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Directive Bolkestein : quels impacts pour les associations du secteur social et médico-social ?

Publie le dimanche 8 mai 2005 par Open-Publishing
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SNAPEI, mensuel n° 40, avril 2005.

Projet de directive européenne relative aux services dans le marché intérieur :
quels impacts pour les associations du secteur social et médico-social ?

Le Conseil européen de Lisbonne s’est fixé pour objectif de faire de l’Union Européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde pour 2010 ».
Dans cette optique et afin d’éliminer tout obstacle susceptible d’entraver les entreprises dans leur rôle de prestataire de services ou dans leur possibilité de s’établir dans les autres Etats membres, la Commission propose une directive cadre supprimant les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services entre les Etats membres.
Ce projet de directive, connu actuellement sous le nom de « directive Bolkestein », nom de son auteur, ex-commissaire européen, a été adopté par la Commission européenne le 13 janvier 2004 et a été porté devant le Parlement européen au mois de novembre de la même année. S’en sont suivis de nombreux débats et prises de positions favorables au projet de directive ou contestant ses dispositions.
Ce projet de directive étant préoccupant pour notre secteur, le SNAPEI et l’UNIFED ont entamé des démarches auprès du Parlement européen, des députés européens et du gouvernement français afin que notre secteur n’entre pas dans le champ de cette directive.
Cette position semble être entendue par le gouvernement français et relayée par d’autres pays européens.
D’ailleurs, le Sénat a adopté, le 23 mars 2005, une proposition de résolution européenne concernant ce projet de directive. Le Sénat estime que le texte est inapplicable en l’état et que parmi les services à exclure du champ de cette directive figurent les services de santé, d’aide sociale et médico-sociale.
Le Président de la Commission, José Manuel Barroso, a amorcé une remise en chantier de ce texte afin de trouver un consensus acceptable avec le Parlement et le Conseil.
La prochaine étape était, en principe, fixée au 28 septembre 2005, le texte devant alors être soumis en première lecture au Parlement européen et à une session de vote.
Si le calendrier est respecté, la procédure d’adoption sera, à cette date, loin d’être achevée, une navette sera alors prévue entre le Conseil des Ministres de l’Union européenne et le Parlement.
Des évolutions de la proposition de directive sont donc à prévoir.
Nous avons donc souhaité faire une synthèse des dispositions « actuelles » de ce projet de directive et de leur impact pour les associations.

Synthèse des dispositions

L’objectif du projet de directive
L’objectif est d’éliminer toute barrière allant à l’encontre de la liberté d’établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services entre les Etats membres.
Ces deux libertés fondamentales sont inscrites dans le traité afin de favoriser l’accès des consommateurs et utilisateurs aux services proposés par des entreprises ressortissantes de l’un des 25 Etats membres, que ces services soient fournis en personne ou à distance.

Les secteurs visés
Sont concernés par cette proposition de directive tous les services correspondant à une activité économique, soit tous les services fournis aux consommateurs ou aux entreprises.
La directive exclut explicitement :
- les services fournis directement et gratuitement par les pouvoirs publics dans l’accomplissement de leurs obligations sociales, culturelles, éducatives ou légales,
- les services financiers,
- les services de communications électroniques (pour les questions régies par les directives en la matière),
- les transports.

Les associations du secteur social et médico-social sont concernées par cette proposition de directive.

Le contexte
Cette proposition de directive intervient alors que la Commission européenne n’a pas donné sa position quant à l’adoption d’une directive cadre concernant les services d’intérêt général. Sans l’étude concomitante d’une directive sur les services d’intérêt général, la proposition de texte de la Commission apparaît discutable et inachevée.
Objectif d’une directive cadre sur les services d’intérêt général :
donner la possibilité aux Etats membres de définir eux-mêmes quels services ils considèrent comme relevant de l’intérêt général. Cette définition permettrait notamment de préserver ces services des règles de concurrence et des procédures de marchés publics

Les mesures favorisant la liberté d’établissement des prestataires de services dans les autres Etats membres :
Il est prévu la mise en place, de Guichets uniques, d’une simplification administrative, d’un droit à l’information et de procédures par voie électronique pour l’accomplissement des formalités d’établissement.
Les régimes d’autorisation pour s’établir dans un Etat membre ne doivent pas être discriminatoires et doivent être justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général.
Certaines exigences qui pouvaient être requises pour s’établir dans un Etat membre sont interdites (critère de nationalité, avoir un établissement dans plusieurs Etats membres ou être inscrits sur les registres de plusieurs Etats membres, avoir l’établissement principal sur le territoire, test économique, avoir été inscrit ou avoir exercé pendant une période donnée sur le territoire).
Le projet de directive prévoit une évaluation de la compatibilité des exigences juridiques internes aux Etats membres avec les conditions fixées par la directive.

