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Quand les flux monétaires mondiaux cessent d’affluer aux Etats-Unis

Publie le mercredi 21 mars 2007 par Open-Publishing

Bush a dépensé tout le vrai capital des Etats-Unis

par William A. M. Buckler, Australie

En décembre dernier, l’afflux net de fonds étrangers investis en titres des Etats-Unis est tombé à USD 15,6 milliards. Il s’agit de l’afflux le plus faible enregistré depuis près de cinq ans.

Où est votre argent ? Nous en avons besoin !

Cet afflux de fonds étrangers doit satisfaire aux besoins des Etats-Unis. Chaque jour ouvrable, le pays a besoin de quelque USD 3,5 milliards pour financer le déficit de sa balance des paiements courants, qui s’est élevé à presque USD 875 milliards par année durant les trois premiers trimestres de 2006. L’épargne intérieure faisant défaut, la demande de fonds des Etats-Unis dans le reste du monde a augmenté considérablement, absorbant ces dernières années environ 70% de l’épargne excédentaire mondiale. Or l’afflux de fonds étrangers vers les Etats-Unis a cessé. Ainsi qu’une commission du Sénat l’a relevé, même une légère diminution de cet afflux – pour ne pas parler d’un arrêt ni d’une liquidation de titres causant un reflux – entraînerait une chute du cours du dollar.

Un fait alarmant : le déficit commercial des Etats-Unis

En 2006, le déficit commercial des Etats-Unis a battu le cinquième record mondial consécutif et atteint USD 836 milliards. Dépassant le déficit record de USD 504 milliards accusé en 2005, la balance que les Etats-Unis ont enregistrée dans les échanges de produits manufacturés s’est soldée par un déficit de USD 536 milliards en 2006.

Les pays sans outils sont stupides

L’investissement aux Etats-Unis est en train de s’effondrer. Ces trois derniers trimestres, l’investissement en nouveaux équipements surtout a ralenti sensiblement. En moyenne annuelle des trois derniers trimestres de 2006, ces dépenses n’ont augmenté que de 1,4%, contre un taux annuel de 9,5% durant les deux années précédentes. Cette évolution est le contraire du capitalisme.

Le Département du Trésor des Etats-Unis dissipe toute confusion possible

Le rapport du Département du Trésor révélant qu’un reflux de fonds étrangers de USD 11 milliards avait eu lieu en décembre a déstabilisé les marchés financiers des Etats-Unis. De USD 84,9 milliards en novembre (chiffre révisé), les achats d’actions, de notes et d’obligations américaines par des étrangers sont passés à USD 15,6 milliards net en décembre. Déduction faite de ventes par des investisseurs étrangers de titres américains à court terme, tels les bons du Trésor et reconnaissances de dettes, ainsi que des swaps de titres, on obtient une vente nette par les investisseurs étrangers de USD 11 milliards. Actuellement, des étrangers détiennent des titres américains de tous types pour un montant qui dépasse USD 14 billions. S’ils perdaient confiance dans leurs investissements aux Etats-Unis et commençaient à liquider, aucune instance ne pourrait les dissuader d’arrêter ce qui pourrait être l’une des plus grandes débâcles financières de tous les temps.

Si l’afflux de fonds cesse

Si l’argent étranger cesse d’affluer dans le système financier des Etats-Unis, les modalités internes des crédits se détérioreront aux Etats-Unis, puisque les fonds qui avaient afflué ne seront plus là. Ils ne pourront plus être dépensés ni prêtés. Si la Réserve fédérale, dirigée par Bernanke, veut s’y opposer, elle devra remplacer les fonds étrangers qui manquent. Si elle s’en abstient, les marchés monétaires des Etats-Unis réagiront et les taux d’intérêt monteront dans le pays. Deuxième effet au sein du système financier américain : les cours des titres de tous les types fléchiront. La demande étrangère antérieure, qui se chiffrait à près de USD 1 billion par année, disparaîtra. Le troisième effet sera une diminution de la demande de dollars. Elle aura lieu dans le monde entier, près de USD 1 billion de demande étrangère annuelle ayant changé de destination.

Aucun changement en vue, à moins que les Etats-Unis ne changent de politique

Si les Etats-Unis ne se résolvent pas à changer de politique de crédit et de politique monétaire, la machine à crédits continuera de générer de nouveaux prêts internes, dont le montant sera évidemment dépensé. Comme une partie des achats portera sur des biens étrangers, les énormes déficits de la balance commerciale et de la balance des paiements courants ne diminueront pas beaucoup. L’actuel reflux de dollars se poursuivra, mais la demande mondiale de billets verts fléchira. Des effets de change s’ensuivront. La valeur mondiale du dollar chutera.

Si les fonds étrangers quittent le pays …

Les USD 11 milliards qui ont quitté le système financier des Etats-Unis en décembre disparaîtront probablement parmi les rumeurs quotidiennes des marchés financiers. Mais si ce reflux atteint USD 50, 100 ou 500 milliards par mois, le système financier américain – tout comme le dollar – pourrait être victime d’un terrible conflit. Les derniers rapports mondiaux indiquent que les détenteurs étrangers de titres américains détiennent actuellement de tels papiers-valeurs pour un montant qui dépasse USD 14 billions. Pour leur part, les Etats-Unis possèdent des avoirs, titres et biens à l’étranger d’une valeur excédant USD 9 billions. La différence constitue l’endettement net des Etats-Unis dans le monde, estimé actuellement entre USD 4,1 et 4,7 billions.

