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Béziers soufré !

Publie le dimanche 21 août 2005 par Open-Publishing

Communiqué de presse greenpeace
Campagne Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises

Béziers soufré !

Paris, 18 août 2005 - Les quelques rares articles de presse relatant les faits de l’incendie de l’usine de pesticides SBM Formulation se font clairement l’écho de l’inquiétude des riverains exposés aux gaz de combustion de cet accident. La gestion de crise par les autorités compétentes n’a finalement fait qu’amplifier cette inquiétude, alors que la mise en œuvre d’un plan de crise aurait dû être exemplaire. L’absence d’information, d’une part, privée (liste des substances présentes sur le site) et, d’autre part, publique (conclusions sur les analyses chimiques effectuées) est sans doute responsable du malaise local. Greenpeace demande que la politique industrielle de la chimie soit plus responsable et adopte enfin le principe du droit de savoir, pilier pour un développement soutenable et une véritable démocratie participative (principe de Bhopal n°5 ).

Béziers, dans la nuit du 27 au 28 juin 2005, l’usine de pesticides SBM Formulation est en feu. A cet instant précis et dans les heures qui ont suivi, les substances présentes sur le site sont inconnues. On imagine une forte hétérogénéité de produits répartis dans différents hangars de stockage, prêts à être expédiés à leurs destinataires. SBM formulation prépare 50 000 tonnes de pesticides (l’équivalent de l’utilisation annuelle française hors herbicides) pour le marché français mais aussi pour exporter vers certains pays en développement comme l’atteste la présence de Pelt44, produit interdit en Europe. Devant cette diversité de substances, dévoilée 15 jours après l’incendie, on imagine les difficultés rencontrées pour réaliser des analyses homogènes sur une période de 11 heures de feu intense (3h00 à 14h00). De plus, le matériel d’analyse des marins pompiers de Marseille ne permettait pas d’appréhender le risque au delà de l’urgence pour la protection des pompiers intervenant sur le brasier. Ces différents arguments se fondent sur les résultats d’analyse communiqués par les marins pompiers à la DRIRE dès leur arrivée sur les lieux, soit 6 heures après le début de l’incendie, et récupérés par Greenpeace comme document administratif.

Que des dioxines n’aient pas été détectées surprend bien évidemment tout le monde et encore une fois le matériel des marins-pompier n’est pas adapté pour une analyse aussi fine. Ce qui surprend davantage, c’est que les caractéristiques du disulfure de carbone (CS2) n’aient pas été prises en compte par les autorités. En effet, contrairement à ce qu’on a pu lire dans la presse , ce produit n’est pas anodin. Pendant quelques 13 heures les niveaux détectés étaient quasiment au niveau de la limite d’exposition professionnelle de 10 ppm pour 39 heures de travail (niveaux de détection entre 5 et 10 ppm jusqu’à 14h le 28 juin) ! Le disulfure de carbone est un poison par inhalation montrant les mêmes effets aigus que le dioxyde de soufre (SO2), les maux de tête en plus. Mais, d’après les fiches toxicologiques de ce produit et notamment le Sax’s Dangerous Properties of Industrial Materials, le CS2 montre aussi des caractéristiques toxiques pour l’appareil reproducteur masculin, une augmentation du risque de malformation à la naissance et une action mutagène sur les cellules humaines. Tout individu exposé devrait donc bénéficier d’un suivi médical régulier. Les caractéristiques de cette substance sur le milieu naturel ne sont pas recensées, en cela rien d’étonnant quand on sait qu’un fort pourcentage des 100 000 substances chimiques sur le marché sont encore très mal connues.

Un Rapport sur l’évaluation sanitaire et environnementale de cet incendie est prévue pour fin septembre, mais de graves omissions qui auraient du être gérées quasiment en temps réel sont révélées ici. La culture du secret commercial des entreprises doit cesser quand le danger environnemental et sanitaire est avéré. Les grands groupes de la chimie du pesticide se cachent derrière leurs sous-traitants qui portent in fine la responsabilité des risques. Il est temps de modifier ces pratiques courantes et de mettre en place une politique de réduction du danger à la source et non plus seulement du risque.

1 Anciennement Union Carbide puis Rhône Poulenc, reprise ensuite par des cadres de Rhône Poulenc
2 http://www.greenpeace.org/france/press/reports/crimes-industriels
3 Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement
4 Le Monde du 27/07/2005