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Ca enterre dans la république bananière

Publie le samedi 31 janvier 2004 par Open-Publishing

Les frais de bouche, ces 14 millions de francs qui auraient permis au couple
Chirac de financer, sur les fonds de la questure de la Ville de Paris, leurs
simples déjeuners comme leurs confortables réceptions ? Aux orties. Au terme
d’une analyse juridique ficelée par le parquet de Paris, le dossier
d’instruction s’est trouvé atteint de prescription. Et le juge Courroye ne
pourra aller bien loin.

Enterrés. Les quelques dizaines d’autres emplois fictifs de la mairie de
Paris, chargés de missions au service d’élus du RPR, Corréziens chers au
coeur de Jacques Chirac, ou membres du staff de la permanence chiraquienne à
Ussel ? Enterrés. Malgré la résistance de la juge parisienne Colette
Bismuth-Sauron, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a
considéré que cette affaire était prescrite : les premiers faits ont été
découverts en août 1995, mais la justice n’a été saisie d’une plainte d’un
militant écologiste qu’en décembre 1998. Soit au-delà des trois ans requis.

La juge a eu beau arguer que ces emplois avaient été bien cachés,
dissimulés, rien n’y a fait. Ce dossier, il est vrai, était ennuyeux pour le
chef de l’Etat, qui y était directement impliqué. La cour d’appel n’a
évidemment tenu aucun compte des obstacles considérables qui avaient été mis
sur la route judiciaire : saucissonnage du dossier à Créteil, découpage à
Paris, envoi à Nanterre d’un bout de l’affaire... Avec un bon code de
procédure pénale et une dose de bonne volonté, tout est possible...

Que reste-t-il, dès lors, des affaires du RPR ? Celle des HLM d’abord,
longtemps conduite par Eric Halphen avant d’être transmise au juge Armand
Riberolles. Ouverte en 1994, elle concerne les commissions versées sur de
gros marchés publics de l’Opac de Paris, notamment celui de la rénovation
des ascenseurs. Cette instruction-là est au « règlement » : autrement dit, le
juge a bouclé son dossier et le procureur doit maintenant prendre position.
On peut donc s’attendre que motifs de nullité et autres obstacles de
procédure soient trouvés.

Il y a également le cas des marchés publics d’Ile-de-France. Des commissions
versées par les entreprises pour obtenir les chantiers des lycées
franciliens. L’ex-RPR est en cause, mais, cette fois, au côté également du
PS. Le financement en espèces de voyages luxueux de Jacques Chirac et des
siens figure aussi dans ce dossier.

Mais l’Elysée a trouvé un argument pour bloquer toute discussion : il
s’agirait de fonds secrets. Quoi qu’il en soit, jusqu’au terme de son
mandat, le chef de l’Etat ne pourra être poursuivi. Et au-delà il pourra
toujours espérer un abandon des poursuites...

Protection. Reste enfin l’affaire des emplois fictifs qui vient d’être jugée
à Nanterre, peut-être celle qui gêne le plus le chef de l’Etat car traitée
sans aucune complaisance. La peine infligée à Juppé va de fait peser sur le
chef de l’Etat. Puisqu’il ne pouvait être poursuivi, ni entendu comme témoin
au nom de la protection due à sa fonction, son dossier a été mis entre
parenthèses.

Mais en 2007, s’il n’obtient pas une nouvelle immunité par le biais d’une
réélection, Chirac pourra être à son tour jugé. Le tribunal l’a rappelé
vendredi : au sein du RPR, Alain Juppé était « directement subordonné au
président du mouvement ».

Libération