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Sénat belge : annulation de la dette des pays en développement

Publie le lundi 2 avril 2007 par Open-Publishing

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Le CADTM se félicite de la résolution adoptée par le Sénat belge sur l’annulation de la dette des pays en développement et demande au gouvernement de la mettre en application

La résolution sur l’annulation de la dette des pays les moins avancés (PMA)[1] adoptée le 29 mars 2007 par le Sénat belge, par une majorité de 34 voix pour et 29 contre, constitue une avancée pour plusieurs raisons.

La résolution demande au gouvernement belge de passer un contrat avec tous
les pays endettés concernés afin d’annuler totalement leur dette. Jusque là,
la proposition du Sénat ne va pas au-delà de la démarche d’autres
gouvernements. Mais, heureusement, le Sénat innove dans plusieurs domaines
très importants :

 il propose de « décider, dès à présent, d’un moratoire avec gel des
intérêts[2] sur le remboursement de la dette bilatérale » à l’égard des pays
les moins avancés (point 6) ;

 il affirme que la dette bilatérale ou multilatérale d’un pays doit être
appréciée à sa juste valeur. Selon le Sénat, ce n’est pas la valeur nominale
qu’il faut prendre en compte mais la valeur réelle. Prenons un exemple : la
valeur de la dette que la Belgique réclamait à la RD Congo au début des
années 2000 s’élevait à environ 900 millions de dollars. Ce montant
correspondait à la valeur nominale de vieilles dettes remontant à une
vingtaine d’années, du temps où la Belgique soutenait activement le
dictateur Mobutu. En réalité, le Trésor belge estimait en interne que la
valeur réelle ne représentait que 4% de cette somme. En effet, compte tenu
de la mauvaise santé économique de la RDC, si la Belgique avait voulu
revendre ces créances sur le marché secondaire des dettes, elle n’en aurait
tiré qu’environ 36 millions de dollars (soit 4% de la valeur nominale). Or,
quand le gouvernement belge a commencé à appliquer il y a quelques années un
plan de réduction de la dette de la RDC, il a voulu gonfler l’ampleur de son
effort financier en annonçant qu’il annulait en plusieurs étapes pour près
de 900 millions de dollars de dettes congolaises. En réalité, cela
représentait seulement un manque à gagner de 36 millions. Comme les autres
pays créanciers manipulent les chiffres comme le fait la Belgique, la
proposition du Sénat belge a une portée internationale notable.

 il demande au gouvernement de rendre public le mode de comptabilisation
des dettes et la « valeur réelle de ces dettes » (point 4) et de ne plus
inclure les montants annulés dans le budget de l’aide publique au
développement (point 17)[3]. Le Sénat affirme qu’un contrôle parlementaire
doit être exercé sur le gouvernement. Le gouvernement doit « faire chaque
année rapport au parlement sur ses activités en matière de remise de dette
 » (point 20).

 concernant en principe tous les pays en développement (voir introduction
du point 10 de texte du Sénat), le point 10 est relatif à l’audit de la
dette et à la dette odieuse, deux chevaux de bataille du CADTM et des autres
mouvements pour l’annulation de la dette. A ce sujet, le Sénat demande au
gouvernement belge « d’organiser un audit sur le caractère ‘odieux’ des
créances belges sur ces pays en développement ». Dans le même paragraphe, il
considère « au minimum qu’une dette odieuse est une dette contractée par un
gouvernement non démocratique, que la somme empruntée n’a pas bénéficié aux
populations locales et enfin que le prêt a été octroyé par le créancier en
connaissance de cause des deux éléments précédents » (point 10). Le Sénat
reprend ainsi deux des outils mis en avant notamment par le CADTM pour
fonder en droit l’annulation de la dette du Tiers Monde : le recours à
l’audit et le concept de dette odieuse. Le CADTM est donc en mesure de
mettre à disposition des autorités belges différents outils, parmi lesquels
le Manuel sur l’audit - qu’il a réalisé en 2006 avec une série
d’organisations du Sud et le CETIM (Suisse) – et la récente publication « 
Pour un audit de la dette congolaise »[4].

Le Sénat demande au gouvernement, sur la base de l’audit, d’annuler la part
« odieuse » des créances belges (point 11).

