Accueil > BRÉSIL - Un grand propriétaire soupçonné d’avoir fait assassiner trois (…)
BRÉSIL - Un grand propriétaire soupçonné d’avoir fait assassiner trois inspecteurs du travail
Publie le mardi 3 août 2004 par Open-PublishingL’histoire est digne du Far West légendaire, de ses attaques de diligences,
des méchants à la mine patibulaire et du shérif au grand c¦ur vertueux et
vainqueur. Malheureusement, pour le happy end, il va falloir attendre encore
un peu ! En revanche, la diligence a bel et bien été attaquée, au nord-est
de l’Etat [de l’intérieur du Brésil méridional] de Minas Gerais, raconte le
quotidien O Globo. "La voiture de trois inspecteurs du travail et de leur
chauffeur a servi de cible à des bandits qui l’ont criblée de balles,
réalisant un beau carton : les quatre hommes sont morts."
"L’attaque a eu lieu le 28 janvier 2004", précise le quotidien de Rio, et
elle a révolté tout le pays. A l’époque, le président Lula avait juré ses
grands dieux que l’arrestation des coupables était une priorité, une
commission parlementaire avait été nommée et un numéro de téléphone avait
même été créé : le 0800 702 0190.
Six mois plus tard, l¹enquête semble sur le point d’aboutir et elle mène
directement à une puissante famille de planteurs locaux, les Mânica. Voilà
qui explique que la presse brésilienne en parle à nouveau. La police
fédérale a mis du temps à démêler les fils de l’énigme "à cause de
difficultés avec les polices civiles et militaires locales", ont reconnu des
responsables de la police fédérale devant la commission parlementaire.
Les inspecteurs assassinés venaient de faire une série de visites
impromptues dans 18 grandes exploitations agricoles de l’Etat de Minas
Gerais. Partout, ils ont constaté des conditions de travail dignes du XIXe
siècle et de l’esclavage, affirme O Globo. "Bien souvent, les ouvriers n’ont
ni réfectoire, ni sanitaires, ni même accès à l’eau potable. Ils ne
disposent pas de papiers officiels, ne sont bien sûr pas déclarés et sont
évidemment payés à la tâche et non à l’heure, autant d’actes illégaux",
précise encore le quotidien. Du coup, les inspecteurs ont verbalisé à
tout-va, dressant 72 procès-verbaux. La famille Mânica, à elle seule, a
récolté 27 constats, et l’un de ses membres, Norberto Mânica, est suspecté
d’être le donneur d’ordre des meurtres, faisait l¹objet de 9 procès-verbaux.
Le montant des amendes, qui aurait dû être versé, était de plus de 1 million
de reais, soit pas loin de 200 000 euros ! Si les inspecteurs avaient eu le
temps de rejoindre leur administration et de lancer le processus
administratif de recouvrementŠ
Finalement, la police fédérale a retrouvé la trace des bandits en
identifiant les armes du crime. Les exécutants ont reconnu les faits, et ce
sont eux qui disent avoir obéi aux ordres de Norberto Mânica. Lequel dément
formellement. En outre, l’avocat de la puissante famille accuse l’inspection
du travail de s’acharner sur les malheureux propriétaires terriens, qui,
s’ils devaient respecter les lois en vigueur, ne seraient plus en mesure de
maintenir une production digne de ce nom, au risque d’appauvrir non
seulement l’Etat mais tout le pays.
La presse brésilienne s’interroge maintenant sur les chances de voir un jour
Norberto Mânica devant la justice. Les lampistes vont trinquer, de cela la
presse ne doute pas, mais quant au riche et puissant propriétaire... O Globo
remarque que Anterio Mânica, l’un des frères de Norberto, a lui aussi fait
l’objet de 9 procès-verbaux. Accessoirement, il est le candidat du Parti
social-démocrate brésilien (PSDB) au poste de préfet de l’Etat !
Courrier international