Accueil > Ces patrons qui défendent les sans-papiers
En Ile-de-France, une vingtaine de lieux sont toujours occupés par des sans-papiers qui demandent leur régularisation. Certains chefs d’entreprise leur ont apporté leur soutien. Paroles.
de Raphaëlle Remande
« Nous sommes passé de 200 à 350 sans-papiers mobilisés. Ils n’ont plus rien à perdre et ils sont déterminés », affirme Jean-Claude Amara, porte-parole de Droits devant !, qui, avec la CGT, soutient le mouvement de salariés en situation irrégulière en grève depuis hier matin. Alors qu’une action est prévue à 17 heures devant le ministère du travail, Jean-Claude Amara invite les patrons à se joindre au mouvement : « Tout ce qu’on demande aux patrons, c’est de faire pression (sur le ministère, NDLR) ». Libération a interrogé des chefs d’entreprises prêts à s’engager. Propos recueillis.
Belhaid Benaîssa, gérant de BBF, une entreprise spécialisée dans les entretiens d’espaces verts, basée à Ormoy (91). Sur ses 45 salariés, une vingtaine seraient munis de faux-papiers : « Je suis à fond derrière mes gars. Je n’espère qu’une chose : qu’on les régularise le plus vite possible. J’ai des chantiers à attaquer, d’autres à finir. Mes employés sont là depuis 5, 6 voire 7 ans et ils sont irremplaçables. J’ai appris dimanche qu’ils avaient de faux papiers, je n’avais pas cherché à vérifier. Pour l’instant je veux récupérer tout ce beau monde. Je ne dis pas ça que pour moi. Ces régularisations sont dans l’intérêt de l’économie du pays. »
Vlado Jankovic, chef d’entreprise de « Location peinture prestation », basée à Boissy sous Saint Yon (91), une trentaine de salariés : « L’occupation se passe dans le plus grand calme. Je connais les personnes qui sont là et je vais boire le café avec eux. La plupart ont travaillé longtemps pour moi. J’ai appris qu’ils étaient sans-papiers avec les circulaires de l’été dernier (Depuis le 1 juillet, les chefs d’entreprise ont l’obligation de demander aux préfectures, quand ils recrutent un étranger, de vérifier l’authenticité du titre de séjour, NDLR). On n’ a pas voulu les licencier tout de suite mais il y a eu une descente de police en début d’année et nous avons dû le faire. Sinon, on risquait d’être mis en cause pénalement. Un de mes sans-papiers a quand même été régularisé en février. Je trouve que c’est une cause juste. Moi j’ai toujours des problèmes pour recruter. Il y a une grosse pénurie de main d’oeuvre sur le marché. Alors quand on arrive à fidéliser, on a envie de garder nos salariés. »
Bruno Druilhe, créateur de l’enseigne « Chez Papa » qui gère une dizaine de restaurants dans Paris. Sur 70 salariés, 16 auraient des faux papiers : « C’est sûr que nous n’avons pas été assez vigilants sur les papiers. Mais certaines personnes viennent de la part de l’ANPE. Les papiers, ce sont des photocopies de photocopies. Mes employés étaient déclarés. Ils touchaient leur salaires, allaient à leur visite médicale. Aujourd’hui, je m’engage à ce qu’ils aient des papiers rapidement. Ils travaillent depuis 4 ou 6 ans pour moi, je ne peux pas me permettre de les licencier. Hier j’ai appelé mon syndicat professionnel. Nous avons obtenu un rendez-vous demain avec le premier ministre. »