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Colombie : Uribe garantit la sécurité et oublie les pauvres

Publie le mercredi 26 décembre 2007 par Open-Publishing

En Colombie, dans les dernières années du premier et deuxième gouvernement d’Uribe, la pauvreté n’a pas diminué, l’accès à la santé ne s’est pas améliorée et la richesse s’est encore plus concentrée.

Malgré les fortes critiques de ces derniers jours de la part des familiers des séquestrés et de quelques leaders de la communauté internationale, en Colombie la popularité d’Alvaro Uribe est une réalité indéniable. Jusqu’à seulement il y a quelques semaines 74 pour cent des colombiens croyait que le petit homme à lunettes maniait bien le pays. La raison : ils se sentent plus sûrs. Seulement une petite portion de la société a rappelé que dans les dernières années la pauvreté n’a pas diminué, la santé ne s’est pas améliorée et la richesse s’est accumulée encore plus entre une poignée d’entrepreneurs colombiens et étrangers.

On connaît peu de choses de la politique sociale et économique des gouvernements d’Uribe. Le Palais présidentiel de Nariño s’est chargé de divulguer de temps en temps les auspicieux chiffre macroéconomiques et les organismes internationaux de crédit de louer la gestion de Bogotá. Cette année, le pays a crû à sept pour cent - un des plus grands indices dans la région, avec l’Argentine - et l’inflation s’est maintenue relativement stable, entre 5 et 5,5 pour cent. Le chômage a baissé à 10 pour cent, la pauvreté a diminué de 52,5 pour cent en 1991 à 49 pour cent et la couverture médicale gratuite s’est remarquablement étendue. Tout un exemple à suivre, selon le rapport de l’année dernière du Fonds Monétaire International. Mais derrière ces chiffres se cache une réalité sociale beaucoup moins auspicieuse. Selon un rapport du Centre d’Investigations pour le Développement (CID) de l’Université Nationale de Colombie, la situation au niveau du travail ne s’est pas améliorer mais l’emploi informel et précaire a crû, et la pauvreté n’a pas non plus baissé, mais le gouvernement a changé la formule pour la mesurer. Dans les années quatre-vingt-dix, Bogotá calculait le niveau de revenus de la population à partir de sa capacité ou non d’atteindre la consommation moyenne de la classe moyenne et basse c’est-à-dire de 90 pour cent des colombiens. Aujourd’hui le gouvernement d’Uribe le calcule à partir de la consommation moyenne des 25 pour cent les plus pauvres du pays. Selon le CID, avec la méthodologie antérieure la pauvreté monterait à 66 pour cent et le niveau d’indigence à 27 pour cent, un record pour la Colombie.

La situation est encore plus dramatique à la campagne, où la pauvreté dépasserait 90 pour cent. Pour les paysans colombiens leur sort a été réglé il y a des années quand propriétaires fonciers, paramilitaires et guérillas se sont appropriées les terres les plus fertiles. Actuellement, selon les données du CID, près de 2500 propriétaires concentrent 53,3 pour cent du territoire, par hasard les régions les plus propices pour la culture de café et de bananes, et l’extraction de cuivre et de pétrole. Ce sont ces propriétaires, nationaux et étrangers, qui seront les seuls bénéficiaires si la Colombie réussit à signer un Traité de Libre Echange (TLC) avec les États-Unis. Le reste des propriétaires de terre possèdent, en revanche, au mieux, des surfaces de moins de trois hectares. Dans la majorité des cas, cela se traduit par une petite maison avec cinq ou dix vaches et une modeste récolte pour subsister.

Pour le politologue de l’Université Javeriana de Cali Fernando Giraldo, les campagnes sont un exemple de la croissance dépareillée que subit le pays. Les paysans sont les principaux exclus des centaines de millions de dollars qui entrent tous les ans au travers d’investissements directs et d’aides du gouvernement des Etats-Unis. "Le problème c’est que nous nous habituons à la situation de guerre constante et la pauvreté est devenue pour beaucoup une variable inévitable", a expliqué à Página/12 l’analyste.

Durant sa première campagne présidentielle, Uribe a clairement affirmé qu’elles seraient ses priorités. D’abord il faut gagner la guerre - soutenait il -, après nous pourrons nous occuper des problèmes économiques et sociaux du pays. C’était le leitmotiv qui a guidé son premier gouvernement et, pour ce qu’il a montré cette année, ce qui guidera son administration jusqu’en 2010. Sa politique sociale s’est concentrée jusqu’à présent sur un programme de subventions en espèces pour les plus pauvres familles, un autre destiné aux mères célibataires et quelques projets moins importants pour financer des initiatives d’organisations de jeunes.

L’autre initiative sociale qu’ont l’habitude de mentionner les fonctionnaires du Palais de Nariño quand un journaliste leur rappelle la dure situation du pays est l’élargissement de la couverture médicale. Pour Giraldo, bien que l’accès à la santé s’est étendu à la majorité des secteurs les plus pauvres, le gouvernement n’a pas investi suffisament en infrastructures et en professionnels pour que le système pût faire face à l’entrée de dizaines de milliers de nouveaux patients.

Tandis que le combat contre la guérilla consomme l’attention et les ressources de l’État colombien, la situation précaire des déplacés par la violence des paramilitaires et les guérillas commence à préoccuper les organisations humanitaires. En novembre dernier, l’agence de l’ONU pour les réfugiés (Acnur) a demandé au président Uribe de protéger et d’assurer le bien-être des plus de trois millions de déplacés qu’a le pays. A peine un mois après, la Croix-Rouge Internationale a réitéré l’appel aux Nations Unies et a alerté sur e fait que la majorité des déplacés se trouvent déjà dans la misère. Au milieu des croisements diplomatiques avec Caracas et des attaques militaires aux FARC, la réponse du gouvernement colombien au problème des déplacés a brillé par son absence.

Pagina/12 (Argentine), 23 décembre 2007.

http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-96607-2007-12-23.html