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Le nouveau masque de la politique américaine au Proche-Orient
Publie le mercredi 9 novembre 2005 par Open-Publishingde Gilbert Achcar
Trois types de prétextes ont été utilisés par l’administration Bush pour justifier l’invasion de l’Irak : le premier fut, bien sûr, la « guerre contre le terrorisme » décrétée à la suite du 11 septembre 2001 ; contre toute évidence, le président Saddam Hussein fut présenté au public américain comme complice, sinon commanditaire, de M. Oussama Ben Laden. Le second argument fut la menace représentée par les « armes de destruction massive » ; nous savons désormais que les informations données par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne à ce sujet étaient mensongères. A mesure que les deux autres s’estompaient, le troisième argument a gagné en importance : Washington promettait de faire de l’Irak un modèle démocratique si attractif qu’il servirait d’exemple pour tout le Proche-Orient.
Avancé concurremment avec les deux autres depuis le début de la campagne contre Bagdad, cet argument fut propagé de la façon la plus zélée par les amis néoconservateurs de l’administration Bush (1), très actifs autour du Pentagone. Le président lui-même exposa solennellement son ambition de répandre les « valeurs démocratiques » au Proche-Orient. Il le fit dès le 26 février 2003, à la veille de l’invasion de l’Irak, devant l’American Enterprise Institute, un think tank connu pour être un repaire de néoconservateurs et de partisans inconditionnels d’Israël - parmi lesquels M. George W. Bush se vanta d’avoir « emprunté » vingt personnes pour son administration (2). Puis, comme pour montrer quel type de valeurs il s’agissait avant tout de répandre, le président américain proposa, le 9 mai 2003, « l’établissement d’une zone de libre-échange Etats-Unis - Moyen-Orient d’ici une décennie (3) ».
Cette argumentation a trouvé un soutien chez quelques-uns des adeptes de la « guerre humanitaire » sous l’administration Clinton, restés partisans de la manière forte sous M. Bush. Professeur à Harvard et spécialiste des droits humains, le Canadien Michael Ignatieff est un représentant de ce cercle qui avance des arguments sophistiqués pour voler au secours d’une administration aux raisonnements plus frustes. Dans un essai retentissant publié début 2003 dans le supplément dominical du New York Times, Michael Ignatieff vantait sur un ton désabusé, pour mieux convaincre, les mérites de l’« empire américain », devenu sous sa plume le véritable « empire du Bien ».
Les Etats-Unis seraient « un empire light, une hégémonie mondiale dont les agréments sont les marchés libres, les droits humains et la démocratie, imposés par la plus redoutable force militaire que le monde ait jamais connue (4) ». Dans la péroraison de sa longue plaidoirie, l’auteur énonçait : « Ce qui plaide en faveur de l’empire, c’est qu’il est devenu, dans un endroit comme l’Irak, le dernier espoir tant pour la démocratie que pour la stabilité. » Avec le recul, le pronostic apparaît dans toute sa fausseté (5)...
A l’inverse de ces louanges « idéalistes » émanant de « libéraux », au sens américain de « progressistes », la prétention de l’administration Bush d’apporter la démocratie au monde musulman en général, et à l’Irak en particulier, a été soumise à vives critiques du côté des « réalistes ». Adam Garfinkle, le rédacteur en chef de The National Interest, principale revue théorique de ce courant, mit vigoureusement en garde contre la naïveté de ce type d’approche dès l’automne 2002.
La première objection qu’il formulait concernait le « paradoxe de la démocratie » défini par un autre professeur de Harvard, le célèbre Samuel Huntington : dans certaines régions du globe, la démocratie peut jouer en faveur de forces hostiles à l’Occident, parangon de cette même démocratie. Le monde musulman est la région par excellence où cette loi se vérifie, étant celle où l’hostilité aux Etats-Unis est à son comble.
La seconde objection que soulevait Adam Garfinkle était qu’une campagne pour la démocratie dans le monde arabe « présuppose soit un tournant majeur des attitudes états-uniennes envers les classes dirigeantes non démocratiques d’Arabie saoudite, d’Egypte, de Jordanie et autres, que nous avons longtemps considérées comme nos amies, soit un état permanent d’hypocrisie diplomatique flagrante (6) ».
