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Il concerne 15,1% des Français Comment vit-on avec le smic ?
Publie le mardi 15 mai 2007 par Open-Publishing2 commentaires
de Martine Gilson, Robert Marmoz
Trop cher pour les patrons et trop bas pour les employés, le smic aura été l’un des enjeux de la campagne. Alors que la part des travailleurs, payés au salaire minimum, a explosé en dix ans, enquête sur ces Français qui vivent avec 984 euros par mois
Faut-il augmenter le smic ? Donner un coup de pouce au salaire des 2,3 millions de Français qui gagnent 984 euros net par mois (1 254,28 en brut) ? Nicolas Sarkozy y est hostile. Il reste fidèle à sa ligne : « Il faut travailler plus pour gagner plus », grâce aux heures supplémentaires. Mesurée, Ségolène Royal entend porter le smic à 1 500 euros brut, d’ici à la fin de la législature, seulement. En revanche, elle ne compte pas se limiter au salaire minimum : elle veut « tirer vers le haut tous les salaires, notamment ceux qui sont juste au-dessus du smic ». Si elle est élue, elle réunira une conférence nationale sur les revenus dès le mois de juin. Peu à peu, la France devient un pays de smicards. Notre pays compte aujourd’hui 15,1% de smicards, contre 11,2% en 1995. Une proportion supérieure à celle des autres grands pays. Les raisons ? Chaque année, le smic augmente plus vite que le salaire horaire (1). Il concerne donc de plus en plus de Français.
D’autre part, les gouvernements successifs ont engagé une baisse des charges patronales depuis 1993 pour réduire le coût du travail des salariés peu ou non qualifiés. Aujourd’hui, cette réduction des cotisations patronales est dégressive jusqu’à 1,6 smic. Effet pervers : les chefs d’entreprise donnent peu ou pas d’augmentations, pour éviter de perdre ces exonérations de charges sociales. La CGT et la CFDT demandent la remise à plat des baisses de charges,un magot compris entre 20 et 23 milliards d’euros. Sans doute faut-il mieux les cibler. Mais tous les experts sont formels : si cette politique est remise en cause, ce sont des centaines de milliers d’emplois qui seront supprimés. « Si on continue à augmenter le smic, il faut poursuivre la baisse des charges, affirme Nicolas Bouzou, directeur de la société de prévisions Asteres.
Le nœud du problème, c’est notre taux de chômage. S’il n’y avait pas de tensions sur le marché du travail, il n’y aurait pas de tensions sur les salaires. » Pour Jean-Christophe Casset, de Natexis, « il y a ce qui est socialement souhaitable et ce qui est économiquement raisonnable ». Pas facile à faire comprendre, alors que les PDG du CAC 40 perçoivent en moyenne chaque année l’équivalent de 298 salaires minimum, c’est-à-dire plus par jour ouvrable que la rémunération annuelle d’un ouvrier ! Sans parler des parachutes dorés…
Martine Gilson
(1) Chaque 1er juillet, le smic est revalorisé par décret, en fonction de l’inflation. La hausse annuelle du pouvoir d’achat des smicards ne peut être inférieure à la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires horaires ouvriers. S’il le souhaite, le gouvernement peut donner « un coup de pouce ».
Sabrina
« Le 20 du mois, je vis déjà sur mon découvert »
Quand elle emménage il y a cinq ans dans ce 20-mètres carrés, au cinquième sans ascenseur, près de la porte Clichy à Paris, Sabrina n’a qu’un meuble, un lit. Enfin, un clic-clac. Viendront ensuite la télé et une chaise, à crédit. 28 ans, un bac pro
en hôtellerie, un anglais parfait, elle est réceptionniste dans un grand hôtel parisien. Elle gagne le smic, enfin, un peu plus, 1 200 euros, avec une prime d’ancienneté, une prime « repas », 4 euros par déjeuner ou dîner, et une prime de fin d’année. Elle travaille 39 heures mais, dans ce secteur, ce ne sont pas des heures supplémentaires.
Une semaine, elle débute à 7 heures et finit à 16 h 15, la suivante elle travaille de 13 h 45 à 23 heures. Deux jours de réduction du temps de travail par mois.
