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1939 - 1945 : LES CAMPS DONT L’ON PARLE & CEUX DONT ON NE PARLE PAS

Publie le lundi 7 février 2005 par Open-Publishing
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En ce mois de janvier 2005, on commémore le 60ème anniversaire de la
libération du camp d’Auschwitz où plus d’un million de personnes ont été
tuées, gazées dès leur arrivée ou sont mortes après quelques mois d’une vie
d’épouvante absolue.

Si, de nos jours, on connaît bien l’existence de ces camps situés en
Allemagne ou en Pologne, si les noms de Ravensbrück, Buchenwald, Dachau,
Dora, Matausen, Sobidor, Treblinka, Bergen-Belsen, sonnent souvent
étrangement familièrement à nos oreilles, comme une litanie macabre dont il
ne faudrait rien oublier, l’évocation de quelques localités du Sud-Ouest,
aux sonorités bien de chez nous -Rieucros, Le Récébédou, Noé, Montech,
Caylus, St Fond de Caussade, Le Vernet, Rivesaltes, Le Barcarès, Argelés, St
Cyprien, ...- n’évoque souvent que peu de choses pour la plupart des gens (ou
tout au plus quelques souvenirs de villégiature). Si ces camps d’internement
français n’étaient pas des camps de concentration ou d’extermination, ils en
étaient souvent l’antichambre et l’on pouvait fort bien y mourir de froid,
de malnutrition ou de dysenterie avant d’être déporté en Allemagne. La
mémoire collective a tendance à sélectionner les souvenirs, à transformer
positivement le passé national. Les camps français sombreraient vite dans
l’oubli, tellement leur existence dérange encore la représentation
chimérique que beaucoup de Français se font de leur histoire récente. En ces
jours de commémoration, il n’est pas inutile de rappeler que l’internement
de masse n’a pas été le fait de la seule Allemagne nazie mais qu’il a été
pratiqué par les gouvernements de la IIIème République finissante et par
Vichy.

C’est à la fin du mois de janvier 1939 que nos compagnons espagnols vont
découvrir l’exquise hospitalité de la République du gouvernement Daladier
(radical). Ce sont eux qui vont inaugurer les camps d’internement où rien
n’est prévu pour l’accueil de dizaines de milliers de réfugiés (plus de 500
000 espagnols franchisent la frontière), si ce n’est l’essentiel bien sûr :
des barbelés et des gendarmes. Argelès restera l’exemple le plus terrible de
ces camps. 100 000 réfugiés y sont entassés sur la plage, dans le dénuement
le plus total, sans aucun abri, sans nourriture, sans eau, sans soins pour
les blessés. La mortalité y est très élevée les premiers jours et plus de 15
000 personnes mourront avant le début de l’été.

Un an et demi avant la débâcle et l’arrivée au pouvoir du Maréchal Pétain,
c’est bien le gouvernement républicain du radical Daladier qui inaugure une
politique d’internement massif d’indésirables, pour l’heure, les réfugiés
espagnols. Sans état d’âme particulier, les forces de répression -gendarmes,
tirailleurs, policiers- vont s’employer à mener à bien leur tâche de
garde-chiourme. La xénophobie ambiante des années 30 et la propagande
insidieuse de l’extrême-droite gangrène déjà une bonne partie de la
population. Ni l’internement des réfugiés, ni les conditions désastreuses de
détention qui leur sont réservées ne déclenchent de très grands mouvements
de protestation (même s’il y a bien heureusement des actions de solidarité).
Dans cette IIIème République finissante, taraudée par la peur de la
Révolution et la crainte de la guerre, les grands idéaux républicains sont
déjà largement entamés. Déjà les convois d’hommes et de femmes mal nourris
et mal vêtus, militairement escortés, entrent dans la banalité ; déjà les
vaincus n’appartiennent plus à l’humanité.

Après la déclaration de guerre, en septembre 1939, la pénurie de main
d’œuvre se fait sentir du fait de la mobilisation ; en dehors de toute
considération humanitaire, ce sont bien les nécessités de l’économie et les
besoins du patronat qui amèneront la République à utiliser le réservoir de
main-d’œuvre que constituent les travailleurs espagnols : à partir de
janvier 1940, les camps se vident petit à petit. Seuls les camps répressifs,
comme celui du Vernet, au régime particulièrement dur sont maintenus (c’est
là qu’a été internée la XXVIème division -la colonne Durruti-, les derniers
à avoir franchi la frontière après avoir protégé jusqu’au bout la longue
cohorte des réfugiés).

Mais, pour autant, ce n’est pas la liberté que retrouvent les réfugiés
libérés. Affectés aux "Compagnies de travailleurs étrangers", ils sont
soumis à un contrôle militaro-policier strict et voués au travail forcé,
hébergés souvent en casernement après la journée de travail.