Cette hypocrisie - dont sont familières les populations du monde musulman depuis fort longtemps - est à la source de l’incrédulité mêlée d’ironie amère que suscitent auprès d’elles les promesses démocratiques de Washington. C’est ce que soulignent aux Etats-Unis des partisans sincères de la démocratie. Chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, Thomas Carothers critiquait il y a un an le « dédoublement de la personnalité » du président Bush et de son équipe : « “Bush le réaliste” cultive activement des relations chaleureuses avec des “tyrans amis” dans plusieurs parties du globe, tandis que “Bush le néoreaganien” prononce des appels retentissants pour une nouvelle et vigoureuse campagne pour la démocratie au Moyen-Orient (7). »
Une initiative retentissante
Dans un article sur la stratégie des Etats-Unis, Sherle Schwenninger, codirecteur du programme de politique économique mondiale de la New America Foundation, rappelait que « l’essence même de la politique américaine au cours des trois dernières décennies a été contraire à la démocratie et à l’autodétermination arabes ». Chaque président a poursuivi la même stratégie composée de trois piliers qui ont chacun « profondément aliéné la population arabe » : « le financement de la défense d’Israël et la promotion d’un certain type de processus de paix » ; « le soutien aux gouvernements pro-américains en Egypte et en Jordanie » ; et « le développement d’une étroite alliance avec les familles régnantes des Etats pétroliers du golfe Persique, en particulier avec la famille royale saoudienne ».
« L’occupation de l’Irak, ajoute-t-il, n’a fait qu’aggraver les problèmes de légitimité de l’Amérique. Pour la plupart des peuples de la région, elle n’a fait que renforcer leur perception que les Etats-Unis sont plus intéressés par le pétrole et leur position militaire dominante que par le bien-être du peuple irakien (8). »
L’absence d’armes de destruction massive en Irak et la dynamique d’une situation marquée par une profonde défiance populaire, sinon une franche hostilité, à l’égard des Etats-Unis, ont amené M. George W. Bush à augmenter le volume de l’« argumentaire démocratique ». A cette fin, il prononça un discours à ambition programmatique, le 6 novembre 2003, devant le National Endowment for Democracy, un think tank bipartisan créé en 1983 sous l’impulsion de l’administration Reagan et réuni à la Chambre de commerce des Etats-Unis.
Faisant de la démocratie dans le monde musulman le thème central de son discours, le président illustra néanmoins la géométrie très variable de la conception qu’il en a en décernant des satisfecit aux dirigeants d’une longue liste de pays arabes autocratiques - Maroc, Bahreïn, Oman, Qatar, Yémen, Koweït, Jordanie, et même la monarchie saoudienne - tout en fustigeant « les dirigeants palestiniens qui bloquent et sapent la réforme démocratique (9) ».
Quelques jours plus tard, un bras de fer était engagé en Irak entre, d’une part, le « proconsul » Paul Bremer, comme l’appelle l’hebdomadaire britannique The Economist, et ses collaborateurs irakiens et, d’autre part, le grand ayatollah Ali Al-Husseini Al-Sistani, principale autorité spirituelle des chiites d’Irak. Bras de fer éminemment « paradoxal » (selon le paradoxe de Huntington) puisque c’est l’ayatollah qui exigeait le suffrage universel, tant pour l’élection d’une Assemblée constituante que pour la ratification d’une nouvelle Constitution, tandis que l’autorité occupante arguait de l’impossibilité d’organiser un scrutin à court ou moyen terme afin de justifier le transfert formel du pouvoir à un gouvernement irakien désigné par Washington. Dans cette confrontation, l’ayatollah, s’appuyant sur les manifestations de masse de ses partisans, est parvenu à imposer une médiation de l’Organisation des Nations unies (ONU) qui a débouché sur la promesse d’organiser des élections vers la fin de cette année.
C’est dans ce contexte très nuisible à l’image « démocratique » dont elle s’était affublée que l’administration d’un George W. Bush en perte de vitesse dans les sondages, à quelques mois de l’élection présidentielle, choisit de lancer une nouvelle initiative retentissante. Le 13 février 2004, le quotidien libéral de langue arabe Al-Hayat, basé à Londres, publiait un document de travail (working paper) intitulé « Partenariat G8 Grand Moyen-Orient (10) », que Washington avait distribué aux « sherpas » des dirigeants du G8 en vue du sommet qui aura lieu du 8 au 10 juin à Sea Island (Géorgie), aux Etats-Unis.
Puisant largement dans les rapports sur le monde arabe préparés sous l’égide du Fonds arabe de développement économique et social (Fades) et du bureau régional du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) (11), le document américain évoque le niveau de pauvreté, d’illettrisme et de chômage dans les pays arabes pour tirer une sonnette d’alarme à l’intention des membres du G8, dont les « intérêts communs » seraient menacés par « une croissance de l’extrémisme, du terrorisme, du crime international et de l’immigration illégale (12) ». C’est à ce titre que Washington interpelle les membres du groupe en présentant comme complémentaires des initiatives passablement concurrentes - comme le Partenariat euro-méditerranéen (le « processus de Barcelone ») et la Middle East Partnership Initiative du département d’Etat américain - et en invoquant les « efforts multilatéraux de reconstruction en Afghanistan et en Irak » comme s’ils s’inscrivaient dans une seule et même démarche.
