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Inde, 13 décembre : un anniversaire à l’ombre d’une potence
Publie le mardi 12 décembre 2006 par Open-Publishing2 commentaires
New Delhi, 13 décembre 2001, le Parlement indien était attaqué...
Aujourd’hui, un homme seul va payer les crimes d’un État.
Cet article est dédié à l’honneur du Cachemire blessé, à Mohammed Afzal, impliqué malgré lui dans l’attaque du Parlement de l’Union indienne.
Condamné à mort pour raison d’État, l’homme attend la pendaison à la prison Tihar de Delhi.
À bien des égards le sort de ce cachemirien, torturé, innocent, ressemble à celui du Français Moussaoui, impliqué et condamné injustement pour les attentats du 11-Septembre.
Rappel des faits, documents et analyses.
HIMALOVE
NOUVELLE DEHLI, 13 DÉCEMBRE 2001. Le Parlement indien est en pleine session d’hiver. Le gouvernement de Atal Behari Vajpajee, dirigeant une coalition, New Democratic Alliance, semble en proie à un énième scandale de corruption...
À 11 heures 30 du matin, 5 hommes fortement armés, bardés d’explosif, vêtus de la combinaison des Black Cat (1), à bord d’une voiture officielle du ministère de l’Intérieur (2), une Ambassador de couleur blanche, forcent les portes de l’enceinte de la Lok Sabha, le Parlement indien.
Pris à partie rapidement par la garde, Center Reserve Police Force, les commandos bondissent hors de leur véhicule et ouvrent le feu, de manière indiscriminée, sous l’œil des caméras*.
*IMPORTANT : le rôle des caméras, dans cette affaire, est essentielle, car leurs images (3) mêlées à une fiction, produite par une chaîne privée, établissent la réalité des faits ; et sont projetées, à la télévision, en mai 2002, juste avant la confirmation des peines, infligées aux présumés organisateurs de l’attentat.
Le documentaire, produit par la chaîne Zee TV, s’intitule « December 13th ; The Truth based on the police chargesheet »...
Selon la représentation donnée par la presse : dans la fusillade du 13 décembre, tous les assaillants arborant un faux drapeau sont tués ; huit membres de la sécurité et un « mali » (jardinier) périssent dans les jardins.
Les hôpitaux donnent le chiffre et les noms de 15 blessés dont un photographe de presse.
À en croire la police (Special Cell of Delhi), les corps des terroristes abattus ont suffisamment d’explosif sur eux pour faire sauter le symbole de la Démocratie et de munitions pour tenir tête à un bataillon.
Curieusement les kamikazes, morts, revêtus de l’uniforme ennemi, laissent derrière eux une rivière d’indices : armes aux numéros non limées, portables, numéros de téléphone, cartes d’identité, photographies, paquets de fruits secs afghans et même une lettre d’amour...
Les officiers des forces spéciales, qui parlent beaucoup à la presse, ce jour-là, ne laisseront toutefois personne examiner les dépouilles.
La loi sur le droit à l’information, motif de la campagne électorale du printemps 2004, gagné par une coalition, United Progressive Alliance, dirigée par Sonia Gandhi, ne sera votée que quelques années plus tard, en 2005.
Sans surprise, le Premier ministre A. B. Vajpajee saisit l’opportunité de l’incident pour comparer l’assaut du Parlement à l’attaque du 11-Septembre (4).
Terreur au Parlement et main basse sur la démocratie
La « maladroite » tentative d’attentat, qui n’a pas égratigné un « Netaji » (5) ni bougé une pierre du « Fort rouge », sert de casus belli à une mobilisation générale.
Dans les jours qui suivent le 13 décembre 2001, la Lok Sabha est fermée ; les sessions parlementaires, ajournées.
L’état-major profite de l’opération alliée en Afghanistan, pour échafauder les plans fous d’un engagement total contre l’ennemi, le Pakistan.
Les parlementaires sont tenus à l’écart des décisions prises par le Premier ministre, son adjoint Lal Krishna Advani, le ministre de la Défense, Georges Fernandes, et les généraux.
