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Agir localement pour un service public national de l’eau (SPNE)

Publie le dimanche 26 octobre 2008 par Open-Publishing
3 commentaires

Agir localement pour un service public national de l’eau (SPNE)

Contre l’eau privatisé, la régie municipale ne suffit pas d’ou la nécessité d’un service public national de l’eau - SPNE - mais le combat local est décisif.

*

En guise d’introduction à cette contribution, je pointe un paradoxe de la situation politique française : on trouve des élus communistes qui proposent un SPNE à l’Assemblée nationale mais qui localement défendent les firmes privées. A côté de cela on trouve les Verts qui mènent un combat déterminé pour la remunicipalisation de l’eau mais qui sont fort discrets sur la nécessité d’un SPNE. La LCR comme ATTAC militent pour mener la lutte sur les deux plans : le local, le national (ainsi que le mondial). D’autres organisations font de même. Argumentation :

 Le rapport social d’accès au bien tend à l’inégalité d’accès.

Les principales firmes multinationales de l’eau continuent leurs actions pour s’approprier l’eau afin de la distribuer aux clients via le marché, via des prix de marché. Sur ce marché comme dans d’autres, le consommateur d’eau se trouve dans un rapport social ou il entre nécessairement comme client devant posséder une capacité financière pour acquérir son bien, ce que l’on nomme solvabilité. Dans ce rapport celui qui fournit l’eau le fait avant tout comme vendeur afin de faire du profit, beaucoup de profit. L’eau est cher. De plus, le client est ici un client captif, il n’a pas le choix de son vendeur d’eau. Même en fin de contrat il n’est pas aisé de changé de "marchand d’eau" car la concurrence entre les opérateurs est souvent une pseudo-concurrence oligopolistique puisque environ 90% des contrats sont renouvelés au même concessionnaire, et les opérateurs constituent des monopoles locaux quasi inexpugnables (*). Ils ne sont d’ailleurs pas nombreux : Vivendi, Suez, Bouygues-Saur.

Contre cette prédominance de la valeur d’échange sur la valeur d’usage de nombreux citoyens préconisent le passage en régie publique locale.

 La municipalisation, une étape pas un but.

Des municipalités ont procédé à la municipalisation de l’eau. Le premier effet est de rompre avec la logique de profit et donc avec la prédominance de la valeur d’échange sur la valeur d’usage. La distribution de l’eau ne s’est pas faite gratuitement mais sous la forme tarifaire (terme générique opposé à prix de marché). Autrement dit la somme dépensée en monnaie n’est pas représentative d’un prix de marché visant à créer du profit. Elle vise simplement au défraiement du cout du pompage et du transport de l’eau dans le réseau ainsi que son entretien. La régie municipale a donc un avantage sérieux sur les sociétés privées nationales ou transnationales. Ajoutons qu’un tarif peut même être inférieur à ce cout d’usage s’il existe des raisons de le faire. Ce qui implique soit une tarification différentiée soit le recours à l’impôt. Mais les impôts locaux ne sont pas élaborés en fonction des capacités contributives, donc les "pauvres" paient pour les riches. On ointe ici un premier inconvénient. Ce n’est pas le seul.

Mais auparavant il importe de noter un autre avantage : le marché ayant disparu il y a place pour la volonté politique, sous des formes plus ou moins délégataires. Le consommateur d’eau est dans une situation nouvelle : il est d’une part citoyen au moment il vote la municipalisation (s’il y a un vote spécifique) ou au moment ou il vote pour l’équipe municipale ; il est d’autre part usager mais pas usager direct d’un bien commun (a priori il ne tire pas l’eau d’un puit ou d’un étang) mais usager via un service public organisé. Quand l’usage d’un bien passe par une affectation de ressources matérielles et humaines on ne parle plus de biens publics mais de service publics. C’est ici que notre consommateur peut avoir des relations nouvelles. Je dis relation car il ne s’agit pas d’un rapport social proprement dit avec son caractère nécessaire. L’immense majorité des usagers peuvent user d’un bien ou d’un service public pendant des années et ne jamais avoir de relations avec ceux qui assurent l’organisation matérielle du service (autre que celle purement automatique du paiement du tarif ou de la redevance). L’expérience montre qu’en cas de conflits, il y a bien une situation d’inégalité qui montre l’existence d’un rapport social objectif lié au fait qu’un individu se heurte à une structure. Pierre Bauby (1) propose "d’opérer un véritable « retournement de perspective » : définir le service public non à partir des principes et par en haut, mais en partant des droits fondamentaux de la personne et de leur garantie d’exercice, des besoins et aspirations des consommateurs, des citoyens et de la société, qui sont la finalité des services publics" L’option présente plaide pour une articulation des principes et droits. Les usagers doivent pouvoir avoir des droits a faire valoir individuellement et collectivement contre la structure, notamment les usagers modestes ne disposant pas de la possibilité de recourir à des cabinets d’avocats. Des associations comme INDECOSA-CGT doivent pouvoir intervenir régulièrement pour améliorer le service public.Notons que la plupart des service publics ont aujourd’hui d’une part un service "relation usager" (aussi bien doté que le service "communication" ?) et d’autre part un service contentieux . La qualité de ses services dépend beaucoup des moyens alloués à la structure. Ce qui renvoie ici à la critique des politiques libérales ou sociale-libérale de réduction budgétaire, de diminution des personnels, de réduction du maillage territorial (pas ou plus de services organisés dans les quartiers périphériques).