Microfinance et privatisations
Sous les rubriques « Démocratie » et « Société de la connaissance », le document propose plusieurs initiatives d’une portée très limitée, comme une aide technique du G8 aux pays arabes qui organisent des élections entre 2004 et 2006. Il est précisé qu’il s’agit d’une « assistance préélectorale » (aide technique à l’enregistrement des électeurs et formation de personnel) et non d’une surveillance du déroulement des élections elles-mêmes. Ou encore l’aide à la mise en place de centres de formation de femmes dirigeantes et de journalistes, d’organismes d’assistance juridique (charia comprise) et d’organisations non gouvernementales, ainsi que l’aide à la formation de 100 000 institutrices d’ici à 2008.
Sous la rubrique des « Chances économiques », le document propose les innovations les plus « audacieuses », appelant à « une transformation économique d’une ampleur similaire à celle qu’ont entreprise les pays ex-communistes d’Europe centrale et orientale ». La clé de cette transformation est le renforcement du secteur privé, sésame de la prospérité et de la démocratie selon le credo washingtonien. A ce sujet, le document atteint un degré confondant d’ingénuité. Grâce aux miracles de la « microfinance », avec seulement 100 millions de dollars par an sur cinq ans, on pourrait faire sortir de la pauvreté 1 200 000 « entrepreneurs » (dont 750 000 femmes), à coups de prêts de 400 dollars par personne.
Les autres recettes sont plus convenues : création d’une Banque du Grand Moyen-Orient pour le développement, sur le modèle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), - alors que les pays arabes disposent d’une institution de ce type, le Fades, à la différence près qu’elle n’est pas pilotée par les pays occidentaux ; création de zones franches, alors qu’il en existe déjà plusieurs dans les pays arabes ; et pression pour que la priorité soit donnée à l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et aux réformes nécessaires à cette fin.
Depuis sa divulgation par Al-Hayat, ce document a suscité un feu nourri de critiques dans le monde arabe. A commencer par sa définition même du « Grand Moyen-Orient » : outre les pays arabes, la zone concernée regroupe l’Afghanistan, l’Iran, le Pakistan, la Turquie et Israël, des pays qui n’ont pour dénominateur commun que de relever de la zone où se manifeste l’hostilité la plus forte aux Etats-Unis et dans laquelle se déploie avec la plus grande vigueur l’intégrisme islamique dans sa version anti-occidentale, érigé en ennemi public numéro un par Washington.
Hormis cette considération relevant de priorités politico-stratégiques que les Etats-Unis cherchent à faire adopter par leurs partenaires occidentaux, aucune raison géographique, culturelle ou économique ne justifie un tel assemblage régional, trop étendu ou pas assez selon les critères objectifs envisageables. Les gouvernements des pays concernés, comme leurs populations, ne sauraient accepter une telle logique - à l’exception d’Israël, qui partage d’autant plus les priorités stratégiques de Washington que les autres pays de l’ensemble sont ses principales sources d’inquiétude.
Une des toutes premières et des plus virulentes critiques arabes du document américain est venue du rédacteur principal du Rapport sur le développement humain arabe, l’Egyptien Nader Fergany. Offusqué par la façon dont Washington s’est approprié le rapport, il publie, dans Al-Hayat, un article dans lequel il souligne que la procédure même - le peu de temps laissé aux partenaires du G8, et encore moins aux Etats arabes, pour se prononcer sur le projet - dénote déjà « la mentalité arrogante de l’administration américaine actuelle à l’égard du reste du monde, qui l’entraîne à agir comme si elle pouvait disposer du sort des Etats et des peuples (13) ».
L’auteur reproche au document de généraliser les données d’une étude consacrée exclusivement aux pays arabes à une vaste zone géographique fort disparate, majoritairement musulmane et considérée par les néoconservateurs comme source de terrorisme, en faisant fi des spécificités des pays englobés. Il expose plusieurs raisons pour un rejet résolu du projet.
D’abord, le fait qu’il est « imposé de l’extérieur », sans consultation préalable des principaux intéressés. Ensuite, le manque de « crédibilité » d’une administration qui sème la corruption dans le monde arabe et menace ses intérêts. C’est bien pourquoi, ajoute Fergany, le document de Washington s’appuie sur le rapport PNUD-Fades, « comme un ivrogne s’appuie sur un lampadaire pour ne pas tomber, et non pour s’éclairer ».