Un blitzkrieg nucléaire est même envisagé en dépit de la doctrine officielle « no first use ».
On ne saura jamais le rôle exact, tenu en coulisse, des alliés états-uniens dont la marine indienne assure l’escorte des pétroliers dans l’Océan indien (6) lors de l’opération « Liberté Immuable ».
L’attaque du 13 décembre 2001 est-elle le méga mensonge par lequel commence une guerre ?
L’attaque du Parlement force la Lokh Sabha à un alignement atlantiste
Médiamensonge et guerre pour de vrai
L’opération Parkaram (Victoire en hindi), déclenchée après l’attaque du Parlement, ouvre un second front à l’est de l’Afghanistan ; et fixe les troupes pakistanaises, susceptibles de fournir un appui logistique aux talibans...
Les menaces nucléaires, de part et d’autres des frontières, tétanisent l’effort d’une guerre conventionnelle.
Cette opération de l’armée indienne est capitale dans la victoire rapide des coalisés à Kaboul, le 20 décembre 2001.
La preuve : aujourd’hui, 5 ans après, la relative détente entre l’Inde et le Pakistan autorise une offensive des forces unies de la résistance contre les troupes d’occupation de l’OTAN.
Le 13-Décembre, un mal nécessaire ?
Beaucoup de partis politiques, même au sein de la Brigade safran (7), en Inde, sont hostiles à toute alliance stratégique avec l’OTAN, qui installerait des bases militaires à demeure, en Asie centrale, coupant l’accès, par exemple, aux pétroles et gaz du Turkménistan... L’Inde, le Pakistan, l’Iran se voient légitimement les gardiens de cette région, carrefour des échanges entre le sous-continent, la Perse, l’Asie centrale et la Chine. Ce qui va être déterminant dans l’avenir de l’Afghanistan, dirigé par une marionnette de Washington, c’est leur attitude à l’égard de la force coloniale occupante, de plus en plus, rejetée par les populations...
(Pour la suite de l’analyse géopolitique, se rendre sur www.mai68.org) Déroulé de la crise du 13 décembre, en Inde
Le 14 décembre 2001, la Cellule Spéciale de la police de Delhi clame qu’elle a identifié les complices et commanditaires de l’attaque du Parlement.
Le 15 décembre, la police annonce qu’elle a « plié l’affaire » : l’attaque est une opération montée par deux groupes terroristes, basés au Pakistan, Lashkar-e-Toiba et Jaish-e-Mohammed.
Officiellement, « ces affreux à but non lucratif » oeuvrent aux côtés de l’armée pakistanaise à la libération du Jammu et Cachemire, occupé par l’armée indienne.
Officieusement, « ces prestataires de sévices » participent, à leurs manières, à la Libéralisation, Privatisation et Ensauvagement du monde.
Les agences BlackWater, Dynacorps, GlobalRisk, qui sous-traitent certaines opérations de l’US Army en Irak, Afghanistan et ailleurs, sont la vitrine légale de cette tendance.
Pour mémoire : la dernière insurrection au Jammu-et-Cachemire a été, en 1989, financée par la CIA, qui « encadraient » les officiers de l’Inter Service Intelligence, services secrets pakistanais et les moudjahiddines dont un certain Ben Laden...
Carré d’as cachemirien, vulgarisation de la crise
Les salopards, aujourd’hui, sont d’après les renseignements, donnés par l’Intelligence Bureau indien, au nombre de douze :
(On peut aisément se procurer les photos de leurs cadavres, criblés de balles, auprès des journaux et magazines indiens.)
Les cinq terroristes, déguisés en commandos indiens, « morts au champ d’honneur », le 13 décembre 2001, au centre de Delhi, porteraient les noms de Mohammed, Rana, Raja, Hamza et Haider.
Aucun journaliste ne se préoccupe de leur itinéraire et de leur origine ; personne ne questionne l’Intelligence Bureau et n’ose importuner leurs services.
Le prix d’une telle curiosité vous ferait arrêter comme espion au nom du Official Secret Act, 1923...
L’Intelligence bureau indien (IB) et le Research and Analyses Wing (RAW), l’équivalent du MI5 et MI6 anglais, n’ont de compte à rendre qu’au Premier ministre.
