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Jo le taxi.

par L’iena rabbioso

Publie le dimanche 30 décembre 2018 par L’iena rabbioso - Open-Publishing

Il ne s’appelle pas Jo.

C’est un taxi réel qui m’a embarqué au plus fort des manifestations de gilets jaunes.

J’ai attendu longtemps avant d’intervenir avec ma grande gueule sur cette situation, parce que j’ai tout de suite vu que cela pourrait se terminer comme d’habitude par un bide, au fur et à mesure que BFM-TV transforme l’âme du mouvement en marque de lessive.

Mais je pense que décidément, en lisant les différents médias, sans même nommer la télé, que la dictature de la médiocrité est très puissante.

Donc ce taxi était un homme en colère.
En colère contre les gilets jaunes, évidemment.

Il devait respecter les horaires de chaque client, et aujourd’hui, putain, ça bouchonnait.

Il faut avoir à l’esprit l’image d’un brave type.
Pas méchant, ni bête, mais déjà vaincu par la vie.

Il est gentil, il me demande de monter à l’avant, il me prend les bagages des mains pour les mettre non pas dans le coffre mais sur le siège arrière au cas où j’en aurais besoin.

Il s’énervait à chaque ralentissement, et avait une explication type à chaque fois qu’il repérait une catégorie de conducteur : femme, arabe, noir, ou un putain de camion des pays de l’est.

Comme on s’approchait du péage et que décidément, c’était le bordel, il a essayé de me prendre à témoin sur le fait que ces connards de gilets jaunes feraient mieux de prendre l’Élysée d’assaut que d’emmerder le monde.

J’ai fait mon intello de gauche, par devoir de conscience, aussi bien que par pure méchanceté de ne pas lui donner le plaisir d’être complètement d’accord avec lui.

Inutile de dire que la suite du trajet fut silencieux.

Pas grave pour moi, j’ai du mal avec les conversations.

C’est arrivé à tout le monde de tomber sur un taxi raciste, antisémite, anti-noir, en fait anti-quelque chose de pas lui, et de se sentir coupable de ne pas avoir de répondant.

Depuis Sarkozy, PovCon est quasiment devenu un compliment.

Je me suis dit sur le coup que le con, ici, c’était moi, car j’aurais mieux fait de le convertir en douceur à la cause des jaunes.

Jo, tu ne lira jamais ces lignes, mais j’espère qu’un jour un type t’explique que c’est pour toi que les gilets jaunes se battent, et ce gèlent dehors pendant que des branleurs comme moi sont sur Internet.

Ils ne prennent pas le taxi.

Ils sont toi, Jo.