 Contre l’inégalité de traitement il n’y a que le service public national de l’eau !

Malgré ses avantages la forme localisée du service public de l’eau ne permet pas de répondre à l’inégalité de traitement entre proches usagers.Vous pouvez ainsi avoir une tarification plus basse ou plus élevée que votre voisin simplement parce que vous dépendez de deux communes différentes. L’écart est sans doutes plus important encore avec une commune ou l’eau est toujours privatisée par une société. Mais même entre deux communes ayant pro cédées à la mise en régie municipales, les différentiations tarifaires peuvent apparaitre. Or les différentiations tarifaires ne sont justes que si elle procèdent de la volonté politique et non par l’inégalité issue de la situation qui n’est en rien naturelle mais sociale et politique. Contre toutes les inégalités d’accès la solution localisée se montre inefficace même sur des bases d’appropriation publique. Le socialisme municipal n’est pas le socialisme. L’approche plus globale est nécessaire. Il importe donc de promouvoir la création d’un service public national de l’eau. Deux propositions de lois ont été présentées ces dernières années : En 2004, celle de M Georges Hage (2) qui demandait la création d’Agence de l’eau. Le terme ne convient pas . En 2007 , celle d’André GERIN et ses camarades (3 ) avec un exposé des motifs qui tient plus compte des questions "géographiques" de l’eau (bassins). Ces propositions restent d’actualité. Les enjeux du service public de l’eau ne sauraient effectivement (1) relever du seul niveau communal ou inter-communal.

Pour passer à la régie d’Etat (4), les citoyens doivent affronter la droite et souvent le PS voire des élus communistes mais aussi le droit communautaire.Ce dernier interdit en effet à tout service de l’Etat (et par extension des collectivités territoriales) chargés de la réglementation d’un secteur économique déterminé d’y exercer des activités opérationnelles au nom de la prohibition des abus de position dominante (CJCE 27 oct 1993 Dame Decoster et Taillandier à propos des PTT). C’est ainsi que la très libérale Union européenne favorise les intérêts privés capitaliste contre l’intérêt général des populations, contre la satisfaction des besoins sociaux.

Et accepter la mise en concurrence généralisée revient à favoriser les intérêts privés du capital . Tant en France qu’en Europe, du fait de la domination de l’appropriation privé et de la place dominante faite au marché il est donc illusoire de penser "à un rééquilibrage entre règles de la concurrence et intérêt général" ( P Bauby précité) . Même les services publics ne sont pas totalement extraits des logiques marchandes du fait de leur insertion dans des sociétés capitalistes, des sociétés ou la logique des capitalistes est dominante. On pourrait en dire autant du secteur coopératif. Cela ne signifie pas abandon dans la défense et amélioration des services publics . Simplement cette amélioration via un cahier des charges stricte butte sur la situation de concurrence. Exemple : Si pour aller de la métropole à la Corse vous avez deux compagnies de navires pour le transit, l’une privé, l’autre publique avec missions de service public, il se trouvera nécessairement une période ou le rapport de concurrence sera défavorable au service public de transport maritime. Si la compagnie privée tourne beaucoup moins en "hors vacances" et plus l’été, elle pourra tout en continuant de faire du profit à obtenir des prix relativement attractif l’été par rapport à la régie publique qui "tourne" constamment. L’exemple pris ne se rapporte pas nécessairement à la réalité actuelle.

