Accueil > Les rouges et la Rouge

de LORIS CAMPETTI
Mais en Italie il y a "la Rouge". Même dans les moments les plus difficiles de notre économie, il y a toujours un Luca di Montezemolo [patron de Ferrari et président de Confindustria, qui correspond en Italie au MEDEF, NdT] prêt à dispenser de l’optimisme : le petit cheval vole sur les pistes et sur les routes et a les couleurs de l’Italie qui gagne parce qu’elle innove, amuse, fait rêver. Heureusement que nous avons la Ferrari, comment ferions-nous autrement pour nous attaquer à la crise de fin de mois ?
La Rouge de Maranello est un passe-partout pour les Italiens dans le monde. Elle naît dans l’Emilie rouge et rouges sont les ouvriers qui la produisent dans des usines propres, ergonomiquement testées comme ses puissants moteurs. Des ouvriers de valeur, des ouvriers qui méritent. Des ouvriers qui font grève quand ils sont de l’avis que leur travail n’est pas valorisé. Or, plutôt qu’assumer cette "normalité italienne", Luca pense que la lutte des classes fait brouter le moteur de ses Rouges.
Il croit qu’une grève contre les heures supplémentaires du samedi, proclamée en l’absence de contreparties adéquates, nuit à l’image de l’entreprise et du Pays. Il y aurait un système pour redonner au monde l’image bucolique de Maranello : augmenter la prime de résultat, étant donné que les Ferrari sont vendues comme des petits pains et que la production, les commandes, les coupes, le chiffre d’affaires et les profits augmentent.
Luca a eu, au contraire, un flash-back et il a emprunté une autre voie. Gardant le souvenir des fastes patronaux de 1980, quand des chefs et de petits chefs organisèrent à coups de virements la « marche des 40 000 » [manifestation des cadres de FIAT hostiles aux revendications syndicales des ouvriers, NdT] pour casser les reins au mouvement ouvrier, maintenant il fait collecter à Maranello des signatures contre les syndicats : « Heureusement notre Ferrari continue à moissonner des succès, même commerciaux – écrivent les Arisio [leader des cadres FIAT en 1980, NdT] de service à FIOM-FIM-UILM [les centrales syndicales des métallurgistes, NdT] – et cela devrait satisfaire ceux qui font partie de l’entreprise, tandis que votre attitude a été de refuser n’importe quelle demande de la part de l’entreprise ».
250 signatures sur 2 800 salariés.
Le luxe n’est pas toujours synonyme de bon goût : on naît gentleman, disait Toto’ [comédien napolitain – 1898-1967 - fameux aussi pour ses aphorismes, du genre « on naît gentleman et moi, modestement, je « le naquis »NdT]. Evidemment, Luca « ne le naquit pas ».
http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...
Traduit de l’italien par Karl&Rosa