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L’écologie entre en contradiction avec 95% des choix de la droite

Publie le vendredi 2 mars 2007 par Open-Publishing
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Claude-Marie Vadrot souhaite en finir avec "la pénible agonie du ministère
de l’Environnement" : ses locataires récents ont trop renoncé, trop cédé,
trop accepté, pour être encore crédibles. "Le susdit ministère n’aura
existé, depuis l’arrivée de sa dernière titulaire, que pour imposer cinq
ours (au lieu des dix prévus) à des imbéciles malheureux", note le
journaliste, désabusé, dans L’Horreur écologique (1). Quant au poste de
"vice-premier ministre en charge du développement durable" imposé par
Nicolas Hulot à dix candidats à l’élection présidentielle, c’est du
"gadget", écrit l’auteur en colère.

L’Horreur écologique est un pamphlet, au style féroce et enlevé. Il
tranche dans le vif. Mais, à la différence de beaucoup de livres à charge,
il a du fond. C’est un livre parfaitement documenté qui propose une vision
globale des problèmes dont souffre notre bonne vieille Terre. Certains
chapitres renouvellent le débat, notamment sur la pertinence des
"biocarburants", le sens de l’information "en temps réel" sur les
pollutions ou l’origine de la grippe aviaire. Pas de doute, ce pavé dans
la mare est une lecture utile. Et urgente. Entretien avec l’auteur.

Réunion sur le climat à Paris, agitation autour de la candidature Hulot,
grandes messes télévisées avec Yann Arthus Bertrand… Les politiques et les
médias semblent se mobiliser autour de la question environnementale.
S’agit-il d’un vernis écologique, vite lavable en machine (électorale), ou
peut-on espérer une réelle évolution des consciences ?
La plupart des politiques et les médias ne se mobilisent pas sur
l’environnement. Ils s’immobilisent sur le réchauffement du climat ! Parce
que cela fait de la météo-spectacle et que les gens ont le sentiment
qu’ils n’y peuvent pas grand-chose. Il y a peut-être, sur les problèmes de
santé liés aux pollutions ou sur le climat-mauvais temps "y a plus de
neige pour le ski", une évolution de la prise de conscience mais pas des
consciences. Vous savez comment on appelle la neige artificielle
désormais, que l’on soit skieur ou propriétaire de remonte-pentes ? "La
neige de culture !" C’est-y pas joli ? Quant à Hulot, tout est bien qui
finit bien, il est retourné à TF1 et à son rôle d’agitateur…

Ségolène Royal, conseillée par Bruno Rebelle, l’ancien directeur de
Greenpeace France, vient de détailler ses mesures pour "l’excellence
environnementale". Quel regard portez-vous sur ces annonces ?
J’ai parlé avec Ségolène Royal bien avant l’annonce de sa candidature. De
ces trois conversations, j’ai retenu sa compétence sur ces sujets et ce
qui m’a semblé être un intérêt authentique. De plus, Rebelle est un bon
choix. Reste à se débarrasser du pauvre programme écologiste du PS… Pour
l’instant, ces mesures sont ce que j’ai lu de plus complet, de plus
cohérent dans le genre, si l’on met à part ce que dit José Bové.

En quoi le projet de José Bové est-il plus convaincant sur le sujet de
l’environnement ?
Il affirme clairement que, sur l’écologie, il n’y a pas de compromis
possible. Je comprends que Ségolène Royal représente un compromis, mais,
pour le premier tour, je suis davantage passionné par José Bové.
Dans votre livre, vous manifestez un certain respect pour Serge Lepeltier,
éphémère ministre de l’écologie du gouvernement Raffarin. L’écologie
peut-elle être une valeur de droite ? Ou Serge Lepeltier est-il
l’exception qui confirme la règle ?
Je ne crois pas du tout qu’une politique écologique soit accessible à la
droite. C’est en contradiction avec 95% de ses choix. L’écologie est, par
nature, opposée à l’ultralibéralisme, au marché pollueur. L’écologie, pour
la droite, c’est la nostalgie, "c’était mieux avant". Cependant, comme
avec Ségolène Royal, j’ai eu la chance de parler avec Lepeltier bien avant
qu’il soit ministre. Lorsqu’il fréquentait assidûment le Forum social
mondial de Porto Alegre, par exemple. Il était plus à l’aise dans ce
milieu que François Hollande. J’ai souhaité ouvertement dans la presse, à
la surprise de nombreux confrères, qu’il devienne ministre à la place de
la calamiteuse Roselyne Bachelot. Il l’a été, il a été viré et a été privé
de son siège de sénateur. Lepeltier est l’exception qui confirme et
démontre la règle. Je lui ai souvent dit qu’il se trompait de parti…

Les dernières pages de votre pamphlet interrogent nos pratiques
individuelles. La solution est-elle dans le changement de ces pratiques ?
L’ampleur du problème actuel ne dépasse-t-il pas les bonnes volontés
individuelles ?
Certes, cela ne suffira pas. Mais si je cesse d’acheter du jetable, si je
refuse les carottes râpées ou les pommes de terre cuites pré-emballées,
j’incite des industriels de la bouffe à renoncer à me proposer des
produits hors de prix et coûteux en énergie. Si personne n’achète des
cerises du Chili, cela peut aider aussi à dépenser moins de kérosène. Si,
lorsque les prix sont comparables, je préfère l’achat au marché à la
grande surface, je pèse sur les choix économiques. Cependant, cela ne
suffira pas - il s’en faut de beaucoup. Il faut des législations
contraignantes, des orientations claires de l’État.