Dans son appartement, elle s’ennuie, quand elle ne travaille pas. Alors, elle descend prendre un café, avec un bouquin. « Sinon, j’ai le cafard », dit cette jolie fille d’origine mauricienne. « Pour les fringues, j’ai de la chance. Ma sœur est modéliste. Elle m’en passe. » Les chaussures ? « J’en achète deux paires par an, pour le travail. Sinon, je suis toujours en baskets. »
Forcément, quand elle touche sa paie, elle doit déjà déduire son loyer, 500 euros ; l’électricité : entre 30 et 60 euros tous les deux mois ; le téléphone : 40 euros. Une saisie sur salaire de 152,16 euros, pour régler ses dettes. « Dès le vingtième jour du mois, je vis sur le découvert autorisé par la banque, 300 euros. »
Alors, quand elle déjeune ou dîne chez elle, Sabrina se fait des pâtes. De temps en temps, elle achète des fruits frais. Elle « grignote ». Quand elle travaille, son entreprise lui propose bien un plat du jour, pour 5 euros. « Mais le soir, c’est difficile, à l’accueil. Ça ne se fait pas de manger devant des clients. Il y a bien un paravent derrière lequel on peut se cacher, mais ce n’est pas pratique. »
Les loisirs ? « Le week-end, quand je peux, je vais chez mes parents, en banlieue. Avec les copains, on se paie bien
un restau de temps en temps. En cinq ans, je suis partie deux fois en vacances, deux semaines. La première fois, c’était
à l’île Maurice. C’est mon père qui a payé le voyage. Les fêtes ? Heureusement que j’ai ces horaires. Je ne peux pas sortir, je suis crevée. »
Il y a peu, elle est tombée amoureuse du bagagiste de l’hôtel, smicard lui aussi. Il a la chance d’être propriétaire d’un 50-mètres carrés à Belleville. C’est son père qui l’a payé. Depuis, Sabrina rêve. Des dettes qu’elle va pouvoir rembourser, du loyer qu’elle n’aura plus à payer. Mais quand elle voit une jolie paire de chaussures à 40 euros, elle ne se précipite pas dans le magasin. L’habitude.
Daniel
« Nous nous habillons à la Croix-Rouge »
Il dit qu’il a « la grande chance » d’avoir un congélateur. Daniel, 34 ans, une femme, Nathalie, 34 ans aussi, deux enfants de 3 et 7 ans, est responsable des jardins dans une société de services à domicile. Quand il
touche sa paie – 1 158 euros net y compris les heures supplémentaires, nombreuses –, ce banlieusard du Val-de-Marne commence par payer ses factures. Le loyer, 637 euros, l’électricité. Et puis, il file chez Lidl et remplit son congélo pour le mois. La viande ?
Il l’achète chez un boucher qui fait des « colis » de 9 kilos pour 33 euros.
Bien sûr, il perçoit les allocations familiales et une aide au logement : 314 euros. De temps en temps, son patron lui donne une prime, entre 50 et 150 euros, pas tous les mois. Il lui a aussi offert un abonnement pour son portable, et prêté une voiture, du lundi au vendredi. Mais Nathalie, nourrice agréée, vient de perdre son job. Certes, bientôt, elle recevra des indemnités (690 euros). En attendant, il se prive parfois de déjeuner. Une devise : pas d’emprunt, pas de dettes.
