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Le cas SNCM, ou comment des forces libérales obscures et intégristes redistribuèrent les richesses

Publie le samedi 1er octobre 2005 par Open-Publishing
6 commentaires

Il était une fois des entreprises publiques, gérées par l’État, qui assuraient ce qu’on appelait alors des services publiques. Certaines s’occupaient du transport de la population, d’autres assuraient la distribution du courrier, d’autres encore garantissaient la santé de la population, acheminaient gaz et électricité, etc.
Tout était loin d’être parfait, bien sûr. Mais enfin, on ne parlait pas de déficits, les salaires y étaient à peu près convenables, les avantages appréciables. Et la population, bonne cliente, semblait cahin-caha s’en satisfaire.
Une de ces entreprises publiques s’appelait la SNCM.

Or, au nom du libre marché, de la modernisation du Monde et de la course à la rentabilité, « on » décida que les monopoles d’État avaient fait leur temps, qu’il fallait laisser jouer le jeu de la libre-concurrence. On institua même ce précepte en dogme, on créa des Communautés (Économiques Européennes, par exemple) chargé d’imposer et de faire respecter la nouvelle religion libérale. On réduisit à peau de chagrin toute possibilité d’intervention publique au nom de l’équité (sic), de la justice (re-sic), de l’incontournable mondialisation (re-re-sic, je m’en étrangle). À défaut de pouvoir les privatiser d’un trait, on imposa la création d’entreprises privées concurrentes.
C’est ainsi, par exemple, que naquit Corsica Ferries, concurrent privé de la SNCM. Elle assura le même service que l’entreprise publique, mais les salaires y étaient beaucoup plus bas, les avantages inexistants. De ce fait, elle était beaucoup plus « rentable » que l’entreprise publique. Elle prit aussi, naturellement, des parts de marché à la SNCM. Cette dernière commença sérieusement à manquer d’air. Et de finances. La Communauté libérale intégriste de Bruxelles interdit toute aide publique de renflouement au nom de la sacro-sainte libre concurrence.

« On » trouva alors la solution : privatiser l’entreprise publique, toutes les entreprises publiques, même, s’il le fallait. On allait voir ce qu’on allait voir. On allait enfin atteindre la divine « rentabilité » et même pulvériser les taux de profit. Pour qui ? Certainement pas pour les salariés. Sitôt privatisées, ces entreprises commencèrent par réduire leurs « coûts de fonctionnement » (en clair, elles virèrent une bonne partie de ceux qui y travaillaient et précarisèrent ceux, transis d’effroi, qui restaient). Obnubilées par leurs résultats financiers, elles n’hésitèrent pas à sacrifier également les usagers. Au rebut, les petits services dispendieux, non rentables, même s’ils étaient bien utiles à certains.
C’est ainsi que, petit à petit, subrepticement, fut-ce au prix de graves crises sociales réglées manu militari par les enfants de chœur de leurs forces de l’ordre, les gourous de la secte libérale et leurs affidés, les actionnaires, réussirent à piquer impunément toute une partie des richesses qui appartenaient avant (enfin presque) à ceux qui travaillaient.

Bon, finalement, une seule question se pose : comment on fait pour récupérer le magot et les services que ces mafieux ont fauché ou détruit ? Est-il possible de revenir à un état « laïque », à une Europe « laïque », je veux dire débarrassée du prêchi-prêcha libéral qui dissimule, comme dans toutes les religions, des agissements de coquins ?
Au boulot, les spécialistes...

Messages

  • Message très manichéen : d’un côté l’entreprise publique - que du bon, sauf peut-être, à vous lire, pour l’usager, mais c’est un point de détail n’est-ce pas ? - et de l’autre l’entreprise privée, celle des mafieux qui font des fortunes illicites. Les choses sont un peu plus compliquées que cela, si vous prenez le temps de lire la presse, les rapports annuels de la SNCM et le livre bllanc de Corsica Ferries (disponibles sur les sites web de ces sociétés).

    Ce pays a réussi a faire cohabiter les deux systèmes de service public et d’entreprises privés avec une certaine réussite : tous les jours, des milliers d’usagers français bénéficient de prestations de service public assurées par des entreprises privées ; cela s’appelle la DSP - délégation de service public - et cela couvre l’eau, l’électricité, les transports.... Que je sache, tout le monde semble s’y retrouver, sinon comment expliquer cette longue tradition ? Par ailleurs, l’instauration d’un minimum de concurrence dans le secteur des services ne me semble pas choquante, elle permet au moins de motiver tous les acteurs, pour un meilleur service.