Quand survient la défaite des armées françaises, en juin 1940, la
République livre à l’État Français qui lui succède un réseau de camps
d’internement (notamment dans le Sud-Ouest), un contingent de travailleurs
militairement encadrés et clairement désignés comme politiquement suspects
(où l’occupant viendra bientôt puiser), une gendarmerie et une police qui
s’y entendent à organiser les camps. Le gouvernement de Vichy saura faire
fructifier avec talent cet héritage pénitentiaire et répressif républicain.
Aux Espagnols encore détenus, aux réfugiés allemands et autrichiens
persécutés chez eux en raison de leurs activités politiques ou de leur
soi-disant appartenance raciale que la République a arrêtés comme
ressortissants d’une nation ennemie- Vichy va ajouter des milliers de Juifs
qui constitueront dès lors la majorité de la population des camps. Dès 1942,
avant même l’invasion de la "Zone libre", les camps français vont envoyer
vers Drancy (ultime étape avant les camps nazis) des milliers d’internés.
Après novembre 1942, et l’invasion de la “Zone sud”, le rythme des
déportations s’accélère : la solution finale se met en place. L’exclusion,
l’humiliation, l’enfermement ne suffisent plus. Il va s’agir d’éliminer des
millions d’individus à travers toute l’Europe. L’administration française,
sa police et sa gendarmerie, apporteront leur quote-part à cet effroyable
massacre.

La résistance s’organisera peu à peu, et les anarchosyndicalistes
espagnols, premiers usagers des camps d’internement, seront parmi les
premiers à créer des maquis, en particulier dans le Sud-Ouest, et à
reprendre la lutte armée contre le fascisme.

A la Libération, les responsables de la collaboration, les pourvoyeurs des
camps de la mort n’auront, à quelques notables exceptions près, que peu
d’ennuis véritables. Les camps français recevront la visite rapide du menu
fretin de la "Révolution Nationale", les hauts fonctionnaires -pourtant très
compromis avec les nazis- se verront même promus à des échelons supérieurs.
Ainsi, à Bordeaux, l’ami personnel du commandant LUTER, chef de l’Abwehr
(services de renseignements), Maurice SABATIER, préfet régional, directement
responsable de l’arrestation et de la déportation de 1 700 juifs et de 2
000résistants -français et étrangers- est promu à l’état-major du général
Pierre KOENING, commandant en chef des Forces françaises qui occupent
l’Allemagne à partir de 1945. Son secrétaire général, un certain Maurice
PAPON est promu préfet des Landes. Jean CHAPELLE, le chef de cabinet de
SABATIER devient sous-préfet à Dax. Il finira sa carrière en 1977 comme
conseiller à la DST, le contre-espionnage français. Henri CADO, directeur
national de la police de Vichy, adjoint de René BOUSQUET, rejoindra l’équipe
dirigeante du patronat français. BOUSQUET lui-même, ministre de
l’intérieur -d’avril 1942 à décembre 1943- coulera des jours heureux jusqu’à
son assassinat en 1993. Tour à tour administrateur de La Dépêche du Midi,
banquier et homme d’affaires, c’était un ami de François MITTERRAND. Ce sont
en tout plus de 300 hauts fonctionnaires qui se verront maintenus à leur
poste ou promus et 51 ministres vichyssois (de 1940 à 1944) qui se verront
amnistiés. C’est une tradition bien établie dans l’histoire -entre
politiciens, on s’amnistie beaucoup- parce que la survie de cette engeance
en dépend, parce que la défense des intérêts vitaux de l’État et de la
classe possédante priment sur les "erreurs de parcours", parce que le
maintien de "l’ordre social" exige des compétences solides et un
savoir-faire qui ne s’improvise pas, parce que l’État sait toujours
récompenser ses amis à leur juste valeur. Parce que les États perdent
parfois leurs armées ; jamais leur police ni leur prisons.

Garga.

Bibliographie :

"Les camps du Sud-Ouest de la France", ouvrage collectif, éditions Privat.,

"Les libertaires espagnols dans la tourmente", brochure du CIRA de Marseille.

Actualité del’anarcho-syndicalisme

http://cnt-ait.info

Extrait du numéro 89 du Combat Syndicaliste
CNT AIT
7 rue St Rémésy
31000 TOULOUSE

Messages

  • salut, nous notre prof de philo sa tante est morte dans ces camps en françe car elle était malade mentale. Elle na su ca qu’il y a 2 ans après une longue enquête ou les "fonctionnaires" ne lui ont pas donnés d’information. Et justement on parlait donc de la conscience et de l’Histoire sachant que c’était à l’époque de cette commémoration.
    En bref il faut s’informer par soi même sur ce qui c’est passé, c’est pas à l’école qu’on apprend les choses les plus grave de l’Histoire mais bien sur internet ou les bouquins