Pas question de demander « l’aumône » à ses parents. « Ils m’ont élevé en se privant. » Son père, retraité, lui apporte des légumes de son potager. Et les grands-parents emmènent les petits en vacances, l’été, pendant
un mois. Des vacances, le jeune couple n’en a pas pris depuis sept ans. L’été, ils se
promènent, font du vélo, ne regardent pas trop la télé. Pas de restau, pas de cinéma. Des soirées entre copains, chez les uns ou
les autres. Le dimanche, Daniel accompagne son fils regarder le match de foot du coin ou lui apprend à jouer à la pétanque. A Noël,
ils offrent bien des jouets à leurs enfants, « une fausse Barbie » pour la petite fille. Mais pour ses parents, il se contente de pochettes avec des jeux, Bingo, Millionnaire, Tac o Tac. « On s’habille à la Croix-Rouge, explique-t-il. Mais quand ma femme voit dans un magasin une jolie jupe que je ne peux lui offrir,
ça me fait mal au cœur. »
Daniel et Nathalie ne se plaignent pas pour autant. « Je veux progresser, dit-il. On n’a rien sans rien. » Les salaires des PDG, les
parachutes dorés ? « Je n’y connais rien. S’ils gagnent autant, c’est qu’ils le méritent. Non ? » Leur bonheur, leur fierté, ce sont leurs enfants. « Sur le dernier bulletin scolaire de mon fils, le directeur a écrit : “C’est la locomotive de la classe”, c’est un savant. »
Martine Gilson
Sylviane
« Nous ne sommes jamais partis en vacances »
Sylviane trouve encore la force d’en rire. Souvent, même, pour « éviter le misérabilisme ». Parfois pourtant le rire grince : « Je trouve inadmissible à notre époque, en France, d’en arriver là. » Là, c’est-à-dire à l’approche de la soixantaine, d’être obligée de compter sans arrêt, de se priver de tout pour offrir le minimum à ses deux enfants, des adolescents, qui
vivent encore avec elle et François, son mari. Lui gagne un tout petit peu plus que le smic : 1 050 euros net par mois. Elle, beaucoup moins : 560 euros avec les allocations familiales
et une pension d’invalidité. Elle ne peut plus travailler. Une dépression nerveuse : cette ancienne et coquette VRP d’une grande marque de cosmétiques, à la défaveur d’une restructuration, a perdu son emploi au milieu des années 1980. Malade, elle n’en a pas retrouvé.
Mariés depuis dix ans, Sylviane et François vivent dans un logement social, un T4 dans une petite ville du Périgord. Lui est manutentionnaire, à quinze kilomètres de là. « Il a bien fallu acheter une voiture, la plus petite possible, mais neuve, pour éviter les frais de réparation. Elle ne lui sert qu’à ça : aller au travail. » Les autres déplacements ? En transports en commun. Les vacances ? « Depuis que nous sommes mariés, nous ne sommes jamais partis. » Il y a deux ans, Sylviane a dû être hospitalisée, pendant un mois, à une centaine de kilomètres de leur domicile. François a paniqué devant les frais que cette hospitalisation entraînait. Alors il a pris un crédit consommation dans une grande surface. Avec un taux d’intérêt avoisinant les 20%, ils en ont encore pour deux ans à rembourser.
« Le salaire de mon mari passe entièrement dans les remboursements de crédit et les frais fixes, dont les 264 euros de loyer mensuel restant, une fois enlevées les APL. » Alors, pour la nourriture et les vêtements… « Nos enfants aimeraient bien porter des marques, ils doivent faire des stages en entreprise où il faut bien présenter. Ils se contentent de ce que l’on peut trouver dans des magasins de discount. Ce n’est pas facile pour eux, surtout quand chez leurs copains de lycée ils voient les jeux, les vêtements de marque. » Discount encore pour la nourriture : « Ce n’est pas toujours très bon. En plus les ados sont des gros mangeurs… » Sylviane et François font durer leurs vêtements, le plus possible. Françoise ne sort pas, ou si peu. « Comme j’ai grossi du fait de ma maladie, je porte les vêtements de grossesse de ma fille ainée qui a plus de 30 ans, une bonne situation et deux enfants. Mais je ne lui ai jamais parlé de nos difficultés financières, je n’ai pas à l’embêter avec ça. »
Robert Marmoz
Messages
1. Il concerne 15,1% des Français Comment vit-on avec le smic ?, 15 mai 2007, 10:30
Des tranches de vies qui montrent une régression sociale. Pourquoi ne pas inonder le bureau du Médef de ces témoignages, ainsi que ceux de l’Etat, de l’Assemblée, du député de votre circonscription, et des médias bien-sûr. Il n’y a pas de honte à être pauvre. Si on l’est c’est parce que d’autres ne reversent pas l’intégralité de ce qu’on a gagné et fait gagner.
En attendant, NS va doubler les effectifs à l’Elysée, car dit-il, il a une famille plus nombreuse que celle de Chirac. Nous pouvons lui faire confiance, Sarkozy sera très généreux (avec nos impôts )avec toute sa famille (frères et soeurs, parents, enfants (3), enfants de sa femme (2), oncles et tantes...). Il est allé se les chercher le 6 mai pour nous les montrer. Faudra travailler plus, pour que les 5 enfants du couple aient accès à une alimentation de grande qualité, et puissent faire des études dans d’excellentes conditions. Pas besoin d’aller travailler au mcDo et faire des études en même temps, et en plus ils auront des femmes de ménage pour les servir. Une vie royale en quelque sorte !