De la même façon, écrit-il en exprimant un sentiment fort répandu dans la région, Washington cherche à « compromettre » l’Europe dans son propre projet. Cela concerne surtout les Etats - l’Allemagne et la France, au premier chef - auxquels l’opposition à l’invasion de l’Irak « a gagné popularité et respect auprès du peuple arabe au point que les forces du changement dans la région voient en eux d’importants alliés ». Si ces pays adhéraient aux vues américaines, continue Fergany, « ils perdraient largement le capital politique que leur a valu leur soutien limité aux droits arabes » et rateraient une occasion historique de partenariat avec les forces du changement dans la région. Peut-être est-ce là même, ajoute-t-il, « un objectif latent » du document de Washington.
Fergany critique, en particulier, la volonté des Etats-Unis d’imposer leur modèle économique au Moyen-Orient. S’y ajoute le fait que le document ignore les problèmes principaux du monde arabe : il postule une intégration d’Israël dans l’ensemble régional, sans même évoquer les droits des Palestiniens. Il ne s’intéresse qu’à la reconstruction de l’Irak - et non à sa souveraineté - dans la mesure où cela signifie « la distribution de contrats aux entreprises des Etats qui ont contribué à détruire l’Irak ».
En conclusion, Fergany appelle les Etats arabes à rejeter le projet américain, tout en soulignant qu’un refus qui ne s’accompagnerait pas d’un effort authentique de la part de ces Etats afin de promouvoir une réforme endogène, un projet authentique de renaissance du monde arabe, serait vain. C’est cette dernière perspective de réforme qu’esquisse le rapport PNUD-Fades. Sa dernière livraison, parue en octobre 2003, a tenu compte des reproches adressés, à juste titre, à la première édition (juillet 2002) de se conformer au credo néolibéral et de négliger la part de responsabilité des dominations extérieures dans l’état du monde arabe. Le rapport 2003 met l’accent sur le caractère dépendant des économies arabes, tempère quelque peu son libéralisme économique en prévenant contre la substitution de monopoles privés aux monopoles étatiques, et formule une critique vigoureuse des politiques israélienne et américaine au Proche-Orient (14).
Ce problème de crédibilité est le handicap le plus lourd du projet américain. Même les partisans les plus résolus du changement dans le monde arabe le rejettent à ce titre. Ainsi, le militant tunisien des droits humains Moncef Marzouki souligne, toujours dans Al-Hayat, « l’absence totale de crédibilité de la politique des Etats-Unis de promotion de la démocratie dans le monde arabe (15) ». « On peut même dire, ajoute-t-il, que toute leur politique aboutit au contraire à ouvrir un boulevard aux forces islamiques extrémistes, comme nous le voyons en Irak et le verrons encore ailleurs. »
L’hostilité profonde que suscite l’administration Bush dans les pays arabes et la méfiance exacerbée contre tout ce qui émane d’elle ont poussé les principaux alliés et protégés arabes de Washington que sont les régimes égyptien et saoudien à se démarquer de l’initiative américaine. Le président égyptien Moubarak a pris la tête du camp critique afin de mieux se prémunir contre les réactions virulentes que ne manque pas de provoquer cette initiative. Après avoir émis ses réserves, il s’est envolé pour Riyad, où il a publié avec ses hôtes un communiqué rejetant « l’imposition de l’extérieur d’un type spécifique de réforme aux pays arabes et musulmans (16) ».
Devant cette levée de boucliers, l’administration Bush a juré qu’elle n’entendait nullement se substituer aux pays intéressés. Le département d’Etat s’est chargé de faire passer le message, ce qui n’a pas empêché le sous-secrétaire d’Etat Marc Grossman, dépêché auprès de quelques alliés arabes de Washington, de déclarer, à Bruxelles, que les prochains sommets Etats-Unis/Union européenne (Dublin) et de l’OTAN (Istanbul), prévus, comme celui du G8, pour juin prochain, devaient eux aussi discuter de la réforme dans le « Grand Moyen-Orient ». En tournée régionale à son tour, le secrétaire d’Etat Colin Powell a déclaré, au Koweït, que Washington comptait sur les Etats arabes pour qu’ils s’emparent de la question préalablement au G8.