Vous ne citez pas l’agriculture biologique ?
L’agriculture bio me convainc seulement si elle est accessible à tout le
monde. C’est possible si le consommateur se rapproche du producteur. La
preuve : sur les marchés de province ou dans les jardins de Cocagne
(chantiers d’insertion qui utilisent le maraîchage biologique comme
support d’insertion sociale), le bio n’est pas plus cher que les autres
produits. Il ne faut pas profiter de la rareté du bio pour le renchérir.

Faut-il de nouvelles lois pour faire avancer la cause écologique ?
Les lois actuelles sont de plus en plus des lois de consensus. De
l’affichage sans réalité. La récente loi sur l’eau n’a par exemple aucune
force contraignante. Or, l’écologie, ce n’est pas "à vot’bon cur,
M’sieurs dames". Ce doit être une contrainte organisée. Pour les individus
comme pour les industriels. Sans cela, on est dans le "parler pour ne rien
faire". Le travail du prochain ministre de l’Environnement devrait être de
reprendre tous les textes déjà votés et de les faire respecter : il y a du
travail pour dix ans. Pas la peine de sortir des nouvelles lois.

Pourquoi dénoncez-vous le discours actuel sur les biocarburants ? Ne
représentent-ils pas une alternative crédible au tout pétrole ?
D’abord parce qu’ils n’ont rien de "bio" : "bio", c’est un label déposé !
Ces carburants supposent des cultures intensives de betteraves, de colza
ou de maïs utilisant des tonnes de pesticides, de fongicides et
d’herbicides. De plus, pour produire un litre d’éthanol, il faut 1,7
litres d’eau plus 13 litres d’eaux usées. Ajoutons que le bilan
énergétique de ces carburants est négatif : on dépense plus de fioul ou
d’essence pour le produire qu’on ne crée ensuite d’essence végétale.
Dépenser du pétrole pour fabrique de l’éthanol, quel intérêt ? La
polémique fait rage sur ce sujet aux États-Unis. Mais pas en France : les
carburants d’origine végétale sont un moyen d’enrichir les grandes
exploitations agro-chimiques qui vont être progressivement privées d’aide
par la transformation de la PAC (politique agricole commune). Enfin, comme
alternative au tout pétrole, il y a le renoncement (organisé) au "tout
voiture" en ville et au "tout camion" sur les routes.

Comment arbitrez-vous le débat entre "développement durable" et
"décroissance" ? Ces deux concepts vous paraissent-ils fondés ?
Match nul. L’expression "développement durable" me donne des boutons,
c’est un concept de communication que tout le monde accommode à sa sauce.
D’ailleurs, ce n’est même pas la traduction exacte du terme anglais
d’origine, sustainable development, qui aurait dû être traduit par
"développement supportable". Donc le mot m’est insupportable, surtout
quand il sert de cache-sexe à n’importe quoi et à des rapports sur papier
glacé de grandes entreprises prédatrices de l’environnement. Lisez le
dernier rapport "développement durable" de Total, vous passerez un bon
moment : ce n’est que du vent, des grands discours sur du beau papier
glacé, en contradiction totale avec leur politique de transport de
l’énergie. Quant à la décroissance, j’ai des doutes, de sérieux doutes.
Avons-nous le droit de proposer la décroissance aux pays d’Afrique ou
d’Asie qui, légitimement, aspirent à rejoindre nos niveaux de vie, à avoir
autant de bagnoles ou de frigos que nous ? D’autant plus que nous leur
avons vendu notre modèle de société et nos usines "clés en main". Je
préfère parler d’éco-développement ou tout simplement évoquer la
protection de la nature, la préservation de l’environnement, les choix
énergétiques, une autre agriculture, la diminution des produits chimiques.
Au moins, c’est plus clair. Je ne voudrais pas que l’on noie l’écologie
sous un vocabulaire fumeux et attrape-nigauds.

http://www.interdits.net/0702/ecolo.htm

Messages

  • Cela fait longtemps que je pratique une restriction volontaire de mes conso en tous genres, je n’ai pas de voiture, je fais mes courses à pieds où je profite d’un voyage organisé avec une amie pour faire mes petits achats en magasin bio ou au marché local.. Je n’ai pas de tel portable, pas de télé, seulement internet. Je me fous royalement des sirènes de la conso
    ultra-libérale ! Je préfère La Nature, une bonne marche à pieds et des amis et..mes chats. Tout le monde peut en faire autant, je ne me sens pas frustré, loin de là ! Ma vie est différente, plus en osmose avec Mère-La Terre ! Ciao ! Bernard B.
    Partisan de la Décroissance soutenable.