    Pourquoi cela ne pourrait-il pas marcher avec le transport vers la Corse ? Pourquoi faudrait-il revenir à un monopole d’une société publique ? Il y a de la place pour les deux systèmes, aux bénéfices de la collectivité, qui est quand même l’objectif principal de tout cela et non pas l’octroi d’avantages toujours plus importants pour les salariés (navigants de la SNCM = 1 jour de travail, 1 jour de congé, est-ce bien raisonable ????). Si vous êtes un nostalgique des monopoles publics, alors faites ce test : imaginez ce que vous auriez comme service et comme prix dans les télécoms sans l’arrivée de la concurrence dans les années 1990. Un secteur sans concurrence est un secteur qui ne bouge pas et qui pénalise le client / l’usager. Dans un secteur sans concurrence, vous payeriez par exemple très très cher pour une connexion Internet haut débit.

    Encore une fois, tout est question d’équilibre. Un mix entre public et privé sur un domaine comme le transport vers la Corse a tous les avantages. C’est trop simpliste de les positionner ennemi l’un de l’autre. Cordialement.

    • Vous avez peut-être raison, un mix des deux statuts public/privé est peut-être préférable. Le monopole public aboutit bien souvent à des abus détestables. Et je me suis sans doute mal exprimé si vous avez pu penser que je considérais l’usager comme un "point de détail".
      Mais actuellement, il me semble qu’on s’oriente plutôt vers un tout privé qui est tout aussi détestable.
      Il est incontestable qu’une grande partie des richesses (PIB), dévolue autrefois aux salaires, est désormais captée par une petite clique d’actionnaires et de privilégiés que, oui, je considère comme mafieux, tout autant qu’étaient mafieux les sbires conduisant jadis le bloc des pays prétendûment communistes.
      Il est incontestable aussi qu’avec les privatisations libérales, le travail salarié s’est considérablement précarisé. Il est clair enfin que les services rendus aux usagers se sont gravement détériorés (comptez donc le nombre de voies de chemin de fer et de gares désaffectées).
      Le problème qui se pose n’est pas vraiment celui des pouvoirs, pro-public ou pro-privé. La nature humaine est ainsi faite que ceux qui ont le pouvoir finiront toujours par en abuser. Le problème est précisément d’établir des contre-pouvoirs suffisamment solides pour s’opposer à ces pouvoirs, quels qu’ils soient.
      Yéti conciliant

    • Un secteur sans concurrence est un secteur qui ne bouge pas et qui pénalise le client / l’usager. Dans un secteur sans concurrence, vous payeriez par exemple très très cher pour une connexion Internet haut débit.

      Propos tout à fait simplistes....

      Que des entreprises et services publics soient très mal gérées, nul doute et c’est un vieux débat qui n’est pas nouveau. Ainsi à la tête de beaucoup d’entreprises et services publics nous avons trouvé et nous trouvons des gens qui ont quitté depuis longtemps toute notion de bien public et de service public, qui bondissent de la tête d’une entreprise publique à celle d’une entreprise privée avec les résultats tout à fait mauvais qu’on connaît en matière de prospérité commune pour l’ensemble des citoyens.

      La gestion du secteur public et des entreprises publiques est depuis très longtemps dans la main de gens qui ont fait et qui font métiers de préparer le transfert du bien public entre des mains privées à prix cadeaux.

      Le cassage depuis des années de la SNCF prépare indeniablement le climat necessaire à l’accaparement par des mains privées cette entreprise. Ces questions ne sont pas nouvelles.

      Maintenant cette incurie dans la gestion de la part de grands bourgeois qu’on retrouvera plus tard à la tête d’autres entreprises privées ou des mêmes entreprises publiques privatisées doit-elle être payée par les salariés de ces services publics ?

      Les salariés de la SNCM seront-ils mieux payés une fois privatisés, en tenant compte de ceux qui auront été licenciés et dont on suivra le sort ?

      Si on répond oui à la question précedente alors il faut privatiser tout de suite la SNCM (mais à son vrai prix, 400 000 000 d’euros).