Il sera entendu : les alliés arabes des Etats-Unis s’apprêtent à remettre sur le tapis, sous une forme ou une autre, au sommet convoqué à Tunis les 29 et 30 mars, l’« initiative saoudienne » (déjà inspirée par Washington). Cette dernière avait été annoncée en janvier 2003 en vue du précédent sommet prévu à Bahreïn en mars de la même année, mais qui avait été déplacé à Charm el-Cheikh, en Egypte, et réduit à une seule journée pour cause de crise irakienne. L’initiative du prince héritier Abdallah avait été rendue politiquement inopportune par la tension régionale, ainsi que par la mise en garde de certains de ses pairs contre la soumission aux desiderata de Washington. Le président syrien Bachar El-Assad, en particulier, avait dénoncé les « masques » successifs utilisés par Washington pour mettre la main sur l’Irak : les inspections de l’ONU, les résolutions du Conseil de sécurité, les armes de destruction massive, « la question de la démocratie, puis les droits humains ». « Et ils nous promettent maintenant le développement (17)... »
L’initiative saoudienne visait à faire adopter par les Etats arabes une nouvelle charte prônant l’« autoréforme » et le développement de la « participation politique », ainsi que des mesures pour « soutenir et favoriser le secteur privé » et instaurer à terme un « marché commun arabe ». En somme, les mêmes recettes, dont le contraste entre le caractère timoré en politique et le caractère résolu et fondamental en économie indique bien qu’au Proche-Orient la « libéralisation » risque fort, avec de tels promoteurs, de se limiter à la privatisation. Le
Monde diplomatique d’avril 2004.
Par Gilbert Achcar - Université Paris-VIII et Centre Marc-Bloch (Berlin). Derniers ouvrages parus : L’Orient incandescent, Editions Page deux, Lausanne, 2003, et Le Choc des barbaries, 10/18, Paris, réédition 2004.
Notes :
(1) Pour un exposé du programme de « démocratisation&nbs p ; » du Moyen-Orient, lire Victor Davis Hanson, « Democracy in the Middle East : It’s the hardheaded solution », dans le principal organe des néo-conservateurs, The Weekly Standard, Washington, 21 octobre 2002.
(2) George W. Bush, « President Discusses the Future of Iraq », Office of the Press Secretary, The White House, Washington, 26 février 2003.
(3) George W. Bush, « Remarks by the President in Commencement Address at the University of South Carolina », Office of the Press Secretary, The White House, 9 mai 2003.
(4) Michael Ignatieff, « The Burden », New York Times Magazine, 5 janvier 2003.
(5) Au point qu’Ignatieff a dû se rétracter publiquement au sujet de l’Irak : « The Year of Living Dangerously », New York Times Magazine, 14 mars 2004 (traduction française publiée sous le titre « Comment j’ai changé d’avis sur l’Irak », dans Le Monde du 21 mars 2004).
(6) Adam Garfinkle, « The Impossible Imperative ? Conjuring Arab Democracy », The National Interest, New York, automne 2002.
(7) Thomas Carothers, « Promoting Democracy and Fighting Terror », Foreign Affairs, New York, janvier-février 2003.
(8) Sherle Schwenninger, « Revamping American Grand Strategy », World Policy Journal, New York, automne 2003.
(9) « Remarks by the President at the 20th Anniversary of the National Endowment for Democracy, United States Chamber of Commerce », The White House, 6 novembre 2003.
(10) Le texte anglais original est publié sur le site Internet en langue anglaise du quotidien.
(11) PNUD et Fades, Rapport arabe sur le développement humain 2002 et Rapport arabe sur le développement humain 2003,, New York. Le titre est, bien sûr, mal traduit : dans sa version arabe originale et en traduction anglaise, le rapport s’intitule Rapport sur le développement humain arabe. Les deux éditions sont disponibles en téléchargement (gratuit en langue arabe uniquement, payant en anglais et français) sur le site du PNUD.
(12) On appréciera la façon dont l’« immigration illégale » est associée aux autres fléaux.
(13) Nader Fergany, « Critique du projet du “Grand Moyen-Orient” : les Arabes ont grandement besoin de refuser une réforme qui vient de l’extérieur » (en arabe), Al-Hayat, Londres, 19 février 2004.
(14) En représailles, l’administration Bush a considérablement réduit la contribution des Etats-Unis au budget du PNUD par rapport à ce qui avait été déjà voté par le Congrès.
(15) Moncef Marzouki, « Le projet américain de démocratie dans le Grand Moyen-Orient. Oui, mais avec qui ? » (en arabe), Al-Hayat, 23 février 2004.
(16) Lire à ce sujet Nevine Khalil, « Winds of Change », Al-Ahram Weekly, Le Caire, 26 février 2004.
(17) Lire Amira Howeidy, « Swan-Song for Arab Unity », Al-Ahram Weekly, 6 mars 2003.