Accueil > un naufrage régulé et transparent...

un naufrage régulé et transparent...

Publie le lundi 3 novembre 2008 par Open-Publishing

CE MERCREDI 5 NOVEMBRE 2008

A 18H30

C’EST « L’HEURE DE L’METTRE »

Sur RADIO CAMPUS Lille 106,6

En direct et en archives sur www.campuslille.com

Face à l’avalanche de milliards dévalant l’actualité, le prolétaire abasourdi eut besoin d’un temps de réflexion : « Hein ? Combien ? ». Le résultat, confirmé, le laissa incrédule. Il regarda sa fiche de paie, mesura son découvert à la Caisse Populaire Agricole Générale, calcula le prix de sa survie dans les rayons surchargés du Grand Bazar, additionna tout ce qu’il posséderait le jour où il aura fini de le payer, se souvint du trou « abyssal » de la Sécu, des évidences économiques du genre « il faudra travailler plus longtemps pour payer les retraites », ou encore « travailler plus pour gagner plus », relut à nouveau les chiffres faramineux garantis aux banquiers, et s’aperçut finalement qu’il était nul en maths. Il y a des langues étrangères qu’on ne comprend pas, de même, il existe des chiffres qui nous sont fondamentalement étrangers. Ces milliards, c’est de l’hébreu ! Euh… Non, c’est plutôt du chinois.

Mais le prolétaire n’en est pas quitte avec les problèmes. Même et surtout si les chiffres sont improbables, il reste une question entière : d’où viennent ces milliards ? Cette question n’est pas encore finie d’être posée que déjà, une autre, tout aussi cruciale, vient bousculer le raisonnement et compliquer l’équation : OU vont ces milliards ?

Là, on n’est déjà plus dans les mathématiques, mais l’astronomie. Il faut de l’expert, de l’outillage, une échelle des grandeurs, un autographe de Christine Lagarde, un fer à cheval et une pincée de poudre de perlimpinpin. Une petite. Versez le mélange dans un tonneau sans fond, attendez quelques instants et là, le Grand Mage Sarko en sort, et tout s’éclaire. Il déballe une petite table et trois gobelets :

« Hop hop hop ! Y sont où les 360 milliards ? Là ? Ben non, ici ! On les met où ? Hop hop hop ! Ici ? Ben non là ! Tu croyais qu’on sauvait les banques ? Hop hop hop ! Ben non, c’est toi, prolétaire, qu’on a sauvé ! ». Etonnant non ? Au bonneteau, on appelle cela LA TRANSPARENCE.

Les banques n’ont qu’à bien se tenir. La transparence. C’est comme braquer un projecteur sur une troupe de vampires. On devine déjà les commissaires du peuple épluchant méticuleusement les fruits de la croissance, assis sous un palmier aux Îles Caïman. Les ministres UMP allant recompter chaque petit sou distribué dans la sébile du Crédit. C’est que c’est vicieux un banquier. Il est pas là pour réguler le banquier. Et têtu avec ça : si le foin est à la Bourse, il spécule, il consolide, il rachète, il revend… Et le foin est à la Bourse.

Le prolétaire peut légitimement s’interroger : cette plus-value, extorquée sur mon travail, est-elle au moins bien gérée ? Est-ce qu’on peut, comme pour les bœufs, établir une traçabilité ? Notez que nous sommes aux limites de ce qu’il est convenu d’appeler LA CONFIANCE. C’est pourquoi le petit camelot s’agite dans les allées du marché libre, vendant à la criée de la « transparence » à pleins paquets, de la morale en veux-tu en voilà, et du capitalisme qui lave plus blanc que blanc. Et « plus blanc que blanc, c’est transparent. »

Nous, on les prend au mot : on sera plus transparents que jamais. On verra mieux que jamais derrière les licenciements massifs, le chômage et la précarité, et la paupérisation en marche, et la guerre sociale en cours, et la guerre tout court, la ruine d’un système économique où la recherche effrénée d’un profit toujours plus grand, d’une exploitation du travail toujours plus féroce, conduisent nécessairement à une crise de surproduction, et à tout ce qui précède. En toute transparence, il nous faudra décréter le salut commun. Et battre le fer quand il est chaud. Les chiffres nous échappent, mais le nombre est avec nous… C’est l’heure de l’mettre !