Plusieurs paragraphes de la résolution du Sénat étendent à la Banque
mondiale, au FMI et aux autres institutions internationales les demandes
adressées au gouvernement belge. La résolution part du constat que
jusqu’ici, les initiatives prises par la Banque mondiale et le FMI pour
répondre à la crise de la dette n’ont pas apporté de solution (point C. de
la résolution adoptée).

Le Sénat s’écarte aussi clairement des conditionnalités macro-économiques
imposées par la Banque mondiale, le FMI et les autres créanciers
institutionnels. En effet, en ce qui concerne les dettes multilatérales, le
Sénat « demande instamment que les remises de dette soient accordées sur
base d’une nouvelle approche axée sur une logique sociale, en fonction des
critères minimums du respect des ‘Objectifs du Millénaire pour le
Développement’, et non uniquement[5] de conditions macro-économiques
traditionnelles » (point 14). Le Sénat affirme que le gouvernement belge
doit « venir présenter au Parlement l’état et les résultats de ses contacts
diplomatiques ainsi que les points de vue sur la dette multilatérale que la
Belgique a défendus au FMI et à la Banque mondiale » (point 21).

S’agissant de la dette multilatérale de l’ensemble des pays du Tiers Monde,
« la Belgique devra intensifier son action diplomatique dans les enceintes
internationales en vue de l’annulation des dettes extérieures publiques
détenues par le FMI et la Banque mondiale » et ne pas inclure les montants
annulés dans le budget de la coopération au développement. Après le
gouvernement norvégien, qui a unilatéralement annulé ses créances
bilatérales sur cinq pays du Tiers Monde en octobre 2006 - sans passer par
le Club de Paris -, il appartient maintenant au gouvernement belge
d’appliquer la résolution adoptée par le Sénat, et en particulier au
Ministre des finances, Didier Reynders, de faire connaître cette nouvelle
position de la Belgique lors de la prochaine assemblée générale du FMI et de
la Banque mondiale qui se tiendra les 14 et 15 avril prochains à Washington.

Le CADTM en concertation avec les autres mouvements de solidarité Nord / Sud
veillera à ce que cette résolution ne reste pas dans les tiroirs et que
l’annulation des créances belges ne soit pas comprise dans l’aide publique
au développement.

Enfin, le CADTM encourage les populations et les autorités du Sud à réaliser
l’audit sur la dette de leur Etat afin d’exiger l’annulation de cette dette,
la rétrocession des biens mal acquis et les réparations qu’elles sont en
droit d’attendre des pays du Nord.

Pour en savoir plus, consulter sur le site du CADTM :
 le texte intégral de la résolution approuvée par le sénat le 29 mars 2007
 : http://www.cadtm.org/IMG/pdf/070327Senat.pdf

 le rapport du Sénat et de la Chambre des représentants de Belgique sur la
dette le 16 octobre 2006 : http://www.cadtm.org/IMG/pdf/061016CR.pdf


[1] Selon la liste établie par les institutions financières internationales
et l’OCDE, il y a actuellement 50 PMA.

[2] Rappelons que suite au tsunami de décembre 2004 au large de l’Indonésie,
le Club de Paris avait proposé un moratoire d’un an avec comptabilisation
possible des arriérés d’intérêts, ce qui avait été dénoncé en mars 2005 par
le CADTM car cela revenait à augmenter la dette des pays concernés. Voir
Damien Millet et Eric Toussaint, Les Tsunamis de la dette, CADTM/Syllepse,
2005.

[3] Voir Damien Millet et Eric Toussaint, « Les faux-semblants de l’aide au
développement », Le Monde diplomatique, Juillet 2005.

[4] Menons l’Enquête sur le Dette ! Manuel pour des audits de la dette du
Tiers Monde, CADTM-CETIM, Liège-Genève, 2006, 96p. A qui profitent toutes
les richesses du peuple congolais. Pour un audit de la dette congolaise,
CADTM, 2006, 56p.

[5] Evidemment, le CADTM aurait souhaité que le mot « uniquement » soit
retiré du texte.


Contacts : Eric Toussaint, président CADTM Belgique 00 32 486 74 47 52
international@cadtm.org

Renaud Vivien, juriste au CADTM, 00 32 497 04 79 99 renaud@cadtm.org


Comite pour l’annulation de la dette du Tiers Monde (CADTM)
Site Web : http://www.cadtm.org