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Contrats territoriaux en Isère :
Publie le samedi 17 février 2007 par Open-Publishing2 commentaires
Contrats territoriaux en Isère : un nouveau pas vers la liquidation des communes ?
Contribution de Bruno LEQUAY, Maire de Bossieu à propos des "Contrats territoriaux"
Depuis l’année 2006, le Conseil Général de l’Isère met en place une nouvelle politique de « soutien » aux territoires qui composent le département par l’élaboration des « contrats territoriaux » et la déconcentration de ses services. De quoi s’agit-il et quels sont les enjeux et les effets de cette réforme ?
L’argumentation officielle pour la mise en place de ces contrats est double :
- être plus proche des élus locaux et des citoyens en « déconcentrant » le fonctionnement des services du Conseil Général, en créant des « maisons du département » sur chaque territoire ;
- réduire l’aide aux petites collectivités et rationaliser la dépense publique en garantissant aux communes et collectivités le financement des projets déposés auprès du Conseil Général. Dans le cadre des contrats territoriaux, les collectivités seraient assurées d’un engagement du Conseil Général à soutenir leurs projets, sous réserve que ceux-ci soient inscrits dans ces fameux contrats territoriaux (1).
Passons sur le premier argument. Il faudra dans quelque temps faire l’évaluation exacte de l’impact réel sur les citoyens de cette nouvelle organisation. On peut sans prendre de grand risque, induire de ce changement l’augmentation des coûts de personnel, dont une partie importante est du personnel d’encadrement non affecté directement au service des citoyens et des collectivités, mais à des tâches d’encadrement et de gestion.
Quelle sera l’efficacité de ce changement ? Que je sache, celui-ci ne change rien dans les délais de traitement des demandes d’APA ni dans celle d’un dossier de demande de subvention pour une commune. Le problème n’est pas la proximité du service sur le plan géographique, mais l’accessibilité et la disponibilité des moyens pour répondre rapidement et efficacement à la demande du citoyen ou de la collectivité. L’enjeu est de faire en sorte que le département se donne les moyens de l’ambition affichée. Que les dossiers APA soient traités rapidement et que les montants alloués correspondent effectivement aux besoins des personnes qui en font la demande. Et cela c’est d’abord une question de moyens affectées à une politique « généreusement » annoncée mais qui ne se traduit pas dans les faits. Le même raisonnement peut être tenu à propos des aides en direction des collectivités.
Avant 2006, existait un système d’inscription des dossiers de demande de subventions des collectivités locales qui, bien qu’imparfait (pour l’obtenir encore fallait-il passer sous les fourches caudines de la décision politique d’inscription au budget du département), assurait malgré tout une lisibilité quant aux chances de voir un projet d’initiative communale soutenu financièrement par le Conseil Général. Le principe en était simple : un document élaboré par le Conseil Général que chaque élu conservait précieusement et qu’il consultait lors de chaque projet, précisait selon le type de projet, l’indice de richesse de la commune (et d’autres critères) à quel taux de subvention celui-ci pouvait être soutenu. Une fois l’information confirmée par les services du Conseil Général à Grenoble, le projet déposé devait être soutenu activement par ses porteurs pour ensuite être inscrit au titre des projets subventionnés. Certes les délais étaient parfois longs. Certes des projets qui n’avaient pas été réellement engagés étaient déposés et venaient « gonfler » artificiellement la liste des projets à soutenir financièrement.
Mais enfin, la lisibilité des engagements était respectée. En cas de conflit, tous les élus pouvaient se référer à ce document unique. C’est ce qu’on appelle le principe d’égalité.