Si vous commencez à vendre, nous devrons en faire autant

Si les détenteurs étrangers actuels de titres américains commencent à accélérer la liquidation, le système financier des Etats-Unis devra réagir par la vente de ses propres avoirs à l’étranger afin de recueillir des liquidités pour couvrir les ventes de l’étranger. Ici se trouve le danger mondial effectif. Cette situation pourrait facilement aboutir à une liquidation mondiale mutuelle et destructive. C’est précisément ce type d’événements qui s’est révélé si destructif au début des années trente. Les ordres de remboursement passés d’un pays à l’autre ont abouti à des ventes massives de titres de tous types. Des ventes d’urgence de biens ont suivi, ce qui a conduit à une chute des prix. Au total, de nombreux prêts solides, les sûretés de maintes entreprises solides ainsi que des prêts sont tombés en déconfiture. A leur tour, des banques et d’autres bailleurs de fonds ont été atteints et se sont effondrés également.

Marchant au bord du gouffre

L’économie mondiale est comme une automobile roulant entre deux précipices, avec les Etats-Unis au volant. Si le conducteur levait le pied de la pédale d’accélération du mécanisme de crédit, il déclencherait la récession aux Etats-Unis qu’il a tenté si longtemps d’éviter. Si les étrangers retiraient leur argent de l’économie et du système financier des Etats-Unis, le résultat serait identique et le pays ferait face à la récession. Toute la théorie économique valable et l’histoire montrent qu’une telle récession est inévitable. Pour l’empêcher, les Etats-Unis peuvent accélérer l’expansion de leurs crédits et accroître encore le déficit de leur balance commerciale et de leur balance des paiements courants, priant les étrangers de continuer à acheter et à rembourser leur monnaie aux Etats-Unis. C’est ce qui s’est passé depuis que les Etats-Unis ont flirté avec la récession à partir de l’an 2000 et que la Réserve fédérale, dirigée par Greenspan, a abaissé son taux directeur à 1%, accélérant ainsi l’expansion du crédit.

Conséquences économiques d’une transformation du commerce extérieur américain

La détérioration croissante de la balance commerciale américaine rend une forte récession aux Etats-Unis absolument inévitable, les bailleurs de fonds étrangers arrêtant de prêter et commençant même à retirer leurs fonds. Le problème ne se limite pas aux Etats-Unis. Les pays dont les exportations indispensables à l’économie nationale dépendent des Etats-Unis feront également face à une récession. Ces récessions « complémentaires », qui toucheront les Etats-Unis et de nombreuses nations exportatrices autour de la planète, se nourriront les unes les autres. Il est triste, mais vrai, que ce fait est déjà avéré et qu’il perdurera. Il est avéré depuis que les Etats-Unis se sont risqués sur la voie d’une expansion toujours plus forte du crédit. Depuis lors, le résultat final était prévisible. La seule question était de savoir quand cet événement aura lieu. Les flux monétaires qui affluent du monde entier aux Etats-Unis sont la cause fondamentale de cette situation. Observez ces flux, ils sont l’indicateur essentiel.

Où est l’argent gagné ?

Pour la première fois depuis 2002, les sociétés qui font partie de l’indice Standard & Poor-500 ne sont pas parvenues à accroître leur bénéfice d’un pourcentage de deux chiffres. Selon S & P, l’écart entre les résultats et les prévisions a atteint des proportions inconnues depuis deux ans. La croissance bénéficiaire des sociétés en question s’est inscrite juste au-dessous de 10% au quatrième trimestre de 2006, incitant à penser que la période de taux de croissance à deux chiffres qui a duré dix-huit mois touche probablement à sa fin. Les taux des prévisions relatives au premier trimestre de l’année en cours ont été réduits. D’après le Thomson Financial, le consensus des analystes questionnés table sur une croissance bénéficiaire de 4,6% au premier trimestre de 2007. Deux mois auparavant, le taux correspondant était de 8,7%. Diminuant de moitié au premier trimestre, le taux de la croissance bénéficiaire aux Etats-Unis fait entrer le marché des actions dans une période dangereuse.

La géopolitique de la récession en vue aux Etats-Unis

Le monde entier regarde. En Europe, au Japon, en Russie et en Chine, ils regardent. C’est un truisme s’appliquant à tous les empires passés – et les Etats-Unis sont certainement un empire, avec leurs multiples bases militaires éparpillées sur l’ensemble de la planète – que d’affirmer que le reste du monde attend le premier signe de faiblesse de l’empire avant de se mettre à son compte. Une récession serait un tel signe. Aucun empire mondial n’est parvenu à se maintenir sans s’appuyer sur une forte économie. Le président Bush a dilapidé cette économie. Il a dépensé le vrai capital des Etats-Unis. •

Source : The Privateer, n° 572, fin février 2007 (Traduction Horizons et débats)

Horizons et débats, 19 mars 2007, 7e année, N°10)

http://www.horizons-et-debats.ch/