Ils constituent en relation, avec la direction, à Nagpur, des Rashtriya Swayamsevak Sangh dont certains officiers sont secrètement membres, un club très privé*.
*Lire « Open Secrets ; India’s Intelligence Unveilled » de Maloy Krishna Dhar, Manas Publication, New Delhi, 2005
Les journalistes, les juges et les chercheurs sont invités aimablement à s’occuper des terroristes, c’est-à-dire des musulmans qui menacent la nation.
En l’occurrence les figures fantomatiques, dirigeant les groupes Lashkar-e-Toiba et Jaish-e-Mohammed : Ghazi Baba (Usual suspect n°1), Maulana Masood Azhar (Usual suspect n°2) et un abominable Pakistanais du nom de Tariq Ahmed ; tous vivant, libres de nuire, à en croire la légende.
Et du « carré d’as » Cachemiriens bien réels, haïs de la brigade Safran : Syed Abdur Rahman Geelani (Usual suspect n°3), Shaukat Hussain Guru, son épouse Afsan Guru, et Mohammed Afzal ; présentés comme « une cellule de commandement et de soutien logistique », arrêtés en périphérie de l’attentat, à New Delhi et à Srinagar.
Le jeune professeur en littérature arabe Geelani de l’université de New Delhi et l’indicateur de police, Afzal, font l’objet d’une surveillance très serrée depuis bien longtemps...
Messages
1. Inde, 13 décembre : un anniversaire à l’ombre d’une potence, 13 décembre 2006, 08:03
Bonjour..... Je lis régulièrement Bellacio mais je trouve que cette fois vous manquez un peu d’infos sur ce qui se passe en Inde et sur le rôle d’Azfal (les comparaisons me semblent douteuses avec Moussaoui) et l’opinion indienne à son sujet... La peine de mort est une plaie dans notre pays mais heureusement il y a encore et toujours des gens pour s’y opposer (y compris le Président de l’Union indienne, dommage qu’il ne démontre pas plus ses positions par un acte !!).
Quand à l"honneur du Cachemire blessé", excusez moi mais ce type de vocabulaire me fait un peu peur... L’Inde n’est pas tendre avec ses voisins mais la situation au Cachemire mérite d’être dé-caricaturée parfois... Les soi-disants groupes de libération (pour Azad-e-Kashmir) ne sont pas des enfants de choeur et les premiers qu’ils prennent en otage sont les populations.
Je conseille à ceux qui veulent en savoir plus un petit tour sur le mag TEHELKA www.tehelka.com journal militant d’investigation qui n’a pas peur de se mouiller ... (ce n’est pas de la pub !)
C.C.
1. Inde, 13 décembre : un anniversaire à l’ombre d’une potence, 14 décembre 2006, 12:03
Réponse de l’auteur de l’article :
Je suis marié à une indienne et me rend très souvent sur le sous-continent indien, en particulier dans l’Etat du Jammu-et-Cachemire. Je suis également un lecteur du magazine Tehelka dont j’aprécie certains articles mais pas tous ! Tehelka peut être très "nationaliste", et, proche, dans certains articles, des cercles du pouvoir, en particulier de l’Intelligence Bureau, équivalent du MI-5.
N’étant pas en ce moment en Inde, je me suis servi de l’article d’Arundhati Roy, paru fin octobre, dans le magazine Outlook dont le tire est His Life sould be extinct., pour charpenter mon étude.
Mon travail ici ne prétend pas être "une thèse sur le 13-Décembre 2001", ni une parfaite plaidoirie du cas Afzal. Simplement une ébauche...
J’ai associé Afzal à Moussaoui car le 13-Décembre est présenté officiellement comme le 11-Septembre indien, et tous deux sont des boucs émissaires, plutôt des fusibles afin de stopper toute complète investigation.
Le terme "Cachemire blessé" est un euphémisme pour décrire une occupation militaire indienne terrible ; je vous renvoie pour plus de détails à l’article de Roy ainsi qu’aux rapports d’Amnesty International.
HIMALOVE