Aujourd’hui, le document n’existe plus. A la place, des enveloppes territoriales dont le montant est déterminé au niveau central et dont la gestion est « confiée » aux élus du territoire. Ainsi, pour le territoire de Bièvre Valloire, une enveloppe de 2,6 millions € est allouée pour les 4 années à venir (2). Comment se décident les choix de soutien à tel ou tel type d’investissement ? Dans le cadre des contrats territoriaux au cours de « conférences territoriales » où les maires et conseillers généraux vont devoir, au nom bien sûr de leur responsabilité, décider de soutenir tel ou tel type de projet. Comment prendre des décisions à 60 par exemple pour le territoire de Bièvre Valloire ? Pour arriver à mettre tout ce monde d’accord, la solution retenue est de réunir dans un premier temps les élus d’un canton, sous l’égide du Conseiller général et de décider des projets qui doivent ou non être soutenus. Quels effets aura ce nouveau dispositif ?
Passons sur l’argument fallacieux d’une responsabilité nouvelle des élus signe d’une reconnaissance de leur capacité de décision. On croit rêver. Autrement dit, comme en matière de santé, prenez-vous en main (3). Et si ça ne marche pas c’est que vous y êtes pour quelque chose.
Tout d’abord constatons que la décision de soutien d’un projet communal ne se fera plus sur la base d’une volonté exprimée par les conseils municipaux dans le cadre du débat démocratique et garanti par la transparence des critères de financement. Elle obéira à une logique de mise en concurrence des projets entre communes (fin de la souveraineté des communes à élaborer et mettre en œuvre des projets d’intérêt communal), et à une logique du moins-disant puisque une fois la décision prise de soutenir tel ou tel type de projet, l’enveloppe se verra amputée d’une part qui ne sera plus disponible pour d’autres.
Quel sens peut-on donner à cette réforme et qu’est-ce qui se trame derrière cette fameuse « rationalisation » de la dépense publique ? Tout d’abord il est signifié clairement aux élus locaux qu’ils étaient auparavant incapables de gérer de façon saine leur commune puisqu’on leur demande maintenant d’être responsable de la gestion d’une pénurie qu’ils n’ont pas décidée. Est signifié aussi aux citoyens que la commune n’est plus le vrai espace de décision démocratique puisque d’une part les décisions de soutien à tel ou tel projet échappe à toute transparence garantie par le pouvoir central, d’autre part que ce n’est plus dans le cadre d’un conseil municipal que se décide l’engagement de tel ou tel projet, mais dans le cadre d’une conférence territoriale où le sort dudit projet de telle commune dépend d’abord et avant tout de l’épaisseur de l’enveloppe allouée au territoire (épaisseur sur laquelle l’élu de la commune n’a évidemment aucune prise).
Notons aussi que cette pénurie organisée n’est que la conséquence directe d’une décision de la France d’adhérer au traité de Maastricht et de s’engager dans l’Union Européenne laquelle impose des réductions drastiques de toutes les dépenses publiques, c’est-à-dire celles qui s’exercent pour les citoyens via leurs élus à leur bénéfice.
Ce qui se profile aussi c’est un nouveau type de rapport entre collectivités, fondé non plus sur le principe de délimitation des compétences et d’architecture générale des instances démocratiques où l’initiative populaire est première (la nation, le département, la commune), mais sur celui de contractualisation sur des objectifs dont la définition appartient essentiellement à celui qui finance. Quel en est l’instrument privilégié ?
Le contrat apparaît désormais comme le régulateur de la dépense publique. Vous avez un projet de développement, qu’à cela ne tienne, vous signez un contrat. Un contrat de développement territorial (Région Rhône Alpes), un contrat Etat/Région, un contrat territorial (Conseil Général). Foin d’une politique démocratiquement établie, soumise aux règles du débat contradictoire, de l’argumentation, de la lutte, disposant des moyens de sa mise en œuvre, vive le contrat. Parés de toutes les vertus, les contrats seraient supposés régler les problèmes de la décision et des choix. Ou plus exactement, ils ont pour fonction de taire l’idéologie dont ils sont les instruments, celle de la négation des inégalités et de leur cause.
