Accueil > L’Italie des riches invisibles au fisc

Ville par ville, voilà la carte des déclarations des revenus 2005. Seuls 2% des contribuables déclarent plus de 100 000 euros
Les "aisés" ne sont que 760 000
Revenu moyen environ 23 000 euros. Mais les consommations de luxe sont bien plus élevées. Les voitures de grosse cylindrée sont au moins trois fois plus nombreuses
de Barbara Ardù
Traduit de l’italien par karl&rosa
ROME – C’est la photo d’un Pays où règne une classe moyenne virant à la pauvreté, où les riches sont peu nombreux ou ils se cachent bien, qui ressort de la déclaration des revenus des Italiens que le Fisc a mis sur le net. Pas de noms, évidemment, que des lieux et des chiffres, ceux des déclarations de 2005, que le Ministère des Finances a divisé par les 8 000 communes italiennes où elles ont été présentées. On s’attendrait à une Italie en mosaïque, plus riche là où le PIB par tête est plus élevé, pauvre là où on travaille peu.
Mais ce n’est pas tout à fait ça. Il faudrait, au contraire, un peu d’ingéniosité pour la dessiner comme une figure géométrique : au centre ces 82% d’Italiens qui déclarent un revenu brut inférieur aux 35 000 euros. Ensuite, 16 % qui s’en tirent un peu mieux, naviguant entre 35 000 et 100 000 euros. Mais parmi les plus pauvres il y en a 12% qui survivent avec 10 000 euros par an, brut naturellement.
Les super aisés, au contraire, sont un pourcentage de pays du Tiers monde, seulement 2 %, environ 760 000 personnes, déclarent gagner plus de 100 000 euros. Une élite. La seule qui, selon les données du Fisc, pourrait se permettre des voyages exotiques, des voitures puissantes, des vacances de ski à Cortina, des bateaux, des écoles et des universités privées.
Il est vrai que les Italiens sont très forts quand il s’agit de faire des sacrifices, que la voiture est un status symbol, mais peut-être le compte n’y est pas toujours. Il suffit de se rendre à Bari. Il n’y a que 2002 personnes qui gagnent 100 000 euros brut par an, mais 44 000 habitants de Bari filent en dehors de la ville dans des voitures aux cylindrées supérieures à 2 000. Vingt fois plus. Comment font-ils pour payer l’essence, l’assurance, la taxe de circulation, le carrossier ? Et les choses ne vont guère mieux en remontant la Péninsule. Plus de 75 000 voitures puissantes circulent à Turin, mais les Turinois plus qu’aisés ne sont que 8 093. Il y a donc une Italie pauvre pour le Fisc, mais riche au volant qui peut se permettre des voitures aux prestations raffinées.
La situation est un peu moins irréaliste à Rome. C’est la ville qui déclare globalement le plus, les aisés pour le Fisc (plus de 100 000 euros) sont plus de 30 000 et les voitures puissantes 175 000. A Milan, où le revenu moyen monte à 30 300 euros, les « fiscalement riches » sont 27 000 et les propriétaires de super voitures sont 187 000. Dans toute l’Italie, pour chaque citoyen déclarant plus de 100 000 euros il y en a en moyenne trois qui possèdent une voiture de grosse cylindrée.
Mais il y a aussi les pauvres (et parmi eux des faux pauvres aussi) dans cette Italie des taxes. Ils représentent environ 12% des contribuables, ceux qui gagnent moins de 10 000 euros par an. C’est plus d’un contribuable sur dix. Un pourcentage qui paradoxalement augmente par rapport à la moyenne, justement dans les villes où le revenu par tête est plus élevé : Brescia, Parme, Aoste. Un phénomène singulier, c’est le moins qu’on puisse dire.
Même dans les sanctuaires des vacances de luxe les contribuables ne semblent pas s’en tirer si bien : à Taormina 23,3% des déclarations ne dépasse pas les 10 000 euros. Les aisés n’arrivent même pas à un entier : c’est à peine 0,96% des contribuables. Et il en va de même à Capri et à Cortina d’Ampezzo. Ce n’est qu’à Portofino que la richesse non seulement se voit, mais se compte : il y a 4,84 de déclarations en dessus de 100 000 euros. Mais le règne des Picsous est Montebelluna, province de Trévise, le quartier général de la Geox : sur 27 000 habitants, 223 personnes ont dénoncé un revenu supérieur à 100 000 euros.