 Se mobiliser ensemble localement pour y parvenir nationalement.

Comme signalé en introduction les Verts sont en général actif pour la remunicipalisation de l’eau dans le cadre d’une politique de l’eai (5). Mon propos montre que cette phase est essentielle. Pour la LCR, (6) pour parvenir à un SPNE "il est nécessaire que les maires ne renouvellent pas les contrats de délégation de service public qui arrivent à terme pour beaucoup entre 2007 et 2009. Récemment, plusieurs communes importantes ont repris en régie la distribution de l’eau (Cherbourg, Grenoble, etc.). C’est donc tout à fait possible, mais la mobilisation des populations concernées est indispensable pour que cette démocratisation des services de l’eau puisse devenir une réalité dans toute la France."

Christian Delarue.

auteur de
REORIENTER LES SERVICES PUBLICS POUR SATISFAIRE LES BESOINS POPULAIRE DANS LES QUARTIERS DELAISSES ET LES CAMPAGNES

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article159

Se battre pour l’universalisation des critères de service public - C Delarue

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article370

Notes :
1) Conduire une stratégie offensive pour refonder et rénover les services publics en France et en Europe par Pierre Bauby AITEC

http://www.globenet.org/aitec/contributions/refondersp.htm

2) N° 1493 - Proposition de loi de M. Georges Hage tendant à créer un service public de l’eau

http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion1493.asp

3) N° 430 - Proposition de loi de MM. André GERIN, Jean-Jacques CANDELIER, Jacques DESALLANGRE, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Daniel PAUL et Michel VAXÈS, tendant à créer un service public de l’eau

http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion0430.asp

4) La régie est un mode de gestion du service public qui n’est pas nécessairement local. Il peut être national. Exemples : Direction des Journaux officiels, Mobiler national, Monnaies et médailles.

5) Loi sur l’eau, projet - Discours prononcé par Mme Voynet, Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, lors de la conférence de presse de présentation du projet de loi sur l’eau, le 27 juin 2001

http://www.waternunc.com/fr/mate47.htm

6) LCR et service public de l’eau

http://www.lcr-rouge.org/spip.php?article111

(*) Propos évidemment non exhaustif : Pour aller plus loin :

Le service public de l’eau en France.

http://www.globenet.org/aitec/chantiers/sp/eau/SPeauFrance.html

Privés d’eau ? ATTAC 45

http://www.local.attac.org/attac45/spip.php?article243

http://seaus.free.fr/

http://www.eauxglacees.com/

Messages

  • il manque du monde !

     Faire reconnaître le caractère de bien public de l’eau
     Engager la ré-appropriation publique de l’eau
     Mettre en place un système de redevances incitatif

    http://www.pcf.fr/spip.php?article938

    • J’ai d’ailleurs écrit plus haut qu’il eut été bien que ces principes soient inclus dans le Grenelle. Comme ce truc est une pantalonnade, ce genre de sujétion restera lettre morte. En plus je pense que déclarer l’eau : "Bien commun de l’humanité" n’est pas une si mauvaise idée que cela.

    • Michel,

      il manque du monde !

      dis-tu en ajoutant le lien pcf.

      Tu remarqueras que j’avais cité deux propositions de loi communiste dans mon texte.

      Deux propositions de lois ont été présentées ces dernières années : En 2004, celle de M Georges Hage (2) qui demandait la création d’Agence de l’eau. Le terme ne convient pas . En 2007 , celle d’André GERIN et ses camarades (3 ) avec un exposé des motifs qui tient plus compte des questions "géographiques" de l’eau (bassins). Ces propositions restent d’actualité. Les enjeux du service public de l’eau ne sauraient effectivement (1) relever du seul niveau communal ou inter-communal.

      Il y rien sur le POI, LO et sur les Verts il y a bien un débat qlq part sur le SPNE….

      Tu ajoutes :

      Faire reconnaître le caractère de bien public de l’eau
      Engager la ré-appropriation publique de l’eau
      Mettre en place un système de redevances incitatif

      OK

      Sur l’eau comme bien public je suis évidemment OK mais un bien est commun ou public quand son accès est direct (l’eau est là et on se sert ) mais quand tout un dispositif avec une structure de gestion est nécessaire comme dans les pays développés je parle – comme d’autres – de service public ;

      Sur le Grenelle, c’est un bon coup de Sarko. Doué pour les manœuvres de grandes envergures ! Mais au bout... du vent !

      Ciao !

      Christian Delarue