Comme toujours, la notion de contrat que ses partisans déclarent « égalitaire » puisqu’elle suppose théoriquement la liberté et l’égalité des parties contractantes, n’est qu’un leurre pour faire passer la pilule. Dans la réalité, que constate-t-on bien souvent ? Le contrat n’est qu’une manière d’aménager la domination et/ou l’exclusion puisque les positions sont généralement parfaitement inégalitaires et taisent absolument les conditions sociales de réalisation du contrat et des contraintes qui pèsent sur ses signataires (4).
Revenons à nos contrats territoriaux. Dans ce cadre, les élus communaux, représentants et défenseurs de la libre volonté des communes, se transforment en agents de leur propre disparition. Lorsque l’élu d’une commune sera confronté à l’absorption complète de l’enveloppe territoriale par des projets portés par les grandes collectivités et que le projet voulu par son conseil municipal ne pourra être soutenu financièrement, que lui restera-t-il comme marge de manoeuvre ? S’opposer par le vote au sein de la « conférence territoriale » ? Sauf à considérer que cela s’inscrit dans une démarche majoritaire, on peut sans peine imaginer de quel soutien il disposera dans ses futures démarches. S’abstenir ou voter favorablement et c’est la fin de l’autonomie des communes.
L’étape suivante qui se profile est donc la concentration des investissements sur les collectivités les plus importantes et/ou vers celles qui accepteront (sans trop sourciller) de déléguer leurs compétences à des collectivités de regroupement pour bénéficier d’un poids plus important dans le débat. Ainsi, le contrat territorial peut devenir un instrument puissant pour pousser encore un peu plus à la concentration des compétences au sein des communautés de communes ou d’agglomération et du même coup à la disparition ou de façon plus perverse et lente, à la vidange systématique de toute capacité de décision des conseils municipaux.
Dans le cas de figure où vous devez gérer une enveloppe financière dont le montant échappe à votre décision, quelles solutions se présentent à vous ?
- gérer la pénurie en vous coulant dans les orientations majoritaires qui laissent de côté toute initiative et toute créativité communale ; vous allier avec d’autres dans le cadre du seul instrument aujourd’hui autorisé : la communauté de communes ou d’agglomération ;
- demander à disposer du pouvoir de décider des instruments de définition de l’enveloppe affectée à votre territoire, c’est-à-dire l’impôt ; si l’on pousse la logique jusqu’au bout, ce qui se profile c’est la possibilité pour chaque territoire de décider d’une part variable d’un impôt qui n’est ni un impôt « local » (alors qu’il ne l’a jamais été) ni un impôt « général ». Autrement dit, le risque d’un impôt différencié par territoire est réel. Avec les conséquences en terme de concurrence entre territoires et d’inégalités territoriales renforcées. Le Conseil Général n’est alors plus le garant d’une politique départementale unique et d’un soutien aux projets des collectivités, il devient l’agent du transfert de responsabilité, c’est-à-dire d’une manipulation à l’encontre des citoyens et des élus.
Lorsque les responsables des partis traditionnels en appellent à l’esprit de responsabilité des élus locaux, alors même qu’ils leur témoignent très directement et régulièrement le peu de confiance qu’ils ont en eux, et que l’enjeu est de leur faire porter le poids d’une responsabilité qu’ils n’ont pas voulue et décidée, on peut commencer légitimement à se poser des questions sur l’idéologie qui porte ces propositions.
Certains pensent peut-être qu’il s’agit d’anticipation irréaliste ou du refus d’une prise de responsabilité (5)... Elus, nous avons toujours pris nos responsabilités quand il s’agit de défendre nos communes et leurs citoyens. Je préfère alors alerter pour résister que faire le constat amer que nous savions ce qui se passait, mais n’avons rien fait.