Vous savez déjà que les heures supplémentaires dans son plan du "travailler plus pour gagner plus", sont en fait du "travail au noir", parce qu’il vient de se rendre compte que ces heures supp. ne seront pas prises en compte pour le calcul des retraites ! Alors j’ai beaucoup de mal à comprendre comment un homme d’une "telle intelligence", entouré de conseillers au QI surdéveloppé par rapport à nous la "France d’en bas", n’ait pas capté de suite que sa proposition ne tenait pas debout !
J’ai entendu aussi qu’il pourrait bien revenir sur les droits de succession et ne l’appliquer que pour la résidence principale, car pour ce qui est de la transmission de l’entreprise, on risque de se retrouver avec des patrons très âgés bloquant le développement de celle-ci.
Pour quelqu’un qui voulait moderniser, transformer de fond en comble la politique et nos habitudes, le voilà qui recule aussi vite qu’il a avancé, piochant dans le programme de ses concurrents pour masquer le vide de sa politique, qui n’était qu’un leurre.
Nous allons donc avoir la même politique que Chirac, avec les mêmes ministres, une police renforcée, et l’installation dans la précarité généralisée en faisant "sauter les derniers verrous", tant réclamés par le Medef et Parisot de se frotter les mains de bonheur. Mission accomplie !j
2. Il concerne 15,1% des Français Comment vit-on avec le smic ?, 15 mai 2007, 14:12
Le bilan officiel de Chirac.
CHOMAGE
décembre 1995 : 11,5% de la population active était au chômage, soit 2,9 millions de personnes
juin 1997 : 12,2% (3,1 millions)
juin 2001 : 8,6% (2,3 millions)
décembre 2002 : 9,4% (2,5 millions)
mai 2005 : 10,1% (2,8 millions)
mars 2007 : 8,3% (2,036 millions)
NIVEAU DE VIE :
1996 : le niveau de vie moyen mensuel s’établit à 1.270 euros
2004 : le niveau de vie moyen mensuel s’établit à 1.503 euros
RMI
nombre d’allocataires du RMI (France métropolitaine en données corrigées des variations saisonnières) :
décembre 1995 : 946.000
décembre 2006 : 1,1 million
PAUVRETE
– Taux de pauvreté (seuil à 60%, soit 788 euros par mois pour une personne seule) :
1996 : 13,5% (7,6 millions de personnes pauvres)
2002 : 12,2% (7,1 millions)
2004 : 11,7% (6,9 millions)
– Restos du Coeur
Hiver 1995/1996 : 50 millions de repas distribués
Hiver 2005/2006 : 75 millions de repas distribués
PRECARITE
– CDD et intérim :
1995 : 7,7% des salariés ont un emploi en CDD, intérim, stages ou emplois aidés
2002 : 11% des salariés ont un emploi en CDD, intérim, stages ou emplois aidés
2003 : 13,2% des salariés ont un emploi en CDD, intérim, stages ou emplois aidés
2005 : 13,6% des salariés ont un emploi en CDD, intérim, stages ou emplois aidés
– Temps partiel :
1993 : 13,7% des emplois étaient à temps partiel (26,3% pour les femmes)
2002 : 16,2% (29,7% pour les femmes)
2005 : 17,2% (30,8%)
EDUCATION :
Taux de réussite au bac :
1995 : 75,1%
2006 : 82,1%
DEPENSES DE RECHERCHE ET DE DEVELOPPEMENT :
1993 : 2,4% du PIB
2004 : 2,2% du PIB
DEPENSES DE PROTECTION SOCIALE :
1993 : 26,4% du PIB
2005 : 29,6% du PIB
DEFICIT PUBLIC :
1993 : 5,9% du PIB
2005 : 2,9% du PIB
DETTE :
1993 : 45,3% du PIB
2000 : 56,8% du PIB
2005 : 66,6% du PIB
CHARGE FISCALE GLOBALE (impôts et cotisations sociales)
1995 : 42,7% du PIB
1999 : 44,9% du PIB
2005 : 44% du PIB (moyenne européenne : 39,6%. La France se classe au 5e rang des pays où la charge est la plus élevée, derrière la Suède, le Danemark, la Finlande).