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Annemasse regrette sa rencontre manquée avec les "alters"

Publie le lundi 2 juin 2003 par Open-Publishing

Libération] En résumé, les commerçants d’Annemasse s’aperçoivent qu’ils se
sont fait avoir par la psychose policière.

Annemasse regrette sa rencontre manquée avec les "alters"
01 juin 21:54:00

par Benoît Van Overstraeten

ANNEMASSE (Reuters) - La plupart des quelque 100.000 altermondialistes ayant
manifesté contre le G8 s’apprêtaient dimanche soir à quitter Annemasse, où
les habitants se demandaient s’ils avaient fait le bon choix en se
barricadant chez eux.

Certes, la psychose des casseurs n’a pas atteint à Annemasse les proportions
démesurées de celles constatées dans les villes suisses de Genève ou de
Lausanne, désertées par leurs habitants et claquemurées derrière des
barricades en bois jaune qui ont été posées sur la plupart des habitations
et des commerces.

Mais les panneaux de contreplaqué, au grand bonheur des menuisiers locaux,
avaient également fleuri à Annemasse, notamment sur les vitrines des
magasins situés sur le parcours de la manifestation.

A mesure que le cortège se dispersait dans le calme à l’entrée d’Annemasse
et que les manifestants traversaient paisiblement la ville pour rejoindre
leur lieux d’hébergement ou leurs cars de retour, les masques et les
planches tombaient çà et là.

Les habitants risquaient une tête dehors, se rendant compte avec un mélange
de soulagement et d’incrédulité, que les casseurs annoncés n’avaient pas été
au rendez-vous.

"J’avais protégé mes vitres pour faire comme les autres, car ’ils’ me
faisaient peur avec leurs travaux de sécurisation de leurs vitrines",
déclare José, tenancier d’un café du centre-ville.

"Mais dès que j’ai vu qu’il n’y avait rien à craindre, je me suis empressé
d’enlever une partie des planches pour pouvoir ouvrir", ajoute-t-il, en
regrettant les bonnes affaires manquées pendant les quatre jours du
"contre-sommet".

"VOUS ALLEZ VOIR VOS FILS MOURIR SUR LES BARRICADES"

Evelyne Rossat, propriétaire du traiteur du même nom, avait fait le choix de
rester ouvert pendant cette période et se félicite de son choix.

"Je n’ai rencontré que des gens sympathiques et je suis bien contente d’être
restée ouvert", souligne-t-elle, notant qu’elle a tenté de combler le vide
laissé par la fermeture d’autres établissements en proposant, par exemple,
du café.

"Mais je me suis fait insulter par les autres commerçants parce que je suis
restée ouverte. Ils m’ont dit que j’étais inconsciente", ajoute-t-elle.

Evelyne Rossat désigne trois causes à la peur irraisonnée qui a saisi les
habitants d’Annemasse : les assureurs, en incitant, selon elle, les
commerçants à se barricader ; la préfecture de Haute-Savoie, en tenant un
discours alarmiste pendant les mois précédant le sommet et les médias locaux
qui, avec des unes comme : "Vous allez voir vos fils mourir sur les
barricades", ont entretenu un climat de peur proche de la panique.

A l’instar du traiteur Rossat, la pâtisserie Chez Etienne a également
réservé un accueil chaleureux aux manifestants, leur donnant des conseils
pour se repérer en ville, leur vendant des cigarettes introuvables ailleurs
pour cause de fermeture des tabacs et ayant même installé des enceintes
au-dessus de sa boutique, d’où sort de la musique électronique.

Dès leur arrivée, les quelque 3.000 personnes du "village intergalactique",
un des deux villages alternatifs qui a été mis en place pendant le
contre-sommet, étaient venus voir les habitants d’Annemasse pour les inviter
à un pot d’accueil dans leur village.

Ils ont été nombreux à venir, mais les contacts n’ont pas été poussés plus
loin, l’omniprésence des forces de l’ordre les renvoyant à leurs craintes
premières.

Des forces de l’ordre qui, moins d’une heure après la dispersion de la
manifestation de dimanche, commençaient déjà à plier bagage.