      Si on répond non à la question alors il faut considérer qu’on est dans une impasse du raisonnement, dans une logique economique peu efficace et conduisant à l’appauvrissement de la majorité de la population tout en favorisant une petite couche sociale très reduite...
      C’est la logique à l’oeuvre actuellement dans l’ensemble des vieilles démocraties qui engrange de la croissance non redistributive mais pas d’amélioration du veritable niveau de vie des populations (je ne parle pas là de revenu moyen mais de revenus médians) comme on peut le voir sur les chiffres du rapport du PNUD de cette année qui ne permettent pas de distinguer des differences de niveaux de vie réels entre pays plus ou moins sociaux (avec quand même une presence evidente pour les pays démocratiques les plus sociaux du monde historiquement, c’est à dire les pays nordiques, ce qui ne renvoie pas trop au breviaire liberal sur la supériorité du tout liberal)...

      Plus ou moins de concurence ? Je serai tenté de dire que c’est comme demander si une femme est + ou moins enceinte ! Elle l’est ou pas, mais pas + ou -.
      Si on peut faire une entreprise privée concurente avec des salaires plus bas, c’en est fini de l’entreprise publique...
      Est-celà qu’on veut ? Est-ce la seule variable d’ajustement inventée par les faiseur d’economie dans les vieilles démocraties ? Il semble que celà soit le cas apparemment.

      C’est sûr c’est que quand le lien démocratique se distend par rapport à des services publics ou des entreprises publiques, nous avons alors à considerer que ce ne sont plus alors des entreprises exprimant le bien public et une volonté collective, mais à des des entreprises bureaucratisées .

      Ceux qui organisent et ont organisé cette distanciation du lien démocratique entre les services publics, les entreprises d’état et la population, par incuries originelles (on tremble sur leurs logiques quand ces braves gens se retrouvent à la tête de boites privées, bonjour les Monopolys, bonjour les maîtres du monde, bonjour les sidérurgistes ...qui des fois se trouvent ministres..., bonjours les téléphonistes à 50 000 000 000 d’euros de dette ce qui est autre chose que le deficit d’exploitation de la SNCM)...ou désirs militants ultra-liberaux, doivent être virés vigoureusement des services publics. Dehors ! de l’air !

      Copas

    • Et pourquoi pas un service public assuré directement par les usagers ?
      voir pex
      http://www.wireless-fr.org/
      pour le haut-débit gratuit pour tous ?

  • Votre caricature de la situation économique est édifiante. L’idée du libéralisme n’est pas de supprimer les services publics. Seulement, memes si les regles du jeu ont changé avec l’europe, le contribuable n’a plus a financer des employés syndiqués innéficaces et se mettant en greve a tout bout de champ avnt meme d’esquisser une tentative de dialogue. Les syndicats ont coulés la SCNM comme ils l’ont fait naguere avec le compagnie générale transatlantique ou encore les chantiers navals de La Ciotat. La réalité économique ne peut etre balayée d’un revers de main pour etayer des theses communistes vieilles de 70 ans.
    La sncm assurait un service public ? Permettez moi de mettre en doute votre brillant exposé. En tant que client de cette compagnie, laissez moi donner mon avis.On y voit un personnel pléthorique mais peu diponisble totalement malaimable et finalement incompétent, en atteste les continuels retards dus a la lenteur du personnel.
    Si cette compagnie est censée proposer un service public, ses employés n’ont eux aucune notion de service tout simplement. De tels employés ne pourraient pas trouver de place dans le privé tant leur comportement rapelle les caricatures humoristiques a l’encontre des fonctionnaires.
    On ne demande pas aux employés de devenir des robots sous payés ou harcelés. On leur demande simplement de faire leur travail comme les employés du secteur privé qui les financent. Si les employés de cette société ainsi que leurs syndicats avaient eu un comportement responsable, nous n’en serions pas la. L’etat, donc le contribuable, n’a cessé de renflouer cette entreprise permettant a ses employés syndiqués de toucher un salaire qu ils ne méritaient pas.
    Désormais, la coupe est pleine. On ne demande pas que du profit, mais l’argent ne pousse pas aux arbres et il est temps pour tous les employés du public de se mettre enfin au travail. Les salariés qui vont se retrouver a la porte de cette entreprise pourront toujours remercier leurs syndicats qui, faisant délibérément fi des réalités économiques, ont refusé toute forme de compromis pour en arriver a une liquidation pure et simple de la société et de ses employés.
    Je tiens a mettre en avant l’irresponsabilité de vos propos. Refuser catégoriquement la mondialisation et le liberalisme conduit a la ruine. Combien d entreprises devront encore couler et combien de salariés se retrouveront au chomage avant que vous compreniez enfin cela ?