Accueil > "Le couvre-feu ne réglera rien"

SAÏD BOUAMAMA est sociologue à l’Institut de formation action recherche (IFAR) de Lille. Il travaille depuis de nombreuses années sur la crise sociale qui frappe les quartiers populaires du Nord - Pas-de-Calais.
– Quelles sont les causes de ces violences ?
« Je vois deux raisons principales. Le taux de chômage dans les zones urbaines sensibles, d’abord. Il atteignait, en 2004, 20,7%. Avec, chez les jeunes, des pointes à 36% pour les garçons et 40% pour les filles. Or la moyenne nationale est de 10% ! Se forment deux France qui ne vivent pas les mêmes réalités. Ensuite, la discrimination continue à augmenter. Aujourd’hui, à 24 ans, on peut avoir vécu des cas flagrants de discrimination non pas une fois, mais trois ou quatre : c’est très destructeur.Enfin, la promotion sociale ne joue plus : pour la première fois de notre histoire, on a des enfants issus de l’immigration qui peuvent espérer - au mieux - une situation à peine comparable à celle de leurs parents. »
– Les troubles vont-ils durer encore longtemps ?
« Encore un certain temps, je pense. Et si les questions de fond ne sont pas réglées, ils se reproduiront à l’avenir. »
– Comment expliquer la propagation des faits ?
« Ils se propagent parce que certains jeunes veulent montrer de façon plus ou moins consciente qu’il s’agit d’une affaire nationale et d’un problème de fond. On sent la volonté que le mouvement ne retombe pas à l’instar de ce qui s’est produit dans le passé. J’ai entendu à la télé un jeune qui se justifiait ainsi : "On nous traite comme des esclaves, on se révolte comme des animaux." Cette phrase reflète bien l’état d’esprit des auteurs de ces troubles. »
– Le couvre-feu décidé par le gouvernement va-t-il apaiser les esprits ?
« Ce couvre-feu ne réglera rien. J’attendais hier (lundi) un discours politique fort qui montrait aussi que les causes de ces troubles étaient comprises. On ne l’a pas entendu. On ne peut pas dire qu’il y a d’abord des devoirs à des jeunes qui estiment ne pas avoir de droits du tout. »
– Les habitants des quartiers sensibles parlent souvent de provocations policières...
« Selon moi, la responsabilité de la police est flagrante. Les jeunes me disent qu’ils ont le sentiment d’être méprisés et humiliés lors des différents contrôles. Les propos de M. Sarkozy n’ont fait qu’amplifier cette perception. »
– Comment sortir de cette impasse ?
« La question de l’égalité des citoyens doit être posée comme cause nationale. Il faudra ensuite proposer un Grenelle des quartiers populaires. Et avoir le courage de reconnaître qu’il y a de la discrimination en matière d’embauche avant de prendre des mesures qui aillent jusqu’à la répression des employeurs. »
Propos recueillis par Nicolas FAUCON
Article paru dans la Voix du Nord du 9 novembre
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RESISTANCES !
Patrice Bardet
Messages
1. > "Le couvre-feu ne réglera rien", 10 novembre 2005, 10:53
Y a pas de raison que cela s’arrange
Voir le NAIRU et ce qu’on en fait...
Trouvé sur le site d’Etienne Chouard.
A la tienne Etienne ;-)
Skblllz
2. > "Le couvre-feu ne réglera rien", 10 novembre 2005, 11:14
Réunion-débat à Etampes, Vendredi 18 novembre, 20h30 Salle Saint-Antoine (près du collège Guettard)
La spirale des violences, des destructions d’équipements et des biens individuels, les attaques contre les personnes dans les quartiers populaires ajoutent un traumatisme à un contexte social déjà marqué par une profonde angoisse.
Face à cette situation, les élus, les populations, les associations, les pompiers et des secteurs importants de la police se solidarisent et agissent ensemble pour protéger pacifiquement les biens communs.
Disons-le tout net. Rien ne peut justifier ces violences et ces destructions. Nous qui agissons pour plus de services publics, nous ne pouvons accepter que l’on détruise des crèches, des écoles, des gymnases, des bus ou des rames de RER, alors que depuis des années, le pouvoir réduit les moyens affectés à ces équipements comme il réduit ceux des collectivités locales et des associations.
Nous ne pouvons accepter non plus que l’on brûle des véhicules, que l’on dégrade des habitations, de surcroît dans des quartiers déjà malmenés où vivent des populations souffrant de la baisse du pouvoir d’achat, du chômage et de la précarité.
Il faut d’urgence que cela cesse ! Il faut dire non aux violences !
Seules des dispositions attaquant le cœur même des inégalités, du chômage, des discriminations, des humiliations et de la pauvreté peuvent être de nature à sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes, de nombreuses familles des quartiers populaires.
Nous proposons d’engager le débat avec toutes celles et tous ceux qui veulent faire stopper l’engrenage de la violence et bâtir ensemble des solutions nouvelles pour que chacune et chacun vive mieux.
Ce n’est pas le couvre-feu qu’il faut décréter mais l’état d’urgence sociale.
Les Communistes Etampes-Sud Essonne.
http://www.bonjour-etampes.com
3. > "Le couvre-feu ne réglera rien", 10 novembre 2005, 12:57
Petite citation :
Enfin, la promotion sociale ne joue plus : pour la première fois de notre histoire, on a des enfants issus de l’immigration qui peuvent espérer - au mieux - une situation à peine comparable à celle de leurs parents.
Je tenais juste à préciser que ce "blocage" ne concerne pas seulement les enfants issus de l’immigration. Même s’il existe des situations contrastées, c’est toute la génération entrée sur le marché du travail à la fin des années 80 qui a vu les portes se fermer devant elle et qui subit depuis les conséquences du chômage de masse, phénomène sciemment entretenu au nom de la sacrosainte lutte contre l’inflation, cauchemar absolu des libéraux étroits d’esprit (pléonasme).
Theoven