Il n’est pas possible d’accepter ce nouveau pas vers la destruction des communes. Quelles solutions envisager ? Au niveau départemental, la première démarche serait d’abord d’affecter aux communes les moyens de leur développement. L’enveloppe globale affectée par le département aux collectivités doit être largement augmentée pour permettre « d’absorber » les projets déjà engagés et pour soutenir ceux que les conseils municipaux vont décider de réaliser. Nous devons aussi revenir à une logique de garantie par le département des taux de subvention selon les projets et la richesse des communes. Le système des enveloppes territoriales doit être supprimé parce qu’il n’est qu’une façon déguisée de contribuer encore plus rapidement à la disparition des communes.
A un niveau plus général, l’enjeu est de redéfinir une fiscalité locale claire et juste pour les citoyens et qui permettent aux collectivités de disposer de ressources pérennes et modulables selon leurs projets et leurs compétences.
Enfin, parce que les choses sont aussi claires que cela, il n’y a que dans la rupture avec l’Union Européenne et en particulier le traité de Maastricht que la nation retrouvera des marges de manœuvre politique et financière.
Aujourd’hui, seul Gérard SCHIVARDI, candidat des maires à l’élection présidentielle soutient cette position, pourtant défendu par une majorité d’électeurs lors du 29 mai 2005. Il nous faut tout faire pour que cette voix soit à nouveau entendue.
Bruno LEQUAY, Maire de Bossieu,
le 13 février 2007
1 - Une part des aides aux collectivités ne rentrent pas dans cette enveloppe territoriale : eau, assainissement, électrification rurale, logement, équipements structurants.
2 - Le montant total de l’enveloppe affectée aux 13 territoires est de 27 millions d’€ pour un budget global du Conseil Général de 1,2 milliard d’€. Autrement dit une goutte d’eau. Ce qui laisse penser que l’enjeu n’est pas d’abord financier, mais politique. Et qu’il s’agit bien de contraindre les communes (et singulièrement les petites) à ne plus pouvoir se développer selon leur volonté propre, celle exprimée par les citoyens, mais dans le cadre de regroupement de territoires. Le centralisme non démocratique de pays est en marche. L’asphyxie financière n’est qu’un moyen supplémentaire.
la suite(limitation a 15000 caracteres)...
http://www.schivardi2007.com/index.php?&menp=empty&mens=empty&pg=26
Messages
1. Contrats territoriaux en Isère :, 18 février 2007, 07:44
tout afait d accord ; gerard schivardi est le seul candidat qui est pour la RUPTURE avec l union europeene . source de regression dans tous les domaines:sante, poste,education,edf-gdf,secu,code du travail,fermetures ou delocalisation des entreprises,agriculture...Mais ce n est pas pour cela qu il est contre une europe ou chaque nation serait libre de s entendre en toute liberte avec d autre nations dans l interet des travailleurs et non ,comme c est le cas actuellement au profit des grands trusts internationaux qui veulent balayer tout ce qui les gene:services publics,code du travail,petites ou moyennes entreprises,cout du travail trop eleve:et pour cela il n y a qu une issue.ROMPRE AVEC LE TRAITE DE MAASTRICHT.55% DES FRANCAIS ONT BIEN VOTE NON EN 2005 ?.alors respectons leur verdict.La bolivie en nationalisant toutes les grosses firmes multinationales qui engraissaient leurs actionnaires,nous a montre un sacre exemple de courage politique.combien d habitants en bolivie ?
2. Contrats territoriaux en Isère :, 18 février 2007, 08:56
C’est un article difficile pour quelqu’un qui n’a pas l’expérience d’un élu, mais ô combien intéressant. On comprend mieux ce que veulent dire les élites politiques (de gauche comme de droite) lorsqu’elles affirment qu’il faut "passer d’une logique de guichet à une logique de projet".
L’auteur utilise beaucoup le mot "projet" (projet d’une commune...) dans son sens commun, c’est à dire quelque chose qui émane de soi-même (ou du groupe) et que l’on mène à bien. Mais les politiciens l’on détourné de son sens réel pour en faire un simple voeux soumis au bon plaisir d’un intérêt supérieur. Le mot "projet" prête maintenant à confusion, il faudrait employer un autre mot.