
pour un tour) »

Alors non personne ne vous interdit de continuer à persévérer dans la
bêtise malgré les avancées des autres, M. Zemmour, comme personne
n’interdit de classer parmi les ignorants de tels énergumènes en
retour.

Terminons par l’excellente question posée par la comédienne et
écrivaine allemande Renan Demirkan, dans la lignée de Vaneigem qui appelait à se jouer de tous les rôles mortifères, qui conclut
l’émission et à laquelle, après avoir feint de ne pas la comprendre,
face peut-être à un vide existentiel, vous vous montrez incapable
d’apporter la moindre réponse :

« Qu’est-ce qu’il reste de votre identité si on vous enlève votre
francai-ité ? »

 Lien vidéo : http://www.arte.tv/fr/accueil/Compr...

Messages

  • Le problème avec eric zemmour le comique c’est qu’il est payé.

    Donc je suis jalous et frustré, donc la blague nulle du soir (le dernier, après je prend la route).

    C’est Carla Bruni et Christine Boutin seules dans un ascenseur

    Soudain Christine plisse le nez d’un air dégouté

    "snif ? snif ? snif ? Mais !!! çà sent le sperme dans cet ascenseur !!"

    Et Carla en mettant la main devant la bouche, surprise puis riant :

    "Oh pardon j’ai roté".

    Bon, j’arrête pour aujourd’hui.

  • Je me souviens d’une rencontre (40 années de cela...) avec un ancien ouvrier italien (à l’époque, les imbéciles appelaient les italiens : les spaghettis...). Il ressentait ce mot comme une agression et souffrait comme des millions de personnes sur terre de ce racisme basé sur les sobriquets, l’humour, et autres formes déviantes et méprisantes savamment entretenues (ritals, beurs, japs, chine toque, et j’en passe). Sur la question des races, cet homme qui était près de la retraite (on la prenait à 65 ans) me disait : sais-tu combien il y a de races sur terre ? Conditionné comme tout le monde, je voyais le blanc, le noir, le jaune et pendant que j’y suis le marron. J’étais jeunôt ! Ma ptite demoiselle, me répondit-il, il n’y en a que trois :

     la race humaine
     la race animale
    et
     la race végétale

    Sujet à méditer pour les intellectuels

    • Sur terre, il y a la vie consciente ou inconsciente ?

      La notion de race et propre à la conscient de l’animale humain.

      Nous ne sommes qu’un feux follet dans le temps de la vie terrestre.

      Et par dessus tout, la prétention d’être un animale supérieur.

      Hyoo

  • Ce serait bien de relever aussi quand Zemmour tient des propos sexistes(c’est-à-dire tout le temps,il a un vrai problème avec les filles,cet homme !!),racisme et sexisme,c’est pareil.

  • Bravo, le coup de l’éléphant de compétition... j’en ris encore !!!
    Pas mal celle de Red1917, non plus ! Ces hommes hyperactifs ! Omniprésent !

    Mais il vient de répondre !

    Son humour est dans la dernière ligne, petite pirouette et cacahuète !

    Quel déconneur ce Zemmour !

    • Ouh mais là alors merci pour ce lien vidéo ! Un Didier Porte en très grande forme et un Zemmour, qui se lâche ouvertement au milieu de ses petits copains sur Radio Courtoisie - scatologues du monde entier, régalez-vous !

      Mais le plus drôle c’est quand même de le voir, lui, nain pensant reprendre J.-P. Sartre, lui qui n’en est que l’anti-thèse vivante, de l’anti-colonialisme à l’existentialisme, en passant par l’engagement et l’athéisme.
      Le complexe de la talonette fait apparemment fureur en France...

      PS : En passant une très bonne interview de l’anthropologue Didier Fassin sur Télérama.fr, où il il répond de manière finalement très concise :
      Et il faut répondre au polémiste : "Oui, la race existe, elle existe bien dans la tête de gens comme vous" et de tout raciste. Voilà, tout est dit.

  • http://www.vincentcespedes.net/blog/index.php?2008/11/29/25-double-polemique

    Très instructive, cette retranscription montre bien les choix pour le moins étranges du montage, et le contenu lepéniste de la cervelle de Zemmour.

  • Se fatiguer à faire un aussi long article pour étaler sa malhonnêteté intellectuel n’était peut-être pas nécessaire.

  • Les pro-zemmour sont bêtes et malhonnêtes. La retranscription de l’émission montre clairement que Cespedes, avant de sortir sa tirade qui a fait le tour de Dailymotion pour le discréditer, en vain, précise très clairement que le mot "race" doit "maintenant" être écrit entre guillemets. Quand il parle de "métissage" en Andalousie musulmane, c’est donc en se référant à la théorie des "races" qui sévissait à l’époque, et non parce qu’il confond les choses. Je vous renvoie à la retranscription :
    http://www.vincentcespedes.net/fr/Paris-Berlin.pdf

    Zemmour est ignare et dogmatique. Il parle de "races" et y croit dur comme fer, alors que ce concept est scientifiquement non opérant depuis longtemps :
    http://toutes-les-france.rfo.fr/index-fr.php?page=player_video&id_article=221

    Je me réjouis de savoir que Zemmour ne se relèvera pas indemne d’avoir été sonné dans cette émission qui, normalement, si Cespedes avait été plus gentil, aurait dû tourner en sa faveur, car il était entre amis :
    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article75468

  • Hof, tu sais, Zemmour... C’est quand même le mec qui a dit que le poil (chez le mâle) était le signe de la bestialité et de la prédation sexuelle. Encore un créationniste qui doit croire que Dieu a inventé l’épilation laser avant la femme.
    Ça me fait marrer, les types qui n’ont pas assez d’intimité avec leur nana pour savoir qu’elle s’épile, mais qui en ont suffisamment avec De Gaulle pour le citer à tout bout de champ. Et De Gaulle ceci, et De Gaulle cela. Charles a dit des millions de choses, comme tout le monde, qu’on peut triturer dans tous les sens hors contexte. Tiens, qui se souvient qu’il a dit "putain, encore une rue Charles De Gaulle" ?... Ou encore "ces vins blancs alsaciens, ça me fait pisser comme une vache à tous les coups" ?. Eh ouais, les citations c’est comme le vernis. Quand on gratte, on trouve les poils derrière.