Les mesures favorisant la libre circulation des services dans les Etats membres :
Principe du pays d’origine : les prestataires sont soumis aux dispositions de leur pays d’origine sauf dérogations générales, transitoires ou cas individuels ; en contrepartie, l’Etat d’origine contrôle le prestataire et les services fournis dans les autres Etats membres.
Droit des destinataires d’utiliser des services d’autres Etats membres et d’avoir un accès complet à l’information sur les services offerts dans d’autres Etats membres.
Libre circulation des travailleurs détachés (aucune autorisation ou déclaration préalable au détachement).

Les impacts
Les points qui posent problème :

Le principe du pays d’origine
Un prestataire de services est uniquement soumis à la loi du pays dans lequel il est établi et les Etats membres ne doivent pas restreindre les services fournis par un prestataire établi dans un autre Etat membre. Le pays d’origine a pour mission le contrôle de prestataire pour les activités exercées dans et hors son territoire et le pays d’accueil ne peut imposer d’exigences autres que celles prévues dans la directive.
Ainsi, le prestataire ne se verra opposer aucune réglementation nationale hormis la réglementation européenne relative à la reconnaissance des qualifications européennes. Les dispositions relatives au droit du travail du pays dans lequel il s’installe s’appliquent. Cependant, nous pouvons craindre que cette législation ne soit pas appliquée, le prestataire n’ayant aucune obligation de déclaration auprès des autorités du pays d’installation.
Le pays d’accueil n’a aucun droit de regard en matière de contrôle du prestataire installé sur son territoire, ce contrôle restant à la charge du pays d’origine. Ne pas faire appel à un contrôle de proximité par le pays d’accueil a des implications non négligeables au regard du droits des usagers, de la qualité de service, des coûts pratiqués, de la diligence... La suppression des obligations d’obtenir une autorisation, de s’enregistrer ou de tenir des documents sociaux sur son territoire interdira à un Etat tout contrôle des conditions de travail pour les travailleurs détachés.

Illustration :

Un centre de radiothérapie polonais propose ses services en France.
Il n’a aucune obligation de se déclarer auprès des autorités françaises. Comment vérifier que la législation sociale française sera appliquée ?
La France émet des doutes quant à l’activité de ce centre de radiothérapie.
La France ne pourra cependant exercer un contrôle de son activité que si celui-ci ne s’avère pas discriminatoire et si le contrôle est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionné au but poursuivi (contrôle à posteriori).
La notion d’intérêt général étant entendue strictement par la Cour européenne, le contrôle de la France s’avère limité.

ÄLa directive peut également être perçue comme une incitation claire à la délocalisation vers les pays de l’Union Européenne les moins exigeants, en matière de protection des consommateurs, dans le domaine social...

Le régime d’autorisation
Les Etats membres devront supprimer les procédures d’autorisations et d’exigences, limiter le nombre des documents requis.
Toute exigence à l’accès ou à l’exercice d’une activité de service sera soumise à une procédure
d’évaluation par les Etats membres et la Commission et devra être supprimée si elle est contraire à la liberté d’établissement.
Ces mesures de simplification administrative ne sont pas sans conséquences dans le secteur de la santé, du handicap, de la dépendance et de l’insertion.
En effet, certains secteurs nécessitent que les Etats conservent une capacité à réguler les services offerts sur leur territoire pour sauvegarder les principes fondamentaux des systèmes nationaux, notamment pour :
- les normes nationales en matière de nombre minimum d’employés (personnel médical ou infirmier en fonction du nombre de lits par exemple),
- les limites quantitatives ou territoriales en fonction de la densité de population, des distances géographiques...
- les limites tarifaires à respecter.

Face à l’ensemble de ces dispositions, le SNAPEI et l’UNIFED estiment que l’intérêt des usagers, la sauvegarde de prestations de qualité, les impératifs de proximité exigent que les domaines d’activité du secteur social et médico-social restent de la compétence et de la souveraineté exclusive de la France.

Messages

  • bonne analyse sur des impacts trop méconnus. On est loin des discours lénifiants de nos "dirigeants". Mais elle laisse croire que l’on pourrait orienter le buldozer de la libéralisation.

    citation : Cette position semble être entendue par le gouvernement français et relayée par d’autres pays européens Faudrait pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages !
     à propos de la directive, et des entourloupes de nos "élites", voir l’article de l’Humanité
     on appréciera après sa lecture le discours des Verts, qui prétendent déposer un "amendement" réformant le traité, après nous avoir incités à voter...oui

    L’effet PINOCCHIO...

    Plutôt que d’attendre en priant, on se bouge, et on milite au quotidien parmi nos proches, à la boite, dans le quartier.

    Le milieu ouvriers/employés est celui où l’abstention est la plus forte aux élections politiques. La désespérance laisse le pouvoir aux oligarques, et la classe ouvrière prend de plein fouet les reculs sociaux.

    Alors, on milite pour le NON : comme dirait Bernard Thibault (secrétaire général de la CGT) , le quotidien des salariés ne sera pas changé le 30 mai. J’ajoute ce qu’il a "oublié" de dire : un vote NON suscitera un immense espoir de changement, et un mouvement social fort pourrait bien y fermenter. A nous d’y contribruer, et de construire le possible, ensemble !

    Alors, ON S’Y COLLE !

    Patrice Bardet, militant CGT